Chapitre XI

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Finalement, puisqu'il est apparemment impossible de lire ou de se détendre sans que quelqu'un vous tombe dessus, j'ai décidé d'aller à l'encontre de la demande de Samantha et filer voir Milo. Je ne sais pas pourquoi une partie de moi s'est attachée à cet enfant -peut-être à cause de son jeune âge- mais je me refuse à le voir souffrir ou être blessé par ma faute. Du moins, pas avant que tout soit fini. Il souffrira bien assez tôt à mon goût, je préfère mettre les choses au clair dès à présent. Et puis, il faut avouer qu'il y a un certain fun à aller le voir même si Samantha nous a dit qu'elle préférait gérer ça seule. Il y a quelque chose à propos de cette fille que je n'aime pas. Quelque chose qu'elle semble me cacher. Et j'ai horreur de ne pas avoir les cartes en main. 

J'ai trouvé l'enfant pas très loin de chez lui, à seulement quelques rues. Déambulant seul dans les rues désertes de la ville, vu que le soleil a pratiquement disparu, il observe le ciel prendre son habituelle couleur rose/orangée avec un sourire béat, comme s'il voyait l'une des merveilles du monde. Dans son dos, ses ailes sont dévoilées et prennent une certaine place, reflétant une partie de la couleur du ciel. Ainsi, son gris devient presque beau à regarder. Un panel de couleur s'offre à ma vue, flottant légèrement avec le vent. Des couleurs que je n'aurai pas osé associer, comme le gris et le rose. Sentant ma présence, le gamin se retourne et son sourire me presse le coeur, me faisant douter un instant de moi. Serais-je capable d'aller au bout du plan ? Ou vais-je me laisser corrompre par le sourire d'un enfant ?  

— Tu aimes les couchés de soleil ?, me demande-t-il de sa petite voix fluette. 

Perdu dans mes pensées, il me faut quelques secondes pour comprendre qu'il me posait bien la question, me forçant à essayer de chercher une réponse convenable et pas trop compliquée. Lui offrant un sourire en retour, je fais quelques pas vers lui et hoche la tête, pointant du doigt l'horizon colorée tandis que le jour continue de décliner. 

— C'est mon moment préféré de la journée. Tu vois les couleurs que ça produit ? Il n'y a rien de plus joli sur Terre, je réponds.

C'est la vérité. Je n'ai encore rien trouvé de plus beau qu'un couché de soleil. Surtout lorsque je peux voir l'astre "s'enfoncer" dans l'eau aux fils des minutes. Pour ça et seulement ça, je peux croire qu'Idan est un endroit magique. L'enfant marque un temps de pause, comme s'il assimilait ma réponse pour mieux formuler sa pensée. Il n'a que neuf ans, je doute qu'il tente de formuler quoi que ce soit... Bon sang mais arrête de te focaliser sur cet enfant !

— Est-ce que c'est aussi joli sur Terre ? Je veux dire, en dehors de l'île ?, questionne-t-il. 

C'est à mon tour de tiquer, ne sachant quoi répondre. Pour être franc, je n'en ai pas la moindre idée. Peut-être ? Je ne vois pas ce que ça changerait. La solution la plus simple serait de fouiller dans la tête de Thomas à la recherche d'une réponse, mais ça me demanderait beaucoup de temps et d'énergie, alors que je pourrais simplement formuler un joli mensonge. Il a neuf ans et n'a jamais voyagé, pourquoi remettrait-il en doute n'importe laquelle de mes paroles ? Et pourquoi est-ce que je me complique autant la vie pour un enfant ? Mon Dieu, ressaisis-toi... 

Devant son regard attentif et curieux, je me sens faiblir. Est-ce donc l'un de ses pouvoirs ? Pouvoir faire plier même les esprits le plus vils ? J'espère que non, sinon mon plan est fichu avant même d'avoir commencé. Je ne peux pas laisser Thomas reprendre le dessus ! Pourtant, je le sens lutter. Dans les bas-fonds de mon esprit, je l'entends essayer, creuser un chemin vers mon/son cœur, essayant d'appuyer là où Milo me fait fondre, comme si cela pouvait changer quoi que ce soit. Je ne peux me laisser faire !

— C'est différent, mais la beauté réside dans le mouvement, j'explique, confrontant le regard perdu et admiratif de l'enfant.

Laissant un long silence quelque peu gênant s'installer, Milo fait des allers retour de la tête entre le soleil et moi. Finalement, il fait disparaître ses ailes et rentre ses mains dans les poches de son pantalon, baissant la tête. Je peux presque l'entendre penser, c'est amusant.

Les Chroniques d'Idan (tome 3) : L'Oracle MiracleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant