Cygnes

34 1 0
                                    


-Voilà, je ne me souviens de rien de plus, ni plus ni moins...

 Être assis jours après jours ici était d'un ennui mortel, dans ce satané poste de police où l'on me convoque uniquement parce que je la connaissais, cet électron libre. A force, je fixais le plafond, perplexe à la vue du motif monotone que présentaient les dalles rectangulaires sensées isoler la pièce du dessus de notre conversation, à la vue de ces néons tubulaires blanc qui cachaient plus que de la simple neutralité, une sorte de froid médical je dirais. 

 Oui je n'y crois toujours pas, voilà plusieurs semaines maintenant que Kate a "disparu", me laissant ici avec la responsabilité de raconter jours après jours la même histoire à ces incapables de la police, n'ayant toujours pas retrouvé sa trace malgré les différents "indices" laissés par-ci, par-là et les différents témoignages du peu de proches qu'elle avait, et la cerise fut son mensonge; elle n'avait pas de famille, ses parents d'accueil fortunés lui versaient simplement assez par mois pour se réinventer une vie et économiser. 

-Vous savez, le moindre détail pourrait nous aider, cela fait quelques mois maintenant qu'elle a disparue et que sa piste reste floue, malgré les indices trouvés, on a plus que jamais besoin de vous.

Le policier me tends une photo...

Comment l'avaient-ils eue?! cette photo date tellement et en plus elle est sensée être cachée dans ma chambre! La simple vue de cette photo de moi adossé contre un arbre fit rejaillir tout ce que j'avais refoulé mais si je leurs révèle quoique ce soit, je risque gros, on ne peut plus se permettre l'avocat, je perds patience, mes nerfs vont pas tarder à lâcher et je veux tout sauf m'attirer des problèmes à causes d'une amourette foireuse. Quelle manipulation, mon aide disait-il? comme si je savais tout ce qu'il en retournait, comme si je savais où elle se trouvait et que je la cachait, oh si seulement ils savaient..

-Elle a l'air vielle, elle date de quand? c'est elle qui l'a prise?

-D'aujourd'hui, me disent-ils, on l'a retrouvée dans notre boîte au lettres, c'est une copie, l'originale daterais de quand vous vous fréquentiez, on suppose qu'elle ou un proche fait passer un message.

-Et l'originale, vous ne l'avez pas c'est ça? je suis navré mais la seule chose qu'elle m'évoque ce serait un magnifique nouveaux fond d'écran. Je ne pense pas pouvoir vous aider plus qu'en l'accrochant au murs de ma chambre, désolé.

 C'est vrai après tout, pourquoi me montrer qu'une copie alors que l'originale est à portée, à tous les coups la mienne aussi est une copie, peut-être même que cette copie était la mienne....


Le soir....Sous les eaux


 Kate, disparue? Non, elle a surement fuit, après tout je ne l'ai que très peu vu après ses avances, je n'étais  qu'un pion au final, ce qu'elle voulait vraiment c'était avoir de l'attention, une attraction qui lui ferait ressentir des sensations inconnues, j'aurais au moins eu le mérite d'être sa première marionnette. Jamais elle ne m'aura redonné ne serait-ce qu'une fraction de tout cet amour et le pire arriva quand elle aura décider de passer à autre chose avec l'autre footballeur...ou basketteur...aaargh je me souviens plus et je ne veux plus en entendre parler! J'ai bien assez ressassé, mes nuits blanches ne se comptent même plus et le sommeil me fuit comme si je lui avait été infidèle avec quelques plaisirs...

 Finalement, je suis bien là au bord de ce lac à marcher dans les flaques sous la pluie, pas besoin d'une blonde de plus dans cette vie! Je suis bien seul, dans ma bulle, à vivre ma mélodie, mes mélodrames...

 Tiens, quelle surprise, tandis que je marche direction le seul ponton de la rive, j'aperçois le fameux arbre, celui de la photo, celui où tout à commencer, j'aimerais tellement tout brûler ici, en commençant par moi...

  Et je suis pas le seul à profiter de la pluie pour laisser divaguer ma part pyromane on dirait. Une silhouette se tient debout à l'extrémité de ce long pont surélevé, seule. On dirait celle d'une femme, ou d'une fille qui sait, pas spécialement plate mais son manteau cache tellement son corps. Va savoir, elle a peut-être elle aussi besoin de se changer les idées? Il ou elle, bon et je perds quoi à rejoindre cette autre âme...

 Je m'approche si doucement, comme une  ombre, on ne distingue même plus le clapotis de mes pas, seulement celui de la pluie sur les barrières métalliques, sur les flaques, sur les mares, sur le lac...Qui l'eut-crû, je me retrouvais au beaux milieu d'un orchestre, dont le chef était le vent! ce doux vent qui soufflait. que ce soit de dos ou de face, on ne le percevait que faiblement, comme s'il ne faisait que passer, comme s'il ne faisait que nous dire "désolé, je ne suis que de passage"...Et ma respiration, elle s'accélère, comment ne pas paniquer? plus j'avance et plus cette silhouette me paraît familière! j'ai l'impression de l'avoir déjà vue, et ce n'est pas qu'une impression!

Mes pas se pressent, j'accélère, je marche de plus en plus vite, nan je cours! Mon corps n'est même plus retenu, il s'élance de lui même en direction ces jambes fines, de cette silhouette aux formes fines, de ce manteau atypique, ces bottes noires usées, je connais tout de ça! Non pas de ça, de elle! Enfin je peux l'atteindre, après tout ce temps passé à attendre je n'en peux finalement plus. Avant même qu'elle ne se retourne j'étais là, à l'enlacer, la prendre dans mes bras, la serrer au point de sentir la peau de son cou sur mes lèvres, tentant de ne pas céder à ce fou désir d'embrasser cette parcelle de sa peau aussi infime soit-elle, de sentir son parfum, tentant de ne pas effacer la douceur de son cou à la chaleur de ses hanches, de son corps qui épouse parfaitement le miens, comme si on était enfin plus qu'un, comme si jadis ne fut qu'une métaphore..Je ne peux plus retenir mes fichus mots, mes maudites larmes, mes inaudibles sanglots...

-Tu m'as tant manqué, lui ai-je bégayé, chaque jour qui suivit ton départ je les ressassaient, tous ces souvenirs, je veux tant les revivre maintenant que tu es là, tu sais?

Ce n'est qu'une fois avoir ouvert les yeux que je les vis...ces mèches longues, brunes....

Faux DépartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant