1

243 10 2
                                    

C'est par la fenêtre du bus que je regarde le paysage défiler. La première fois que je suis montée dedans, c'était en cinquième, alors que je me rendais au collège. J'étais nouvelle et arriver en milieu d'année n'est jamais simple pour personne. Je me souviens avoir hésitée à monter à l'intérieur. En regardant arriver au loin ce véhicule de transport en commun délavé et plutôt vieillot, n'importe qui en aurait été effrayé. Lorsque je suis entrée dedans, j'avais hésitée à en ressortir immédiatement, pour cause d'être prise de nausée. Un mélange d'odeur empestait l'habitacle, passant du tabac, de la transpiration à l'eau de Cologne ou encore au chien mouillé qui prenait toute la place sur la première banquette derrière la conductrice. Toutes ces odeurs ne faisaient pas bon mélange. Si j'avais su que j'allais devoir endurer tout cela jusqu'à la fin de ma scolarité, jamais je ne serais montée dedans et aurais trouvé un bon mensonge pour mes parents. Quelque chose du genre « aucun bus ne va jusqu'à mon école, vous serez donc contraint de m'y emmener tous les matins », et comme ça, pas d'odeur désagréable. Maintenant je suis en seconde et ça fait quatre ans que je supporte les amers odeurs de la population urbaine.

Naguère dans ma campagne, les choses étaient différentes. Certes les transports en commun ruraux passent beaucoup moins que dans les villes, ce qui peut être contraignant lorsque tous les divertissements intéressants se trouvent à plus de dix kilomètres, mais les bus étaient beaucoup moins remplis ce qui atténuait les mauvaises odeurs. Je n'irais pas non plus dire qu'ils étaient d'un parfait état, mais ils étaient mieux entretenus que celui que je dois désormais prendre. Seuls les sièges en plastiques oranges – ce qui est laid je le confirme – étaient légèrement abimés, mais les barres pour se tenir debout étaient intactes. Pas de chewing-gum collés dessus, pas de mots grossier inscris au marqueur et encore moins de crachats ne venant de personnes répugnantes. Seulement des sièges en plastique abîmés, et c'était bien suffisant. Mais ça c'était avant et présentement, je dois faire avec.

Donc me voici un lundi matin ordinaire. Moi et ce bus ingrat, à regarder le paysage défiler pendant trois quarts d'heures. Oui trois quarts d'heures alors que j'habite en ville. On pourrait croire que je rigole mais absolument pas. Le trafic urbain plus les nombreux arrêts font que nous mettons quarante-cinq minutes à traverser cette ville. Donc me voilà, écouteurs aux oreilles, livre à la main – mon arsenal de survie - prêtes à contrer les dangers du bus public.

Je suis en plein milieu de ce fabuleux roman lorsqu'une main vient taper mon épaule. En levant les yeux, je vois un jeune homme, blond, yeux bleus, bien habillé et un sac à dos qu'il ne porte que sur une épaule. Etrange que je ne l'ai encore jamais vu. Je suis à la même place tous les matins et jamais il n'est monté à cet arrêt. Il doit être nouveau. Je vois qu'il cherche à me parler alors sans le faire patienter plus longtemps, je retire l'un de mes écouteurs et écoute ce qu'il veut.

- Pourrais-tu retirer ton sac pour que je puisse m'asseoir s'il te plaît, me demande-t-il en désignant le siège à mes côtés du bout de l'index.

En suivant des yeux ce qu'il cherche à me désigner, je vois mon sac posé à côté de moi sur le siège. Immédiatement, je le retire puis m'en excuse pendant qu'il prend place à mes côtés. Je ne cherche pas à me familiariser avec puis remets mon écouteur dans mon oreille. Bien heureusement, l'hygiène, il a l'air de connaître donc sa présence n'empeste pas le périmètre. Un bref coup d'œil par la fenêtre m'indique que nous sommes à l'arrêt numéro quatre. Plus que deux et je serai sortie de cet enfer.

Toujours plongé dans ce roman qui est en train de devenir mon préféré tellement l'intrigue me passionne, je vois une main plutôt masculine au vu de sa taille s'agiter devant les yeux. Je relève donc la tête de celui-ci pour la deuxième fois et me rends compte que c'est mon voisin qui cherche encore à communiquer avec moi. Je retire donc une seconde fois un de mes écouteurs et lui lance un regard interrogatif.

Un combat pour deuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant