5 - Anton

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1955
Océan Indien

Ce soir, lors du repas commun à tous les voyageurs, Lyubov allait revoir Anton. Pour l'occasion, elle avait enfilé une blouse noire et une jupe bleue, et s'était rendue dans la salle de bains communautaire. Devant un miroir tâché par le temps, elle arrangea ses longs cheveux bruns. À sa droite, une femme d'une trentaine d'année mettait du rouge à lèvres. Lyubov la regarda avec envie.

- Tu veux essayer ? demanda-t-elle en mandarin.

Lyubov hocha la tête, s'empara du tube et appliqua du produit sur ses lèvres. Alors elle leva les yeux vers son reflet et sourit. Elle se sentait jolie, et espérait qu'Anton penserait la même chose.

Elle s'installa à une table de la grande salle à manger, et attentit plus ou moins patiemment. Le cuisinier vint lui servir une assiette de riz collant et du poisson.

- Pouvez-vous servir l'assiette en face de moi s'il vous plaît ? J'attends quelqu'un.

L'homme s'exécuta en silence. Deux minutes plus tard, Anton paraissait dans la salle, et s'assit en face de Lyubov.

- Dites donc ! Il y a quelque chose de particulier ce soir ? s'étonna-t-il en remarquant la tenue de Lyubov.
- Pas spécialement...

La jeune fille rougit et détourna les yeux. Ils mangèrent en silence, avant qu'Anton ne lui demande :

- Qu'est-ce que tu vas faire, au Japon ?

Lyubov ne sut quoi répondre. Elle-même ne savait pas ce qu'elle faisait dans ce bâteau. Cependant, si elle voulait qu'Anton continue de s'intéresser à elle, il fallait qu'elle le mérite.

- Je vais étudier, mentit-elle. Et toi ?
- L'allemagne est dans une phase un peu compliquée maintenant... Je voulais juste partir loin. Le Japon a l'air tellement... nouveau !
- Pourquoi est-ce compliqué ?
- L'Allemagne a perdu la guerre. Désormais, elle est séparée en deux et les ennemis l'occupent.

Lyubov haussa un sourcil en entendant ce mot. Anton semblait connaître beaucoup de choses sur l'Histoire, alors elle demanda :

- Qui étaient les ennemis de l'Allemagne ?
- La France, le Royaume-Uni, les États-Unis, l'U.R.S.S...

Le regard de Lyubov s'obscurcit.

- Les ennemis de l'U.R.S.S. ont bombardé mon village.

Elle se leva de table et se dirigea vers la sortie. Tant de souvenirs lui revinrent en mémoire, qu'elle voulait chasser à tout prix. Anton la suivit à distance, puis courut à sa poursuite. Il réussit à lui attraper le bras quand ils furent sur le pont.

- Lyubov, intervint Anton d'une voix dure. Ce n'était pas moi. Je n'ai pas bombardé ton village. Tu n'as pas à m'en vouloir.

Lyubov hocha vaguement la tête, en fuyant son regard.

- Lyubov, renchérit-il.
- Je sais que tu as raison... Mais la violence m'a fait perdre tout ce que j'avais.

Anton prit le visage de la jeune fille entre ses mains et essuya du pouce une larme qui coulait sa joue. Il attira Lyubov contre lui.

- C'est fini, murmura-t-il pour la calmer.

Lyubov releva la tête après une dizaine de secondes. Elle observa le visage d'Anton et sans réfléchir davantage, posa ses lèvres sur les siennes. Elle, qui n'avait jamais embrassé personne, ne s'attendait pas à ce qu'un simple baiser puisse entraîner tant d'autres sensations. Elle sentait qu'une flamme brûlait dans son ventre, et des frissons lui parcouraient la nuque.
Anton devait avoir de l'expérience avec les femmes. Il approfondissait le baiser et serrait Lyubov contre lui. Puis il saisit sa main et l'entraîna vers sa cabine. Lyubov fit mine de résister pendant une seconde, puis elle se laissa emporter. Elle avait confiance en lui.

Il la laissa s'installer sur son lit en la dévorant des yeux. Lyubov resta sur le dos et s'appuyait sur ses avant-bras pour soutenir le regard d'Anton. Il portait une chemise couleur olive et un pantalon noir. Il quitta ses chaussures cirées et retira celles de Lyubov. Elle en profita pour l'attirer au dessus d'elle et déboutonna sa chemise.

- Doucement, sourit Anton.

Mais les baisers brûlants qu'il déposait dans le cou de Lyubov trahissaient son désir. Il la débarassa de ses vêtements, et lorsqu'il vit sa poitrine encore peu développée, il s'écarta :

- Quel âge as-tu ?

Lyubov piqua un fard. Elle ne pouvait pas dire la vérité, il partirait instantanément. Il était vrai que la puberté n'avait pas encore complètement agit sur elle : ses formes étaient peu marquées et elle n'avait jamais eu ses règles.

- 18 ans, répondit-elle d'une voix assurée.

Il était vraie qu'avec sa tenue et son maquillage, elle pouvait paraître plus âgée.

- Il y a un problème ? renchérit-elle.
- Dans ce cas, pas le moins du monde. Excuse-moi.

Et alors Anton continua ses baisers toute la nuit durant.


LyubovOù les histoires vivent. Découvrez maintenant