Les Chroniques d'Idan (tome 3) : L'Oracle Miracle

Chapitre II (partie I)

Il m'a fallu cinq minutes pour franchir le cap et remonter le flot de passants rentrant chez eux, jusqu'à arriver à l'entrée du nouveau Palais. Il est bien différent de ce que je pouvais penser, même dans sa manière de laisser entrer les travailleurs. 

En effet, alors que je pensais me heurter à une grille, ou des gardes, il n'y a qu'un simple chemin, bordé de plantes, menant à l'entrée « officielle » du palais, c'est-à-dire, selon Samantha, un bureau avec trois jeunes femmes offrant des badges aux visiteurs. 

C'est une manière peu commune de faire fonctionner cet endroit, mais cela permet un contact humain qui manquait au précédent. A présent, les créatures sourient et rient ensemble, sans aucune trace d'animosité. Pourtant, il y aurait de quoi être en colère, surtout entre races qui ne s'entendaient que très peu, il y quatre ans. 

Et il a fallu une guerre et des dizaines de milliers de morts pour tout faire changer. Et même si je devrais m'en réjouir, penser aux nombre de pertes qu'il a fallu pour en arriver là me rend triste. Les gens ne peuvent-ils pas apprendre à s'aimer simplement, sans avoir besoin de guerres ou de morts ? L'être humain, même dotés de pouvoirs, est-il borné à ce point ? Il faut croire que oui, sous un certain angle. 

Samantha s'approche de moi à nouveau, n'ayant peut-être pas remarqué que j'avais avancé vers l'entrée. Elle s'arrête à ma hauteur, le regard curieux porté sur moi. Ses yeux font des allers-retours entre moi et la haute bâtisse, qui semble m'impressionner. Enfin, elle m'impressionne. Michael a fait un travail de dingue pour la rendre magnifique !

— Et encore, tu devrais voir l'intérieur, souffle Samantha comme si elle lisait dans mes pensées.

Je hausse un sourcil, prouvant que j'écoute. Elle me prend alors le bras et m'entraîne, toujours à contre-courant, vers l'intérieur du bâtiment. Je croise des couples heureux qui en sortent, ainsi que leurs enfants, qui semblent tous émerveillés de ce qu'ils ont vus. Il y en a aussi qui sont peut-être moins enjoués, mais qui transpirent tout de même de bonheur. 

Je ne croise pas une âme qui semble endeuillée ou encore triste. Comme si le monde avait oublié tout ce que nous avons vécu quatre ans plus tôt. Me dirigeant d'une main experte, Samantha finit par me guider jusqu'au bureau des visites, un simple comptoir derrière lequel se tient trois filles qui rient ensemble et avec leurs clients, le tout respirant d'une joie pratiquement fausse. 

Samantha me pousse vers le comptoir, me glissant dans l'oreille qu'elle doit aller parler à quelqu'un dans le bâtiment, mais qu'elle reviendra à la fin de ma visite pour me raccompagner vers notre maison, vu qu'il y a eu pas mal de changement. Je l'en remercie d'un sourire et la laisse se glisser dans une autre file, un peu moins dense, plus loin de là où je suis. 

Je la regarde discuter avec quelques habitants, un joli sourire sur les lèvres, me demandant sérieusement ce qui nous est arrivé. Où est passé la jeune femme qui n'osait pas parler aux « créatures » qui peuplaient l'île parce qu'elle refusait de croire en elle-même ? Se sentant peut-être observée, Samantha se retourne et m'offre un dernier clin d'œil avant que je ne la perde de vue dans la foule qui se masse à une autre entrée.

Déterminé à découvrir toutes les merveilles derrière cette maison immense, je m'approche franchement du comptoir, vu que la queue n'y est plus vraiment très dense. Il me faut tout de même quelques minutes avant que la personne devant moi ne quitte le bureau, me laissant le champ libre. Arrivé à la hauteur de l'une des secrétaires, dédiées aux visites, je pose mes mains sur le bureau, ne sachant que dire. 

La jeune femme est face à moi, au téléphone, un grand sourire et une expression de pure joie sur le visage. Ce coup de fil ne dure que quelques instants, avant qu'elle ne remette le combiné en place, se penchant alors vers sa voisine de droite pour lui souffler quelques mots. Cette dernière semble devenir tout aussi exaltée que sa comparse et lui offre un grand sourire.