Ils avaient appris à frotter et laver les linges à l'ombre des domestiques ; elles n'étaient plus que poussières. Bien entendu, les plus jeunes frères s'appliquaient à la tâche, entretenaient les corvées. Seuls les aînés avaient accès aux cuisines : les réserves devenaient vite maigres avec autant d'hommes à entretenir. Il s'agissait de sources précieuses, et un marmot avait vite fait de galoper, un butin sous la chemise. Il fallait chaque matin au moins partir à la chasse. En général, Charles et Jacob y allaient ensemble, même si Jacob ne faisait rien d'autres que lâcher les chiens. Si Charles donnait autant d'importance à la chasse c'était pour assouvir sa virilité, comme il aimait si bien le souligner. « Si c'est en forgeant qu'on devient forgeron, c'est en chassant qu'on devient un homme ! »
Jacob considérait sa devise comme dépourvue de maturité, hélas pourtant bien relative à la primitivité des hommes. Il voyait en Charles un simple sot qui ne vivait que pour les femmes et la violence. C'était le genre d'hommes qui se laissait aller à la débauche et aux plaisirs. S'il vantait les mérites de sa queue, pour lui, elle était simplement le reflet de son orgueil. Un homme qui ne pensait qu'avec son sexe n'avait sans doute rien de bien garni dans le crâne. Ce qui le désolait surtout, c'était que la majorité de ses frères étaient aussi rustres et demeurés. Lui, il était doté d'une fière droiture, si bien qu'il recevait souvent de leur part des compliments distingués :
« Ne soit pas aussi rigide, penche toi un peu que je t'aide à retirer ce balais du cul ! »
Charles était bien apprécié dans l'entourage. Les enfants voyaient en lui un exemple à suivre. Ils étaient impatients de partir à la chasse, de combattre à l'épée, lassés de suivre les leçons quotidiennes de Jacob. L'histoire ne les intéressait pas. Ce qu'ils désiraient comme tout gosse de leur âge était de s'amuser. Des leçons parfaites, qu'ils apprenaient au quotidien auprès de la fratrie qui leur servait d'exemple. Faute de patience, Jacob avait fini par laisser tomber.
Louis quant à lui appréciait fortement la joute équestre. Une passion bien dangereuse, mais il était un gamin habile et plutôt courageux. Si Arthur était son idéal masculin, il admirait tout aussi bien Jaime, qui se plaisait à faire tomber de cheval ses frères au moment de jouter. Il était particulièrement doué au javelot, quand bien même ils utilisaient des lances de bois. D'ailleurs, Louis s'était toujours demandé pourquoi. Selon Jacob, il avait été nécessaire de revendre leurs armes afin d'économiser, le royaume n'étant plus sous leur tutelle. Pourtant, ils avaient bien de l'or et l'isolement du château leur permettait de garder toute leur richesse sans en devoir, même une infime partie, à quiconque. Jouter avec des bâtons ronds n'avait rien à voir d'une joute classique. La joute, la vraie, celle qui tuait des gens et transperçait des cottes de mailles.
Tout cela, Louis en rêvait. Pourtant, il n'avait jamais vraiment assisté à un véritable duel. Il n'avait jamais vu de sang autrement que le jus que crachaient les bêtes détroussées de leur vie, chaque midi. Il s'était toujours demandé quel effet ça faisait de tuer quelqu'un. Il pensait, selon les dires de Charles, que c'était une prouesse des plus valeureuses. Pourtant, quand il était revenu la veille avec Arthur sous les bras, Louis semblait se remettre en question. Loran aux côtés de son aîné paraissait abattu et presque éteint. Et quand il eut appris en espionnant Charles et Jacob le résumé des événements, il n'était plus aussi certain d'apprécier les combats. Qui pouvait trouver excitant d'assassiner quelqu'un ?
Ce matin, comme toute autre matinée, Louis était de corvée et sa mine flétrie ne passa pas inaperçue. Lui qui d'ordinaire se plaisait à laver et ramasser les draps de son aîné dans un entrain déroutant, ne pouvait camoufler son esprit tiraillé plus longtemps ; si Arthur était peu futé, il n'était pas aveugle. Le gamin déposa le plateau repas de son frère sur sa table de chevet. Arthur, lui, qui semblait avoir passé une nuit agitée, se redressait le torse à découvert. Il détaillait le garçon qui débarrassait le plateau de ses couverts garnis, s'apprêtant ensuite à plier les effets qui trainaient sur le sol de pierres froides. Enfin lassé de contempler le petit serviteur tourmenté, le jeune homme tapota sa couche en raclant sa gorge :
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Un conte interdit aux enfants
FantasiaIl était une fois, une Reine qui ne pouvait donner naissance à un garçon. » Premier jet » En cours d'écriture (5%) » Chapitre 1 - P5/5 publiées » Chapitre 2 en cours d'écriture.