Chapitre XVII

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Je le sais. Je le sens. Je ne peux plus l'éviter, ou l'occulter. Je dois l'accepter. C'est fini. Il n'y aura plus de rechutes, il n'y aura plus personne d'autre que moi dans ma tête. Plus de petites voix pernicieuses qui essayent de me faire perdre le contrôle. Plus que moi et mes bonnes vieilles décisions, mon humour à deux balles et ma grande passion pour les dauphins. Seul.

Un rire me secoue tandis que les larmes coulent. C'est nerveux. C'est stupide. Mais ça fait du bien. Je peux rire. Je peux pleurer. Je peux faire les deux en même temps, si je le désire. Je suis seul dans ma tête à présent. Le cauchemar est fini, place à la réalité ! Je suis guéri. Alors certes, ce n'est peut-être pas de la manière que nous voulions, mais le résultat est là : je vais mieux. Et tout n'ira que mieux, à partir de maintenant. Plus personne n'a rien à craindre, tout ira beaucoup mieux.

— Thomas ?, m'appelle Aoile, me sortant de ma bulle.

Je lève les yeux embués vers elle, remarquant alors la jeunesse de ses traits. Les sourcils froncés, je détaille avec étonnement ses petites couettes blondes, sans aucune mèches roses, secouées par le vent. Elle porte un haut bleu pâle, avec un jean simple et des bottes de combats noires. Je souris devant ce détail, que l'Aoile que je connais apprécierait sûrement.

La petite version de l'hybride s'approche de moi et je me rends alors compte que nous faisons la même taille. Sauf que l'enfant face à moi doit avoir...maximum douze ans. Et j'en ai vingt-quatre... Je crois ? Baissant les yeux, je découvre avec stupeur un corps plus jeune via mes mains, mais surtout un habillage assez incertain. Qu'est-ce que... ?

Je sens quelque chose se poser sur ma main et lève les yeux pour croiser le regard amusé d'Aoile. Cette dernière soupire et retire sa main, créant un vide en moi que je comble aussitôt en lui reprennant, la serrant si fort que je la sens émettre un petit bruit étouffé. L'hybride hausse un sourcil mais se contente de regarder autour d'elle, visiblement surprise.

—  C'est paisible, contaste-t-elle.

Je hoche la tête de manière saccadée, effrayé à l'idée de réveiller quelque chose en moi. J'ai rajeuni ? Mais pourquoi ? Comment ? Je ne comprends rien !

—  Qu'est-ce qu'on fait là ?, je demande, perdu.

Aoile me sourit et expire longuement. Visiblement, il y a quelque chose qu'elle n'a pas envie de me dire. Pourquoi ? Qu'est-ce qui se passe ? Je vais mieux, je suis guéri, mais je ressemble à un chérubin !

—  On discute. C'est bien de parler parfois. Tu ne trouves pas ?, répond-elle de manière si vague que ça me fait bailler.

Je la regarde rire et libérer sa main de mon étreinte, la plongeant alors, comme l'autre, dans les poches de son jean. Elle est embarrassée. Gênée ? Pourquoi ? Je fais un pas vers elle et elle recule, me faisant tiquer. Je plisse les yeux et recule à mon tour. J'observe autour de moi, comme elle le faisait il y a quelques minutes, pour voir ce qui ne va pas.

Nous sommes bien sur Idan, il n'y a pas de doute. Les maisons n'ont pas l'air d'avoir changé. Les traces de la guerre sont encore là, les réparations et changements effectués par Michael aussi. Donc le lieu n'a pas changé... Seulement nous. Ce qui n'a rien de normal. Mais encore une fois, vivre dans ce monde m'a appris que le plus anormal pouvait être la plus banale des réalités.

—  Aoile, pourquoi on a l'air des gosses de la pub Evian ?

Elle cligne des yeux. C'est à son tour d'être surprise, puis confuse. Elle secoue la tête et lève les yeux au ciel, avant de prendre la parole à nouveau :

—  De la quoi ?

Je pointe un doigt vers elle, puis vers moi, avant de designer d'un geste souple mon corps d'enfant.

Les Chroniques d'Idan (tome 3) : L'Oracle MiracleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant