Chapitre 14 : Se relever

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Cela fait des heures que Naïla et Sylvain attendent à l'hôtel. Ils n'ont rien trouvé encore, mais la ville est si grande, et les gens si peu coopératif, qu'ils ont fait logiquement choux blancs. Ils commencent à s'inquiéter, c'est la première fois que leur commissaire n'est pas à l'heure ou qu'il ne les prévient pas, et en plus, il fait nuit depuis longtemps. Soudain, le téléphone de Sylvain sonne. Il décroche. Naïla voit alors le visage de son ami se décomposer, devenir livide et blanc, et elle comprend alors. Sylvain regarde Naïla dans les yeux, il sait qu'il n'a rien à dire de plus, qu'il n'a pas à raconter que c'était leur supérieur Arthur qui était au téléphone. Il n'a pas besoin de lui dire qu'Arthur lui a annoncé la découverte d'un corps sur les quais de La Ciota, et que ce corps appartient à leur commissaire. Les deux ont bien envie de pleurer ici et maintenant, mais ce n'est pas ce que voudrait Fox. Ils prennent alors leurs affaires, et la direction des docks. En arrivant en taxi, ils constatent une nuit éclairée par des dizaine de gyrophares, une lumière qui rebondit sur les murs sales des hangars alentours. Ils sont vite bloqués par un cordon de sécurité, et quelques policiers qui les refoulent tel un physionomiste de boite de nuit :
« Dégagez, vous avez rien à faire ici les mioches, rétorque l'un d'eux.
- Vas-y, essayes pour voir gros con, ne se démonte pas Sylvain en le provoquant physiquement.
- Ça suffit, laissez les passez, c'est sans doute les poulains du Fox... »

Une vois grave et toussotante, témoignant de longues bouffées de cigarettes et de gorgés d'alcool, leurs autorise le passage, ce qui ne fait pas réagir de suite les gardiens devant Sylvain. Ce dernier en profite :
« Vous avez entendu, ou vous voulez un post-it ? »

Celui qui avait provoqué Sylvain, pourtant plus grand que lui, sert les dents, et ouvre le passage pour les deux personnes. Il se retrouve alors devant une multitude d'enquêteurs de la police scientifique grouillant autour du moindre mètre carré de terrain en recherchant des indices. Sylvain commence à accélérer le pas, mais il est stoppé par une grosse main assez poilu sur son épaule droite :
« Il est parti à la morgue, comme l'autre, l'informe la personne à la voix grave.
- Qui l'autre, demande immédiatement Sylvain.
- Un homme de type africain à été tué par votre commissaire, avant que ce dernier ne reçoive une balle de sniper là-bas, montre l'homme une petit impasse entre deux hangars. Le tireur était en haut du hangar voisin, pas de traces, pas de douille, un tir, un tir de pro.
- Ne donnez pas vos conclusions à la PJ, s'exclame alors Naïla, qui se retrouve sous le regard soupçonneux du commissaire.
- Même si je le voulais, c'est votre supérieur qui a pris l'affaire en main. Il vous attend le plus tôt possible dans son bureau, m'a-t'il dit. Désolé les enfants, mais les vacances sont terminés ! »

Il demande à deux hommes à l'entrée, dont celui qui a fait du zèle, de venir les raccompagner, et ce dernier ne se prive pas pour flanquer dehors son collègue Sylvain. Il regarde d'un air noir, esquivé par un sourire arrogant du policier, qui referme le passage.
« On fait quoi maintenant ? On a plus rien, on a tout perdu merde, s'emporte Sylvain. Ils vont même bâcler l'enquête de sa mort putain !
- Tu as entendu, nous devons retourner à Paris, lui répond avec assurance Naïla. Nous n'avons pas le choix, nous ne pourrons pas continuer l'enquête tout seul.
- Pourquoi pas ? Nous avons encore un mois...
- Tu crois qu'on nous laissera un mois, répond sèchement Naïla. Regardes comment à fini Mick, voilà comment nous allons finir si nous continuons seuls. Mort, ils ont gagné, mais vivant, il ne gagne qu'une bataille. Ne les laissons pas nous prendre aussi ! »

Elle essuie rapidement une larme qui venait perler à son œil gauche. Les deux sont meurtries, mais ils ne peuvent pas le montrer, ils doivent être fort, et c'est ce qu'il seront. Le silence les accompagne dans le train qui les ramène, au taxi qui les conduit jusqu'à la PJ, et de fil en aiguille, Naïla frappe à la porte du bureau d'Arthur le jour suivant, et l'ouvre presqu'aussitôt.
« Naïla, Sylvain, asseyez-vous, refermez la porte, je vous en prie. »

Sylvain referme la porte, et rejoint son amie assise en face de leur potentiel ennemi. Une tension inhabituelle habite le bureau, qu'Arthur essaye de briser :
« Je n'aurai jamais dû vous faire ce marché, tout cela est de ma...
- Nous en connaissions les conséquences, commissaire, coupe Naïla. Mais nous avions sous-estimé notre ennemi, cela ne se reproduira plus.
- Exactement, parce que je vous réintègre dans la brigade, annonce Arthur, en posant sur la table leurs lettres de démission. Je ne veux pas d'un autre drame, et je ne veux pas que vous subissiez une fois de plus la folie d'un seul homme. »

Sylvain était à deux doigts de bondir, mais par réflexe, Naïla lui pose la main sur la cuisse.
« Aucun problème, monsieur, nous allons revenir à nos postes, mais du coup, qui sera notre nouveau supérieur ?
- Bonne question. Vu que c'est moi qui vous est mis dans cette histoire, c'est de mon devoir de vous protéger désormais.
- Je comprends, lance Naïla, pendant qu'elle voit doucement son collègue fulminer de l'intérieur.
- Mais pour le moment, je vous donne une semaine de congé, avec passage chez le psy de la PJ, pas de passe-droit, vous me déposez vos plaques et vos armes, et aussi, vous me remettrez les dossiers que vous avez accumulé sur ce présumé Serial Killer.
- Je les ai posé sur son bureau.
- Super, et maintenant filé, et que je ne vous revois plus avant une semaine, conclu-t'il dans un faux sourire qui faisait pourtant vrai. »

Naïla se lève en première, en posant son arme et son insigne sans rechigner, au contraire de Sylvain. Elle presse le pas pour signifier à ce dernier que cette partie est perdue, et pour le forcer à sortir au plus vite. Ils s'arrêtent devant la machine à café, devant les regards lourds des autres policiers. Mais l'ambiance est entre triste et délétère.
« Allez, soit pas triste, on est pas viré, c'est une bonne chose, annonce de façon assuré Naïla. »

Elle s'essuie alors un regard noir et haineux de Sylvain, mais ce dernier rencontre un regard trop calme. Elle s'attendait à son regard, et il comprend alors instantanément...
« Comment tu peux cracher sur l'honneur du Fox, lance alors Patrick, un gaillard bien portant du bas-ventre, chauve, qui sort du silence le groupe de ceux qui les dévisageait.
- Comment va ta veste Patrick, rétorque Naïla. Pas trop usé à force de la retourner ? Tu as toujours haïe Mick, alors vient pas nous cracher ta morale puante. »

Le silence conclu ces paroles, même Sylvain qui d'habitude ponctue ces propos, se tait. Elle récupère son café qui avait fini de couler dans la machine, puis elle prend la direction des ascenseurs.
« Pourquoi les provoquer, cela ne change rien, s'interroge Sylvain, quand ils se retrouvent enfin seul dans l'ascenseur.
- Je n'aurai pas dû, mais cela à fait du bien, avoue sa collègue. Mais nous allons retrouver Bleacher, nous allons démonter leurs réseaux, et pas besoin de nos dernières découvertes, elles sont tout de même inscrit ici, continue-t'elle en montrant du doigt sa tête. Et qu'importe que nous soyons surveiller par Arthur, ou insulter par nos collègues, nous gagnerons, ou nous perdrons des batailles, mais cette guerre, nous la gagnerons ! »

Sylvain commence à pleurer, un mélange de joie et de peine. Il s'essuie rapidement avant de retrouver le niveau du parking et de la sortie. Elle a raison : qu'importe l'ennemi, ils ne feront confiance à personne, ils ne le peuvent plus maintenant, et ils réussiront à détruire cet ennemi qui à eu leur ami, et qui a désormais un nom plus qu'évocateur : Bleacher.

Bleacher [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant