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《 le chiffre associé au prénom ester est le 3 et sa couleur est le rouge. 》

les esters étaient bien plus nombreuses aujourd'hui qu'au début du vingtième siècle. des centaines d'étoiles humaines potentielles, selon l'étymologie. le ciel avait-il gagné en astres, lui aussi ?

se faire associer à quelque chose malgré elle, ester en était souvent victime, et elle savait que cela durerait jusqu'à la fin de son existence. c'était un des défauts de l'humanité. ainsi les hommes attisaient leur propre déception, à coups de préjugés persistants et de vision idéalisée des visages qui se tenaient, silencieux, en face des leurs. et comme tout le monde, ester en avait marre. certes, il était difficile d'exprimer au monde qui elle était vraiment, à quoi ses pensées ressemblaient, de quelle couleur étaient ses sensations, mais elle ne comprenait pas pourquoi les gens persistaient à vouloir la comparer aux centaines d'autres esters existantes, ou même à chaque personne qui aurait une poussière en commun avec elle. elle n'était rien que tout ce qui lui était propre. elle se foutait de toutes les similarités qui pouvaient bien exister entre qui que ce soit et quoi que ce soit car elle considérait que cela n'avait aucune utilité.

malgré les millards d'âmes qui avaient expérimenté l'humanité, ester était livrée à elle même, destinée à faire ses expériences sans que les résultats d'autres ne lui apportent quoi que ce soit. oui, beaucoup avaient réussi à vivre avant elle, mais non, cela ne signifiait pas qu'ester brillerait autant à cette longue épreuve.

et ester n'avait plus envie de continuer à expérimenter, plus vraiment de vivre. elle n'aspirait qu'à se débattre dans un brasier d'émotions, de mots et de sentiments, jusqu'à ce que son organisme n'ait plus assez de place pour contenir la douleur dont elle s'imprégnait avec délice et qu'ainsi son coeur lâche car c'était la seule manière de rendre la mort tendre et libératrice.

ester ne soupirait plus quand un quelconque oncle éloigné l'associait à un souvenir insignifiant de la seule journée qu'il avait passé en sa compagnie, il y a six ans de cela. non, elle ne soupirait pas, ne levait pas les yeux au ciel, ne souriait pas pour en finir. elle se taisait, verrouillait ses yeux pour s'assurer qu'ils ne dégoulinent pas comme ils le faisaient maintenant à la moindre excuse, elle se levait, silencieuse, et quittait la pièce pour hurler intérieurement en paix. à quoi cela aboutirait ? subir des personnes ou des situations qui la faisaient haïr encore plus le monde n'avait aucun intérêt présent ni futur. être polie ne l'intéressait plus. être quelqu'un d'autre pour être quelqu'un de bien ne l'intéressait plus. elle n'était pas quelqu'un de bien, elle était quelqu'un de sombre et de presque résigné, et elle aurait aimé dire ce que personne ne disait pour aucune bonne raison : les gens biens n'existaient pas, et la seule option restante pour se bonifier un peu aurait été de cesser de prétendre être différent de soi-même. ou bien, à quoi servait-il d'être quelqu'un ?

le rouge. c'était selon ester une couleur atrocement belle. ni lumineuse, ni tristounette. une couleur de vie et de mort, puisque d'amour et de sang. les roses étaient rouge, les plaies également. le rouge était tout, le haut, le bas, la planète mars et la lave qui bouillonnait sous nos pieds. ester dormait chaque lune contre un grand mur vide et rouge qui rosait les autres murs, originellement blanc.

alors il était fort possible qu'ester soit rouge. une de ses recherches se révélait avoir raison. oui, ester était très rouge. une tâche rouge dans un néant bleu-gris. une tâche de tout, de chaque quelque chose et de son opposé. elle avait envie mais ne voulait plus. elle regardait sans voir, écoutait sans entendre, percevait sans sentir, elle était vide, n'était plus personne en particulier, coulait pour s'ancrer dans une terre que tous foulaient sans s'y attarder. elle était amour, sang, et puis tout le reste puisque rien de très précis.

elle avait maintenant trois options, trois couteaux devant ses yeux.

le premier servirait à couper tous ses carbones en deux, les rendre manchots et fous, jusqu'à qu'ils s'épuisent et qu'on les achève avec ce même couteau, ainsi ester abaisserait ses paupières pour toujours.

le suivant serait planté au coeur de sa douleur, réduirait toute sensibilité à tous les bleus, tous les gris, tous les maux terrifiants qui courraient sur sa peau. elle résisterait au souffle habitant sa cage thoracique un temps sur deux et cela jusqu'à ce que mort non prématurée s'en suive.

le dernier avait le manche d'une couleur intéressante même si inconnue, mais dégageait une odeur atroce. celle de ce mot qu'elle n'employait presque jamais, dont elle n'avait jamais compris le sens. une vilaine odeur d'espoir. c'était un couteau décoratif, brillant, joli, innocent, que l'on rangeait dans un coin, se jurant de ne jamais le dégainer à de sombres fins, puisque cette troisième option suggérait de croire avec toute son âme que chaque poussière empêchant le bon fonctionnement d'un esprit disparaîtrait, jusqu'à ce que cela se produise. ne rien modifier, ne rien rectifier, attendre et espérer, pour, tant est que le projet fonctionne, tout régler sans avoir à s'oublier ou à se faire le moindre mal.

elle aurait voulu pouvoir échapper à ce choix. disparaître. chasser de cette planète sa personne pour trois bonnes raisons : trop sombre, trop rouge, et presque ou pas assez résignée.

ester carboxyliqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant