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Adossés à mon casier, Clay et moi commençons à nous raconter notre matinée. Je lui raconte bien évidement le savon que m'ont passés mes parents hier soir lorsque je suis rentrée de chez lui avec un peu plus de trois quarts d'heures de retard, puis lui m'explique que sa mère a pensé que j'étais sa petite amie. Assez génant comme situation. J'ai eu de la chance cette fois ci, mes parents ne m'ont pas puni, mais la prochaine fois sa risquera d'être différent. J'ai intérêt à me tenir à carreau un certain moment, au moins jusqu'à ce qu'ils oublient cette histoire.

De là où nous nous situons, nous voyons les élèves entrer et sortir par les grandes portes battantes de la cantine. Nous restons donc là tout le midi en espérant voir Sylvia passer ces deux portes. Plusieurs fois, on se dit qu'elle n'est peut-être toujours pas revenue au lycée depuis l'article qui a été publié, puis à d'autres moments, nous nous disons qu'elle entre peut-être dans les derniers pour ne pas avoir à supporter les regards et commentaires désobligeants des autres élèves. Dans tous les cas, à dix minutes de la reprise des cours, nous prenons la décision d'aller manger. De toute façon, si elle se décide à venir manger à cette heure-ci, nous la croiserons dans la cantine.

Arrivés à l'intérieur, nous nous dirigeons donc à ma table habituelle qui est désormais notre table habituelle. Clay à le regard sur la porte, à l'affût du moindre mouvement qu'elle pourrait faire. J'espère sincèrement – pas seulement pour notre vengeance mais aussi pour elle – que Sylvia soit revenue. Il faut qu'elle soit plus forte que tous ces abrutis qui se pensent plus intelligent que tout le monde car ils savent jugés une photo et non une personne.

Silencieux et observateur, Clay mange le contenu de son assiette si calmement que s'en est effrayant. Habituellement, il est plus du genre bavard sur tous les sujets possibles. Il peut vous parler de la famine et la maltraitance envers les enfants dans le monde puis cinq minutes plus tard se demander pourquoi et comment les fourchettes ont étés crées. Je l'adore pour ça. Quand il sent que la conversation devient trop triste il divague sur un sujet plus amusant et nous finissons par rigoler ensemble sans pouvoir nous arrêter. Seulement aujourd'hui, je vois bien que quelque chose ne va pas. J'ai l'impression qu'il est ailleurs. Comme si le déni c'était emparé de lui. Son regard est vide, l'étincelle qui l'illuminait ayant disparue. Il triture le contenu de son assiette à l'aide de sa fourchette, sans ne jamais quitter la porte des yeux. Quelqu'un de l'extérieur pourrait se demander si sa vie dépendait entièrement de cette porte et pour être honnête, on le dirait bien. Je décide de tenter de capter son attention en agitant ma main devant son visage ce qui le fait revenir à la réalité. Son regard se dirige vers moi d'un air interrogateur.

– Tu étais passé où là? Tu étais complètement ailleurs.

De nouveau, son regard dévie, cette fois ci vers son assiette.

– Je vois bien qu'il y a un problème. C'est quoi? Tu ne veux pas de Sylvia avec nous? Si c'est ça ce n'est pas grave on fait tout ça tout seul. A nous deux on peut y arriver.

Il relève la tête et me regarde, laissant apparaître un léger rictus au coin de ses lèvres.

– Ce n'est pas ça le problème Alizée.

– Alors qu'est-ce que c'est?

– On est beaucoup trop naïf. Comment peut-on s'imaginer que l'on réussira à battre un groupe de gars effrayant ce lycée depuis des années alors que nous ne serons que trois. Et ça c'est si Sylvia accepte.

Il pose sa fourchette sur le bord de son plateau puis reprend.

– Soyons réalistes, jamais nous ne pourrons les arrêter. On a peur d'eux. Ils font en sorte de nous effrayer un peu plus chaque jour, et pourquoi à ton avis? Parce qu'ils ont besoin d'une distraction. Ils ont eu une enfance pourris sûrement avec des parents violents, drogués, alcooliques ou peu présent et maintenant, c'est sur nous qu'ils se vengent. Ils se vengent sur nous non pas parce qu'on a eu une enfance entourée de parents qui nous aimaient. Ce sont juste des ados en colère, et à part si tu es psy, on ne pourra pas les arrêter. Ces gosses souffrent Alizée, et on ne pourra pas y remédier car ils n'ont rien à perdre. Nous harceler est la seule chose qu'ils ont à faire et sa leurs ais totalement égal que nous les fassions souffrir ou non, et ça car ils souffrent déjà bien plus que ce que nous pourrions leur faire.

Un combat pour deuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant