Plusieurs jours plus tard. Je me retrouve bloqué dans une ville sous couvre-feu, où le survole est désormais interdit, comme la voie des eaux, et où chaque sortie de la ville est bloquée par des barrages de police, chaque sortie est controlée, où les passages de polices dans les rues sont fréquentes. Je suis bloqué dans une chambre d'hôtel réservé avec mon nom d'emprunt. Combien de temps encore je vais devoir rester ? Combien de temps je vais pouvoir rester sans être repéré ? Je n'ai eu de l'Organisation qu'un message qui dans d'autres circonstance m'aurait un peu réjouie :
"Contrat rempli, virement effectué. Terminé."Je savais ce qui me restait à faire alors à la lecture du message. "Terminé" me signifie juste que l'Organisation ne me communiquera plus sur ce téléphone, et que plus personne de devra me communiquer sur ce téléphone. Une carte sim brisée, un téléphone noyé dans le lavabo et qui est resté encore dans son cercueil aquatique depuis que je lui ai laissé, et me voilà encore plus seul. Seul, mais riche ! Un rapide coup d'œil sur mes comptes, sur un vielle ordinateur de l'hôtel me donne la vraie signification de "le risque paye au delà de vos espérances et de votre salaire habituel". Mon compte a plus que triplé, moi qui avait amassé assez d'argent dans ma vie de tueur commandé, me voilà assez riche pour me payer l'hôtel qui me cache sans le savoir. Je suis riche, riche, seul et pourchassé. Même si les médias russes, et internationaux, n'évoquent en aucun cas mon nom, un seul faux pas, ou un simple contrôle de police, pourrait me faire plonger. Mais pour le moment, j'attends. J'attends encore. Je me suis fais une garde-robe de vêtement pour éviter d'être montré du doigt par l'odeur et la similitude de mes vêtements. Je dois avoir une vie normale sans trop me montrer, assez sortir dans la rue pour éviter de briller par mon absence, garder mon calme à chaque policier que je croise. Mais je sens que si la situation s'éternise, je n'aurai pas le choix que de partir et passer en force, avec les conséquences qui vont avec...
Encore une journée de merde à patrouiller. Naïla n'a fait que cela, plus de 8h par jour à marcher de long en large, de suspecter le moindre mouvement inhabituel, le moindre objet laissé dans un coin. Elle a eu deux alertes à la bombes aujourd'hui, de simples bagages oubliés par des voyageurs Gare de l'Est, mais qui engendre panique, bouclage, inspection, attente, et un petit goût de déception d'avoir encore tout mobilisé pour, au final, une fausse alerte. En plus que tout ce remue-méninge stoppe le traffic ferroviaire, retard de train, annulation, exaspération des autres voyageurs qui les accusent du retard. Quand ce n'est pas des provocations de dealers pas vraiment content de voir des flics patrouiller là où ils font leurs business, la fatigue physique se confond à la fatigue morale. En plus qu'elle n'a pas revu Sylvain depuis le commencement de ces missions de patrouille. Et pendant ce temps, le corps de leur président a été rapatrié avec tous les honneurs dû à son rang, et les politiciens se déchirent déjà en coulisse pour savoir qui sera candidats pour remplacer celui qu'on venait de tuer.
Encore une fois, elle s'effondre sur le canapé. Le quartier plutôt animé et bon enfant à cet heure est trop calme. Les patrouilles ont fait taire ce micro-univers pour une question de sécurité et de moral, mais surtout de sécurité évidement. Naïla avait réussi à œuvrer pour que ce quartier soit épargné par les contrôles de police, mais Vigipirate a réussi à réduire à néant ces efforts. Elle est fatiguée de tout, toute cette merde va continuer encore au moins pendant un mois. Elle ne regarde même pas la télévision, entendre encore la course à l'audience pour avoir le meilleur direct, ou la meilleure info. Elle devrait voir encore les suspects de ce meurtre capturés et afficher leurs curriculum vitae aux yeux de tous, Naïla en a plus qu'assez de cela. Elle ne pense même plus à Bleacher. Comment penser à lui, réfléchir à lui, avec tout ce qui se passe autour d'elle, et ces patrouilles qui lui vide toute son énergie. Bleacher est devenu le dernier de ces soucis. Et c'est quand elle commence à s'endormir que son téléphone sonne. Elle décroche, en ayant vu au préalable le nom de son interlocuteur s'afficher sur l'écran.
« Salut Sylvain.
- Salut Naïla, répond tout aussi fatigué Sylvain. Ça va ?
- Tout autant que toi je suppose.
- Bonne réponse. Je pense que tu n'en peux déjà plus de tout cela...
- J'ai juste envie de reprendre les planques longues et ennuyeuses avec toi dans des camionnettes mal isolées.
- Moi aussi, moi aussi... »Un long silence s'installe, Naïla reprend la conversation :
« Sinon... tu voulais quelque chose ?
- Juste entendre ta voix... une nouvelle fois... »Naïla a le coeur qui s'emballe. Elle ne comprend pas pourquoi. Pourquoi de simples paroles peuvent la mettre dans tous ces états ? Elle n'a pas entendu Sylvain depuis des jours, et c'est la seule figure amicale qui lui reste encore au boulot. Mais à en avoir le coeur qui s'emballe...
« Ça fait plaisir à t'entendre aussi, répond Naïla.
- J'espère... qu'on pourra se revoir bientôt, conclu Sylvain.
- Oui... j'espère... »Un long silence reprend sa place avant que Sylvain ne raccroche. Lui aussi est fatigué. Elle n'a pas signé pour ça, elle n'a pas signé pour faire de vulgaires patrouilles, de croiser les gens et les voir les dévisager, un mélange de peur et de mépris dans leurs regards. S'il le faut, elle posera sa démission, Sylvain la suivra à coup sûr. Ils n'ont plus rien qui les rattache à la PJ de toute façon. Cette idée commence à lui trotter dans la tête, et la suivra jusqu'à la faire plonger dans le sommeil.
Un autre jour comme un autre. Je reste planter sur le rebord de la fenêtre, à fumer un coup. Cela faisait longtemps que je n'avais pas fumé, mais l'ennuie a réussi à me persuader de m'en griller une, et les cigarettes russes que propose l'hôtel sont horrible, mais l'envie et la tension me font oublier le goût. Il fait froid dehors, il fait toujours froid et gris dehors en Russie de toute façon. La vie reprend son cours dans les rues, depuis que des "suspects" ont été appréhendés, la tension redescend doucement, plus vite que si c'était leur cher président Poulovic. C'est après une longue bouffée de cigarette que le téléphone de la chambre se met à sonner. C'est la première fois que ce téléphone sonne, mais il faut que je réponde. Au bout du fil, une hôtesse d'accueil de l'hôtel, avec un anglais un peu forcé :
« Mr Chablere, j'ai l'entreprise Département Consultation et Dédommagement qui veut vous parler, acceptez-vous la communication ? »Destruction du téléphone oblige, l'Organisation doit passer par cette méthode pour me parler. Mais je suis soupçonneux, cela fait des semaines que je n'ai pas eu de nouvelles, alors pourquoi maintenant ? J'ai tout de même qu'un espoir : qu'ils me sortent de là.
« Je prend, j'affirme. »
Un petit silence marqué par le grésillement du téléphone se fait entendre. Puis :
« Mr Chablere, nous vous confirmons votre billet de retour. Une voiture vous attend. Bon retour parmi nous, et toutes nos excuses pour le dérangement. »L'interlocutrice raccroche immédiatement après. L'éternel question se pose encore à moi : n'est pas plutôt un piège ? Je n'ai aucune visibilité de la rue à partir de ma fenêtre, caché par un toit à l'entrée de l'hôtel. Mais piège ou pas piège, ceci est le seul moyen de sortir d'ici. Je prend alors le strict nécessaire : mon flingue, bien camouflé sous mes épais vêtements pour affronter le froid russe. Je descend les escaliers, je ne peux me fier aux ascenseurs, et 24 étages ne me font pas peur. Je me dirige vers la sortie, quand je vois une voiture de police russe attendre dehors, les lumières sur le toit allumées.
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Bleacher [Terminé]
Misteri / ThrillerL'histoire d'un nettoyeur, qui efface ce qui ne peut pas s'effacer, qui fait le travail que personne ne veut faire. Il ne loupe rien, et tel de la Javel, il aseptise et détruit ce qui est à détruire. Nom de code : Bleacher L'histoire d'un Fox prêt à...