Yann monta sur une chaise blanche, en plein milieu de l'open space, ses porte-documents remplis de dossiers et de fiches en tous genre dans une main.
-S'il vous plaît, tout le monde. L'émission démarre dans une heure. C'est le moment des dernières recommandations du jour. Demain matin, 8heures, tout le monde est là. Ne faites pas cette tête, c'est comme ça depuis le début de l'année. Comme vous le savez tous, l'émission de demain est une spéciale Jean-François Coppée. Laurent, la SPA est ok pour les chatons ?
-Oui, des bénévoles viendront nous les apporter en début d'après-midi.
-Très bien. Je veux toutes les chroniques quasiment prêtes à 15heures grand maximum sur mon bureau, et à 15heures30 on fait une répétition avec les chatons sur le plateau. Ça promet d'être un sacré merdier, ces bestioles seront lâchées sur le plateau, sans aucune barrière. Pour permettre à l'émission de suivre son cours, personne ne devra se lever de son siège pour aller voir les bébés chatons ou je ne sais quoi avant la pub, prévint-il en jetant un œil à ses chroniqueurs intervenants sur le plateau en particulier. Il va donc falloir faire preuve d'une grande maîtrise de soi et surtout, de beaucoup, beaucoup d'improvisation si ces boules de poils décident de n'en faire qu'à leur tête.
-Yannou, t'es vraiment trop mignon, avec ta façon de parler des petits chatons, on sent que tu es partagé entre tendresse et... dégoût, le coupa Vincent.
Le dit Yannou ne releva pas la petite pique de l'humoriste alors que l'assemblée riait doucement et continua de distribuer les dernières recommandations à toute l'équipe présente dans l'open space. Une fois les directives données, les membres de la rédaction partirent, et les chroniqueurs et journalistes allèrent sur le plateau. Suivi de son équipe, Yann marcha dans les longs couloirs les menant au lieu de tournage. Il avait arpenté de nombreuses fois cet endroit, et pourtant, cette ascension vers son lieu favoris lui donnait toujours autant de frissons. Son plateau, son émission étaient entièrement à son image. Il avait l'étrange impression de se sentir plus à sa place derrière son décor que n'importe où ailleurs. Sa deuxième maison était son appartement, la première était son lieu de travail. Tout en marchant, il donna quelques consignes pour l'émission du jour, réservant toujours un mot plus personnel à son équipe.
-Les enfants, quelques mots avant de tout mettre en place ; je compte sur vous pour dynamiser l'émission, et plus qu'hier s'il vous plaît. Je sais que la fatigue est présente chez tout le monde, mais nous sommes jeudi. Demain, c'est la dernière de la semaine, alors profitez, donnez-vous à fond, et éclatez-vous. En plus, l'émission sera très spéciale, et nous pourrons nous amuser un peu. Mais pour aujourd'hui, essayons déjà d'être à l'heure, soupira le présentateur. Ne riez pas, en attendant c'est moi qui me fais hurler dessus par Laurent, pas vous.
-T'aurais dû y réfléchir à deux fois avant de t'associer avec un tyran, intervint Quentin.
Yann lui adressa un regard sévère, mais son sourire en coin trahissait son amusement. Il était vrai que parfois, Laurent agissait assez durement avec ses équipes. Mais grâce à leur association, la société de production Bangumi avait pu voir le jour. C'est grâce à lui que Yann a eu la possibilité de produire sa propre émission, et ainsi pouvoir enfin quitter Canal+ pour faire ce qu'il souhaitait réellement, sans aucune entrave. En repensant à tout ce chemin parcouru depuis ses débuts à Canal+ en tant que Petit Journal People, petite chronique simple et sans prétention du Grand Journal, jusqu'à maintenant, il était empli de fierté. Et il le pouvait ; co-directeur de sa boîte de production, ainsi que présentateur et créateur de sa propre émission, son bébé, son Quotidien. Il était entouré d'une équipe fidèle, devenue une seconde famille. Ils s'entendaient tous réellement bien, déjeunant généralement ensemble lorsqu'ils avaient le temps, se voyant même en dehors de leur travail. Son équipe s'était agrandie, accueillant de nouveaux journalistes. Tout ce qu'il avait entreprit avait marché, et le public demandait toujours plus de Yann Barthès. Comment ne pas être heureux ? Il avait le sentiment d'avoir accompli chacun de ses souhaits, tout ce qui lui était arrivé dépassant ses espérances les plus folles. Certains disaient qu'il travaillait trop, mais pour lui, il n'en faisait jamais assez. Et oui, effectivement, il ne vivait que pour et par son travail. Cela avait été le moteur de sa vie, car il accomplissait chaque jour sa passion à l'écran.
Il fit un rapide tour du plateau pour souhaiter bon courage à toute l'équipe, salua les spectateurs du jour, et s'assit enfin sur sa chaise noire, derrière son décor épuré. C'est le sourire aux lèvres qu'il réarrangea ses fiches dans un ordre précis, les relisant rapidement pour tout se remettre en tête. Il sortit un stylo noir de la poche intérieure de sa veste et réajusta une relance pour Etienne, celle-ci lui paraissant mal tournée. Certaines étaient tapées à l'ordinateur, d'autre écrites à la main, mais la plupart du temps, elles étaient les deux à la fois. Il préparait chacune de ses phrases lui-même, en association avec ses équipes qui bossaient sur les montages de diverses chroniques, s'accordant ainsi sur le montage final et sur le texte de Yann. Il les testait par la suite lors des répétitions, puis modifiait ses textes à la main en fonction des ajustements à faire. Et il était bien connu que Yann Barthès était un éternel insatisfait, cherchant à perfectionner toujours plus chacune de ses interventions.
-Yann, direct dans 5 minutes.
Le grand patron fit un signe de la tête. Le stress avant le début de chaque émission était toujours le même, peu importe les années d'expérience. Il retira ses lunettes, ferma les yeux, et prit un moment pour contrôler sa respiration, faisant abstraction de tout ce qui l'entourait.
-3 minutes.
Son cœur commençait d'ores et déjà à battre, et il tenta de le contrôler. Une grande inspiration, une grande expiration. Respire calmement Yann.
-2 minutes.
Il fit un rapide tour mental de chaque chronique qui allait être présente aujourd'hui, de chaque sujet traité, de chaque invité, de chaque journaliste. Hugo, Valentine, Panayotis, Eric, Quentin, et Vincent. Azzedine serait présent sur le plateau le lendemain, et Martin en duplex tout à l'heure. A l'idée de voir son envoyé spécial et de lui parler, Yann esquissa un sourire.
-1 minute.
Le présentateur se redressa et se retourna, jetant un regard en coulisses, cherchant à se donner du courage, puis il regarda tous les spectateurs, les commissures de ses lèvres s'étirant naturellement, et enfin il regarda droit devant lui. Comme chaque soir, son sourire ne pouvait quitter son visage. De petites pattes d'oie se formaient aux coins de ses yeux. A 42 ans, il pouvait dire qu'il faisait ce qu'il aimait, en étant entouré de gens qu'il appréciait et qui l'appréciaient également. A part Nadine Morano, il n'y avait aucune ombre au tableau.
-10, 9, 8, 7, ...
Il se positionna face caméra, souffla un bon coup, et songea à la clope qu'il pourrait fumer dans 2 heures. Et comme d'habitude, à l'annonce du décompte, il regretta de ne pas avoir un verre de whisky à disposition pour se donner du courage.
-6, 5, 4, 3, ...
Martha termina le décompte sur ses doigts et la musique du générique commença. Les applaudissements du public retentissaient, et le cœur de Yann s'emballait de plus belle. Il expira longuement et afficha son plus beau sourire. Un geste significatif de la main derrière la caméra indiqua qu'il devait commencer, et Yann, comme chaque soir, sauta dans le vide.
et voici le chapitre 2 avec un peu de retard, mais j'ai eu gros pépin lundi, donc c'était assez compliqué de poster quelque chose cette semaine. j'essayerai de me cantonner à un chapitre par semaine. (en sachant que les huit premiers sont déjà écrits héhé)
j'espère que ça vous aura plus, n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez, et merci encore d'avoir lu!
à la semaine prochaine !
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La minuscule terrasse en béton brut
Fanfiction"Le cameraman lui fit le décompte du bout des doigts, et Martin s'efforça de montrer une joie feinte sur son visage. La voix de son patron résonna dans ses oreilles, et, fixant la caméra en sachant que Yann le voyait en ce moment même, il sourit de...