Chapitre III (partie II)

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Je me rends également compte que j'ai agi en enfant, quittant la ville pour me retrouver seul, pensant être l'unique personne à avoir besoin d'un break. Au final, Samantha ou même Aoile en ont bien plus eu besoin mais ont préféré faire face à leurs responsabilités, devant ainsi les adultes responsables que tout le monde voulait les voir devenir.

Et moi, coincé sur mon île, j'ai juste attendu que quelqu'un vienne me prendre la main pour me ramener parmi les autres. J'ai été égoïste. Et même en sachant ça, j'ai du mal à m'en vouloir. En pleine période de deuil, qui peut s'en vouloir d'être égoïste ?

On a besoin de l'être pour panser ses blessures. Certains ont besoin du contact humain, d'autres doivent en être loin. Dans mon cas, le deuil n'était pas non plus la seule raison de mon départ, même si c'était la principale. Et au final, je ne suis même pas sûr d'avoir guérit ma tête, à défaut d'avoir presque guérit mon cœur.

— Ça te manque ?, je demande, après un court silence.

L'espace d'un instant, j'ai peur qu'elle ne comprenne pas ma question. Ou pire, qu'elle le prenne mal. Après tout, je pense que j'aurai plutôt mal réagit. Mais, sans que j'aie besoin d'ajouter quoi que ce soit, la jeune femme me répond d'un air laconique:

— Tous les jours. Mais il n'y a plus rien pour moi là-bas. Seulement des ruines.

Elle ne croise pas mon regard, baissant simplement les yeux vers le sol. Comme si je pouvais sentir sa tristesse, je pose ma main sur les siennes, fermées sur ses genoux. Elle ne dit rien, ne relève pas mon geste et j'hésite un instant à dire quelque chose, n'étant pas très à l'aise pour réconforter les autres.

Comme s'il avait senti mon malaise, T'Shael ouvre ses yeux en grand et me fixe, sans détourner le regard. Je deviens encore plus mal à l'aise, mais la créature semble m'encourager à parler à Samantha, essayer de régler les choses, bien que je ne sache comment faire. Hésitant une demi-seconde, je finis par soupirer et chercher les mots qui me semblent les plus justes.

— Je n'aurai pas dû poser la question, je souffle, après un moment.

Samantha soupire, comme si ma réflexion était déplacée. Elle ne semble pas en colère, ou gênée, seulement distante. Comme si c'était un vieux sujet, dont elle n'avait pas ou plus l'habitude de discuter. Comme si je venais d'ouvrir de vieilles blessures, en sommes. Je me mords la lèvre, me traitant de tous les noms. J'ai blessé la seule personne qui a essayé de me réconforter aujourd'hui.

— Il n'y a rien de tabou. J'ai fait mon deuil Thomas. On l'a tous fait. Ou du moins, on essaye, jour après jour, murmure-t-elle.

Le silence se fait, pour de bon. Je ne sais quoi rajouter pour rattraper ma visible gaffe et Samantha ne semble plus vraiment disposée à m'écouter de toute façon. Son regard se perd dans les arbres qui continuent de bouger avec le vent, le ciel qui se voile, comme pour réagir à mon erreur. Son attention n'est plus sur moi, elle est ailleurs.

Ses cheveux viennent me cacher une partie de son visage, m'empêchant de la voir réagir à quoi que je puisse ajouter désormais. Réveillé, T'Shael se lève sur ses pattes arrière, me fixant de ses gros yeux bleus d'un air courroucé.

Sa tête fait des allers retours entre Samantha et moi, comme s'il pouvait deviner toute la conversation d'un simple coup d'œil. La créature me donne un petit coup de pattes sur le bras, forçant Sam' à tourner la tête vers moi en m'entendant pousser un petit cri de douleur.

Une strie rouge apparaît sur mon bras, signe que je viens de me faire griffer. La Banshee fixe T'Shael, qui n'a d'yeux que pour moi. Comprenant alors ce qui se passe, la jeune femme vole encore à mon secours.

— Ne t'en fais pas T'Shael, je ne l'ai pas mal pris ! Je n'avais juste pas pensé à ça depuis un moment.

La créature se tourne vers elle, semblant discuter avec Sam' tandis que j'observe la plaie : elle n'est pas très grande, plutôt superficielle, je devrais m'en remettre avec un peu de crème et de la bonne volonté. Mais c'est assez laid et ça contraste avec le reste de ma peau laiteuse et immaculée jusqu'à lors.

Il faut dire que malgré nos disputes, jamais T'Shael n'avait osé lever la griffe sur moi, quoi que je puisse dire. Mais visiblement, manquer de respect à une Banshee, c'est franchir la limite du petit être. Je fusille le Brownie du regard, me promettant de lui en toucher deux mots dès que nous serons seul à seul.

Ce dernier se contente de sauter à terre, s'approchant de l'arbre le plus proche de nous pour l'admirer, comme si soudainement cet arbre était le plus beau de l'île. Et en m'ignorant totalement, par-dessus le marché.

Il faut vraiment que l'on discute, lui et moi. La Banshee sourit et se tourne vers moi, prenant mon bras dans ses mains froides pour, elle-aussi, regarder la blessure. Tout cela ne dure que quelques minutes avant qu'elle ne se recule. Elle pose finalement une main sur mon épaule et me dit en riant à moitié :

— Tu vas t'en remettre, soldat.

J'éclate de rire suite à ses propos et nous restons comme ça une bonne minute, à seulement rire d'une petite blague plutôt que de parler de sujets graves. On finit par dériver sur d'autres sujets, se racontant de drôles de petites anecdotes sur nos vies, comme nous le faisions quand elle venait me voir dans la cabine.

Des blagues, quelques réflexions douteuses, il suffit d'un rien pour nous retrouvions nos âmes d'enfants et rions à s'en fendre la poire. J'adore voir Samantha sourire, parce que c'est si peu arrivé depuis que je la connais que je veux mémoriser son sourire, comme ceux de tous mes amis. Le plus beau étant celui de ma feu petite sœur, que je ne reverrais qu'en rêve. Nouveau pincement au cœur en y pensant, vite remplacé par la sensation d'être enfin à ma place lorsqu'un nouveau fou-rire m'emporte.

Finalement, la Banshee se lève et, en m'indiquant sa montre, je remarque qu'il est pratiquement dix-huit heures. Aucun de nous deux n'a vu le temps passer, entre mon retour et maintenant. Il faut dire que nous avions tellement à nous dire...

Et que j'ai vécu déjà pas mal de choses ! Mais la jeune femme semble désormais pressée et je comprends alors que nos routes vont peut-être se séparer à nouveau. Quelque chose en moi se déclenche, une sorte de tristesse presque écœurante que je ne comprends pas.

Comme si quelque chose s'était brisé, n'était plus là pour maintenir mon corps et mon mental en place. Je sens un picotement familier au niveau de la nuque et il me faut l'intervention de T'Shael pour ne pas sortir de mes gonds et qu'une nouvelle personnalité ne prenne ma place.

— Hum.... Thomas, tu sais quoi ? Vient avec moi, je dois aller chercher Milo à l'école ce soir pour son cours. On est déjà en retard, mais je ne vais pas te planter là alors que tu ne sauras probablement pas te retrouver, propose Samantha.

Me concentrant sur la jeune femme, je lui offre un petit sourire afin qu'elle ne se doute à aucun moment de ce qui a failli arriver. J'aurai pu perdre le contrôle. Et moi qui me pensais près à revenir en société... Je reste coït devant une telle proposition, pensant que la jeune femme aurai sans doute voulu y aller seule, préférant me retrouver ensuite pour me conduire jusqu'à ma nouvelle chambre. En même temps elle a raison, les chemins ont visiblement changé et je ne saurais sans doute pas m'y retrouver avant un petit moment sans doute. Finalement, son sourire et son ton un peu pressant me font accepter en un millième de seconde.

— Je te suis, j'ajoute, me levant à mon tour.

Récupérant ensuite T'Shael, qui se la coulait douce devant son arbre, j'emboîte le pas rapide de Samantha, direction le centre-ville et plus précisément, l'école.

Récupérant ensuite T'Shael, qui se la coulait douce devant son arbre, j'emboîte le pas rapide de Samantha, direction le centre-ville et plus précisément, l'école.

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Les Chroniques d'Idan (tome 3) : L'Oracle MiracleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant