Chapitre 22 : Le temps oublie tout

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Naïla et Sylvain se retrouve pour une nouvelle planque. Des mois se sont déroulé, durant lesquelles le classement de l'affaire, la capture d'un présumé terroriste, un marginal d'origine arabe, et son enfermement dans une prison tenue secrète. Pour le reste, tout le monde à été tenu au secret aussi, et les deux n'ont eu que beaucoup de boulot comme divertissement et d'occupation. Et petit à petit, Sylvain a commencé à lâcher prise sur Bleacher, à se dire qu'à quoi bon continuer maintenant que leurs commissaires est mort, que tout le monde nie l'existence de cet personne. Naïla n'a pas abandonné de son côté, ce qui a crée une certaine tension entre eux. Pourtant, ces événements les avaient rapprochés, eux qui n'ont pas de situation stable sentimentalement parlant, toujours à mettre le travail avant tout le reste. Mais pour le moment, ils sont en plein travail, à planquer pour observer un trafique de drogue. Pendant que Sylvain observe, Naïla en profite pour regarder une nouvelles fois les seuls notes qui leurs restaient de l'affaire Bleacher. Toute l'enquête, tous les éléments recueillis sur Bleacher, ce qui restait après en avoir donné une bonne partie à sa hiérarchie, avaient brûlé mystérieusement avec le garde-meuble. Il ne restait plus que les notes sur le train à Massy et en Belgique, et leurs mémoires, rien de plus. C'est aussi pour cela que Sylvain a abandonné, et c'est pour cela qu'il lui rappelle encore ce soir :
« Tu peux pas aider sur une affaire plus concrète, comme celle que l'on fait ce soir, plutôt que sur cette merde ?
- Ce n'est pas une merde, répond Naïla machinalement.
- Si, quand tu comprendras que tout le monde est contre nous dans cette affaire, tu arrêterais de relier ces mêmes lignes. Fox était un idéaliste, et regarde comment...
-  Fox est mort parce qu'il était près du but !
- Justement, lui rétorque Sylvain en retirant ces yeux des jumelles fixé à un tripier. Tu ne comprends pas que, quoi qu'il arrive, nous sommes perdant ? Tu veux mourir comme Mick et Arthur ? Les risques sont trop grand, et ta stratégie de répandre des rumeurs a faillit se retourner contre nous, en plus d'avoir été inefficace.
- Tu ne comprends donc pas, se désole Naïla en refermant le dossier. Si nous raccrochons, alors Fox est mort pour rien.
- C'était le risque que nous avions pris, mais maintenant la donne à changé ! Nous n'avons plus d'élément sur quoi nous raccrocher. Cela fait 6 mois maintenant, 6 mois que l'attaque du train a été perpétré. Nous n'avons plus que notre mémoire, quelques témoignages sans valeur, et quelques photos, rien de plus. Alors oui, peut-être que Bleacher existe, mais nous devons arrêter de tourner autour d'un dossier pratiquement vide. Il faut admettre de tout oublier... »

Il se tait, Naïla fait de même. C'est vrai qu'il n'avait pas tort. Elle s'acharne sur un cadavre de papier, encore et encore, sans en tirer d'avantage. Sylvain voit que ces mots l'ont touché, il préfère quitter son poste d'observation pour venir la consoler. Naïla le repousse, non de manière méchante, plutôt pour lui signifier qu'elle veut être seule. Il lui laisse alors son point d'observation, prendre des clichés sur l'appareil photo juste à coté. Ils se sentent seul sur ce parking, avec leur sous-marin, à attendre une transaction...
Le lendemain, ils reçoivent l'ordre de quitter leur emplacements. Ils se relayent avec une autre équipe, et peuvent rentrer à Paris. Ils ont quelques heures de route devant eux, et Naïla est soucieuse. Seule la radio converse dans la camionnette vieillotte de la police, déguisé en camionnette d'entreprise du bâtiment. Sylvain n'avait pas tort. Ils n'ont plus rien maintenant, et relire une énième fois ce dossier qu'elle connait par coeur ne fera rien resurgir de nouveau. Elle n'a pas réussi à faire son deuil de tout cela, elle s'est acharnée si longtemps qu'elle en a oublié d'avancer. Elle expire bruyamment, tandis que Sylvain attendait une parole d'elle depuis ce matin, raidi derrière son volant par le siège inconfortable du véhicule.
« Promets-moi qu'on ne laissera pas tomber Bleacher, quoi qu'il arrive, lance-t'elle dans un soupir.
- Nous avons tellement perdu dans l'histoire que je ne me vois pas tout laisser tomber. Il faut juste attendre que l'autre sorte une nouvelle fois, et que l'un de nous monte les échelons.
- Oui, mais c'est pas demain la veille, peste-t'elle en consultant leurs notes sur leurs filatures. Le bureau est mouillé dans l'affaire, nous n'avons pas de crédibilité, pas de bouteille encore pour oser même postuler en tant que commissaire, à part se retrouver dans un trou peaumé dans un commissariat...
- La patience, c'est tout ce qui nous faut, argumente Sylvain, attendant à un carrefour le feu vert. La crédibilité et l'expérience ? Nous l'aurons par le temps. Nous faire oublier, rassembler silencieusement des informations sur Bleacher, à notre échelon. Et le moment venu, on les montera ces putains d'échelons, un par un, par la sueur de notre travail, à courber le dos en disant Amen à tout ceux qui nous commande. Nous sommes partis sur une partie d'échec dont nous ne percevons pas l'ampleur encore. Je te le promets, nous serons aussi aigri et sage que le Fox, mais nous ne fléchirons pas ! »

Bleacher [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant