Martin était sur son ordi, essayant de trouver une idée de chronique. Après le nouvel an, il était retourné aux Etats-Unis et était à nouveau rentré en France quelques semaines avant les élections présidentielles. Laurent et Yann voulaient qu'il trouve une chronique par rapport aux candidats ; il devait mêler son rôle d'envoyé spécial avec l'actualité française. Il devait absolument trouver une idée, car s'il voulait interviewer les candidats, il devait demander un rendez-vous pour chacun d'eux à l'avance. De plus, il fallait que sa chronique sorte de l'ordinaire, qu'elle montre un côté des candidats ou de leurs programmes qui n'est pas forcément exposé en premier lieu dans les médias. Il vit Yann à quelques bureaux du sien, passant parmi les rangées. Il demandait à chaque journaliste son sujet et son avancée, prêt à l'aider au moindre souci. Un encouragement, un mot gentil, un sourire, une parole rassurante, une main sur l'épaule ; c'était le comportement de Yann avec chaque personne de son équipe. Il restait cependant converser avec ses collègues les plus proches et amis, ne parlant pas que de travail. Combien de fois Martin l'avait vu arriver du coin de l'œil, deux tasses de café à la main. Il savait que le reporter aimait boire un café avec deux sucres, tendit que son patron le buvait noir. Il s'asseyait alors sur une chaise vacante à côté de lui, ou sur le bord de la table, et ils discutaient durant un bon moment. Yann abordait toujours la conversation de la même manière.
-Alors Martin, ça avance ?
Ce dernier fit un bond. Plongé dans ses pensées, il n'avait pas vu son patron s'asseoir à côté de lui. Il le regardait avec un sourire timide. La seule tasse qu'il avait à la main était la sienne. Le reporter lui sourit maladroitement à son tour, mais ne sut pas quoi lui dire.
-Eh bien, je... Je cherche.
-Tu n'as toujours pas trouvé d'idée ? demanda Yann, ses sourcils se fronçant légèrement.
La gêne fit rougir Martin qui planta son regard sur son ordi, affichant une page de traitement de texte complètement blanche. Le soupir de Yann trahissait ce que le reporter traduisit par de la déception, avec un soupçon d'agacement.
-Essaie de trouver quelque chose avant demain soir quand même, s'il te plaît. Ce n'est pas compliqué, je ne te demande pas la Lune, et tu es capable de sortir quelque chose de bien. Allez, concentre-toi.
Le jeune homme hocha lentement la tête pendant que son patron se levait pour aller voir d'autres collègues. Martin soupira. Depuis qu'il était revenu en décembre, les rapports qu'il avait eut avec Yann étaient restés strictement professionnels. Ils ne fumaient plus sur le toit du bâtiment ensemble, ils ne buvaient plus de cafés ensemble –Yann ne lui en apportait plus. Ils ne sortaient plus de temps en temps pour prendre un verre ensemble, ils ne commandaient plus à manger ensemble à la rédac, ils ne se parlaient plus au téléphone, ou même par sms, sauf pour le boulot. Cela faisait depuis Noël que Martin n'était plus allé manger au petit japonais au coin de sa rue, le restaurant préféré de Yann. Leur relation s'était sérieusement dégradée, au grand damne de Martin. S'il avait su, il n'aurait jamais proposé au présentateur de rester dormir chez lui, lors de cette fameuse nuit où il était venu le chercher à l'aéroport. Il ne savait même pas pourquoi il avait insisté, ou même posé sa main sur la sienne. Chaque jour il regrettait de l'avoir fait, car cela avait signé la fin de leur amitié. Ce simple petit geste, et Yann avait tiré un trait sur leur relation. Martin ne pensait pas être spécialement attiré par lui, mais poser sa main sur la sienne lui était parut extrêmement naturel, et lui avait fait ressentir une agréable chaleur contre sa paume. Cette chaleur était remontée le long de son bras et s'était propagée dans tout son corps, lui offrant un bien-être étrange, une sorte de plénitude, de détente, de calme. Il aurait pu garder sa main sur la sienne pendant des années encore, si la réponse de Yann n'avait pas agit sur lui comme une douche froide, le sortant de la torpeur dans laquelle il était plongé. Le retour à la réalité avait été brusque, mais il l'avait mérité. Il n'aurait jamais dû faire de telles avances à son patron. Mais la sanction était tout de même assez dure ; ils étaient amis depuis des années, et réduire tout cela à une relation professionnelle lui avait fait du mal.
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La minuscule terrasse en béton brut
Fanfiction"Le cameraman lui fit le décompte du bout des doigts, et Martin s'efforça de montrer une joie feinte sur son visage. La voix de son patron résonna dans ses oreilles, et, fixant la caméra en sachant que Yann le voyait en ce moment même, il sourit de...