Chapitre 2: Döllen

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La promesse faîte à Myrha, Döllen dû la tenir, quelques mois après leur rencontre. Lorsque le manteau de la nuit se répandait doucement sur le royaume.

***

La Place était anormalement animée. La rumeur de l'arrivée du futur enfant s'était propagée rapidement dans la cité. Attisés par leur curiosité, les rhoiens et quelques habitants d'autres cités, s'étaient regroupés au fil de la journée. Les heures avaient rendu la foule plus compacte. Tout d'abord formée devant la porte de la Tour Nord, elle englobait désormais le lieu. La joie d'assister à un heureux, et rare, événement, avait laissé place à l'impatience et l'agitation. Les bruits de bousculades et de voix s'entrelaçaient dans un brouhaha assourdissant. L'excitation semblait désormais difficile à maîtriser pour la garde. Devant l'entrée du sanctuaire, dans lequel se trouvait les futurs parents, un différend semblait particulièrement corrosif.

Une voix rauque, surpassant le tapage, interpellait un des membres protecteurs du conseil. C'était celle d'une vieille femme, dont les cheveux grisonnants tombaient en désordre sur une longue tunique jaune, par-dessus un pantalon de lin gris. Elle avait joué des coudes pour arriver au plus proche des gardes. Avec aplomb, elle sommait d'obtenir des informations sur l'enfant à naître, elle-même convaincue par ses propres prédictions.

« - L'enfant de la prophétie. Je n'ai aucun doute ! De grands pouvoirs sont sur le point de naître. L'enfant sauveur de notre perte.

- Femme, ôte ces idées saugrenues de ta tête et retourne patienter avec les autres! cria le protecteur du conseil.

Sa fonction, inspirant la crainte, l'éloignait, d'ordinaire du courroux du peuple. Mais, de toute évidence, la situation faisait oublier la hauteur de son rang. Il n'avait pas l'habitude d'être alpagué de cette manière. Peu à peu, sa réserve s'effaçait face à l'entêtement de la vieille femme. La foule devait être contenue avant l'arrivée de l'Oracle, pour la présentation de l'enfant. Mais, Lordi Lardi, ne semblait pas lâcher prise.

-Quel fou, rétorqua-t-elle en prenant à parti la foule l'entourant, ne vois-t-il pas le soleil? »

La femme se tourna alors vers la façade ouest de la Place et le désigna. La faible clameur de l'astre était toujours perceptible. Le silence se fit alors d'un seul bloc. Lordi Lardi venait de désigner une preuve implacable. Le protecteur ne sut quoi répondre, incompétent face aux croyances de Rhô. Ni lui, ni personne, ne se serait risqué à remettre en cause les mythes ancestraux. Or, à la lumière du crépuscule, jamais ils n'avaient paru si réels. Ils attendaient tous les paroles de l'oracle, la vision sur les événements. Selon les sages, une naissance sous les rayons du soleil et de la lune serait envoyée par les ancêtres, pour protéger Ohlia. D'immenses pouvoirs lui seraient alors dévolus. Sur la Place de la grande cité, l'attroupement des habitants prouvait l'impatience face à cet augure. Ils espéraient tous un enfant des deux ciels, fût-il annonciateur d'un funeste destin.

L'agitation avait gagné l'intérieur du temple. Si toutes les naissances y étaient données, l'alignement des astres avait rendu le personnel fébrile. La future mère avait été installée à l'écart, dans une petite alcôve de la tour Nord. L'accès avait été restreint aux soignants et à la famille proche. Le froid enfermé dans la pierre rendait les lieux glacials. Seul un lit, une chaise et une table, du même bois, meublaient la pièce sombre. Une mince lucarne donnait sur l'extérieur. Dans un coin, la soignante et un guérisseur étaient en pleine discussion. Ils murmuraient. Myrha était allongée sur une couche de coton, à l'opposé. Elle essayait d'ignorer l'inquiétude sur leur visage.

Sur la table avait été disposée une bassine d'eau. Son mari, Kaïdan, y trempait un linge, pour ensuite lui déposer délicatement sur le visage. Il était à peine plus âgé que la jeune femme. Le dos voûté, il s'était penché sur sa couche. Ses yeux bleus interrogateurs cherchaient sans cesse l'aval de son épouse pour continuer. Elle semblait apprécier le contact doux et froid de ses gestes. S'il n'avait cessé de lui susurrer des paroles réconfortes depuis le début du travail, il commençait à présenter des signes de nervosités. Ses cheveux bruns étaient collés sur son grand front par la sueur, qu'il essuyait du revers de sa main. Puis, il répétait le procédé.

L'enfant des deux cielsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant