Seule au milieu des rangées de lits, Sam était assise. Sa silhouette se recroquevillait sur elle-même, le dos vouté, les coudes sur les cuisses, les mains dissimulant le visage. Son uniforme, du vif noir de la garde, était desserré. Normalement nouées autour du cou, les longues lanières de coton pendaient le long de ses jambes. Sa sous-robe ainsi révélée dévoilait la pâleur de sa peau.
Un bruit de porte retentit et sortit la jeune femme de sa stupeur. Elle releva brusquement la tête élançant ses longs cheveux blonds derrière elle. Ses yeux étaient rouges et gonflés. Avant qu'elle n'eut le temps de relacer sa tenue, une silhouette imposante fit son entrée.
« Samaryah, la garde te cherche pour s'occuper du prisonnier, lâcha l'homme visiblement indifférent à la situation.
-Je t'ai déjà dit de ne pas m'appeler comme ça ! Rétorqua la jeune femme, visiblement piquée par l'intrusion de son collègue dans un moment d'intimité. »
Ce dernier se contenta d'hausser les épaules, poussa un grognement abscond et s'assit sur un des lits pendant que la jeune femme finissait de retrouver une allure réglementaire.
« Tu devrais faire attention aux gens de l'entretien, reprit le jeune garde tout en commençant à feuilleter un manuscrit tiré de sous le lit. Je veux dire... Cette fille, là... avec les cheveux emmêlés...
-Mes fréquentations ne te regardent pas Kâan !
-Sauf si elles te mettent dans cet état... »
Sam se retourna vers le jeune homme en riant. Ayant visiblement retrouvé son assurance, elle balança la tête en arrière et rassembla ses cheveux dans une longue queue de cheval.
« Tu penses réellement que ces gens peuvent m'atteindre ?, lui répondit la jeune femme sur un ton de défis.
-Je ne sais pas... quand je vous ai vu parler dans le hall, j'ai eu un drôle de pressentiment. Et là...
-Je suis juste fatiguée. Une naissance et une arrestation. Cela fait beaucoup, même pour la garde.
-Peut-être... Je dis juste que les anciennes connaissances, et Kâan appuya particulièrement sur ce mot, n'apportent rien de bon »
Sam se contenta d'hocher la tête et sortit du dortoir, laissant derrière elle le jeune homme en proie aux doutes. Elle s'engouffra dans le passage peu éclairé du cinquième étage où, elle croisa deux autres apprentis d'années supérieures, qui ne lui prêtèrent pas attention. Au fond du couloir, elle entreprit de gravir les escaliers de pierre pour rejoindre la grande salle.
Cette dernière était plus remplie qu'à l'ordinaire. Des gardes et des apprenties s'attroupaient autour de la représentante du conseil, Laundiel. Déblatérant les usages de procédures, elle s'adressait avec ardeur à la foule, éveillant chez elle le dévouement d'une fonction. A ses côtés se tenait Hena. Le visage dur, sa supérieure semblait attentive et ne remarqua pas la présence de la jeune femme. Cette dernière repéra une autre de ses supérieurs, celle ayant procédé à l'arrestation de cet après-midi. Elle slaloma entre ses collègues et rejoignit la cheffe.
« Vous m'avez fait demander ? Questionna en chuchotant Sam.
-Exactement. Répondit la garde. Je voudrais...Où est Kâan ? Il n'est pas revenu avec toi... »
Devant l'étonnement de la supérieure, l'apprentie se contenta d'hausser les épaules.
« Cet apprenti me fatigue... Il utilise un peu ses pouvoirs magiques pour une arrestation et le voilà flanqué, je ne sais où, à faire la sieste... reprit, exaspérée, la femme. Hena est occupée avec la représentante du conseil. Je veux que tu ailles récupérer l'apprenti de l'entretien pour le ramener dans ses quartiers.
-Barett ? Ne put retenir Sam interloquée.
-Peut-être, crois-tu que je connaisse le nom de tous ces gens ? »
De sa main libre, elle fit signe à Sam de vaquer à sa tâche. En sortant de la pièce, l'apprentie s'engouffra dans les escaliers et descendit deux étages. Elle s'adressa à peine au garde posté devant la cellule du temple et y entra.
La pièce était exigüe et plongée dans le noir. Seule une faible lueur virevoltait au-dessus d'un banc où étaient assis les deux occupants de la pièce. Kaïdan avait le dos vouté, encore plus qu'au matin de leur rencontre. Le poids sur ses épaules semblait le rapprocher de plus en plus du sol. Barett était à ses côtés, l'air inquiet. A la vue de la jeune garde, ce dernier s'élança vers elle.
« Sam, que se passe-t-il ?» Mais cette dernière ne bougea pas. Elle répondit d'un signe dissuasif de la tête en désignant la porte. Le garde était toujours en place. « L'apprenti de l'entretien, veuillez me suivre ». Barett opina de la tête. Il se pencha et posa une main amicale sur l'épaule de son collègue. Ce dernier ne bougea pas, le corps figé, les yeux dans le vide.
En silence, les deux apprentis sortirent de la pièce et rejoignirent les escaliers pour quitter les quartiers de la garde. Le poids de la journée rendait leurs jambes lascives et douloureuses. Sam cherchait le regard de Barett, en vain. Le jeune homme était étonnement stoïque et se contentait de dévaler les trois étages. Déstabilisée, Sam suivait la même cadence. Ce n'est qu'arrivé au rez-de-chaussée, qu'elle prit la parole.
« Je ne suis plus habilitée à entrer »
Le jeune homme se tourna vers elle. Il plongea sa main dans la toge et en sortit un morceau de papier jauni. L'apprentie garde le porta à ses yeux et put y lire l'inscription « Myrha ». Elle sursauta.
« Barett ! Tu seras banni juste pour y avoir pensé ». L'étonnement avait fait place à la peur. Mais Sam découvrit chez le jeune apprenti une expression qu'elle ne lui connaissait pas. Il était déterminé. Il prit délicatement la main de la garde et y déposa l'objet du délit. Puis, sans explication, il se détourna vers les quartiers de l'entretien.
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L'enfant des deux ciels
FantasíaLorsque les rayons de la lune et du soleil se rejoignent sur la façade du mont Ohlia, toute la cité de Vehïa est réunie pour accueillir l'enfant des deux ciels, destiné à conduire la cité. Pourtant, le premier être sans pouvoir va naître. Cet événem...