Chapitre 25 : Dans l'intimité de l'aurore

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Cette fois, Cat était visible. Mr Lupin s'était retourné vers elle, et il l'apercevait dans la pénombre du crépuscule. Ses yeux étaient brillants de pleurs, ses joues humides reluisaient à la clarté de la pleine lune. Elle tremblait. Elle ne savait pas ce qui lui avait pris. Et elle remarquait bien que le visage de son professeur exprimait tout sauf la joie de revoir son élève en pareil moment. Sa figure était extrêmement pâle - cela avait sans doute à voir avec la fatigue qui l'affectait à chaque pleine lune, mais Cat était persuadée qu'il était également blanc de rage. Outre ses sourcils froncés, sa bouche, dont les coins étaient tournés vers le bas, exprimait un profond mécontentement. C'était au-delà de la contrariété, c'était... de la colère.

- Comment..., commença-t-il à se récrier, mais ce fut comme si la violence de son irritation venait d'entraver ses cordes vocales. Comment savez-vous que...

Il ne termina pas sa phrase. La jeune fille, vivant en plein traumatisme, ne cessant de tremper son débardeur blanc de larmes, ne devina que trop bien le trouble qui parcourait son enseignant : « Comment savez-vous que je suis un loup-garou ? », « Comment savez-vous que je me rends dans la Cabane hurlante ? », « Comment savez-vous que c'est ici que se cache l'entrée ? ». C'était tout cela qu'il voulait demander à la fois. Or, cela faisait beaucoup de questions, et cela nécessitait beaucoup trop d'explications. Or, le temps pressait, et, de toute manière, cela ne changeait rien au fait en lui-même : elle avait découvert son secret. Il ne pouvait plus lutter contre. Cette fatalité lui fit serrer les poings. Un frémissement de fureur agita son visage, et il fit machinalement quelques pas en avant, pour s'écarter du saule, dont les branches se débattaient dangereusement dans les airs, traduisant sa propre nervosité.

- Je... Je vous jure que je ne le répéterai à personne ! certifia la brunette, en pleurant et en tremblant de tout son être.

- Depuis quand savez-vous ? interrogea Mr Lupin, d'un air menaçant.

Mais alors il remarqua qu'il continuait d'avancer vers la jeune fille, et s'arrêta net de marcher. Il ne fallait surtout pas qu'il l'approche ! Il savait que sa transformation était imminente, et qu'il pouvait être dangereux. Cat, elle aussi, le savait, et ce fut pourquoi elle recula d'un pas, terrorisée. En dépit de l'amour qu'elle vouait à cet homme, en cet instant précis, elle avait peur de lui. Il pouvait se métamorphoser à tout moment. Elle craignait pour sa vie - eh oui, mais maintenant, elle avait l'habitude d'être une lâche. Remus Lupin jugea que le temps jouait contre lui. Au diable, les explications ! Après tout, le mal était fait. De plus, s'il restait ici, c'était la vie de son élève qu'il risquait de mettre en péril.

- FICHEZ LE CAMP ! s'emporta-t-il, avec une brutalité dans la voix que Cat ne lui avait encore jamais entendue.

La violence d'un tel propos déchira le coeur de cette dernière. Il ne lui en voulait pas, il la détestait ! La crainte que Mr Lupin ne se fâche encore plus l'emporta sur tout le reste - même sur l'angoisse qu'il ne se transforme sous ses yeux - et Cat obéit à son ordre en courant à toutes jambes, loin, loin du Saule Cogneur. Elle courut à en perdre haleine. Elle semait des gouttes de larmes dans son sillage, ne savait même pas où elle s'enfuyait.

Elle était anéantie. Rien ne pouvait être pire que son accablement. Rien ne pouvait lui arriver de pire que ce qu'elle venait de faire. Alors qu'elle se perde, qu'elle trébuche sur une pierre, ou qu'elle se heurte à des créatures maléfiques, peu lui importait. Elle cherchait presque son malheur, à courir ainsi comme une forcenée. Elle voulait expier. Elle voulait se punir, pour le mal qu'elle avait fait à Mr Lupin. Car elle l'avait mis en colère. Or, si cet homme, d'habitude si doux, avait fulminé à ce point, c'était bien la preuve qu'elle l'avait offensé. Elle ne se le pardonnerait jamais. Et lui non plus, il ne la pardonnerait jamais. Jamais. Jamais plus ils n'entretiendraient les mêmes relations qu'auparavant. C'était fini. Ce lien si infime et si fragile qu'elle avait réussi à tisser entre elle et lui, c'était elle-même qui venait de le briser, avec une maladresse tellement grotesque... Dans son échappée, elle érafla par accident le haut de son bras droit contre l'écorce d'un arbre. La douleur fit jaillir quelques larmes de plus des yeux de la brunette, mais elle ne voulut pas s'arrêter.

Chocolated LupinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant