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-Faudrait peut-être qu'on se bouge, bougonna Simon, ennuyé de ne rien faire.

Il n'avait pas oublié la soirée d'hier et la déception lui pinçait le cœur.

Il commença à partir, marquant ainsi la fin du séjour dans les ruines.
Alors qu'ils marchaient depuis une longue heure, Luke trébucha sur un objet enfoui dans le sable.

Typique et cliché, songea Prune.

Jules s'agenouilla et sortit l'objet tout en vérifiant l'état de Luke du coin de l'œil. Il leva ensuite l'objet vers l'astre lumineux et le regarda comme la huitième merveille du monde.

-Qu'Est ce donc ? Demanda-t-il sans quitter l'objet des yeux.

Prune haussa les épaules, imitée par Livie. Cet objet rappelait vaguement quelque chose à Luke mais ce fut Simon qui répondit à la question de jeune homme.

-Un Astrolabe. Il y en avait un sur le bureau de mon père, expliqua-t-Il en apercevant les regards interloqués de ses amis.

-Et à quoi ça sert ? Demande Johanna.

La voix de la jeune fille n'avait pas manquée à Prune. A vrai dire, elle l'avait quasiment oubliée.

-Cet appareil aidait les marins et les géographes à se repérer à l'aide des astres, au XVI ème siècle.

Livie sourit. Elle en avait entendu parler et elle était heureuse de voir la nature intelligente de Simon refaire surface sous ses blagues à deux balles.

Johanna se dirigea vers son frère et -ou- l'appareil. Elle le prit dans ses mains et regarda les diverses anneaux qui ornaient l'objet.

-Ça peut peut-être nous servir.

Si l'expression "se rembrunir" a été inventée, c'est probablement pour l'expression faciale actuelle de Prune.

-Je connais pas les étoiles. Personnes ici, d'ailleurs. Alors essaye toujours mais me fait pas perdre mon temps, lâcha-t-Elle sans une once d'émotion.

Simon la sermonna du regard du à son ton sec.

-Prunelle, murmura-t-il. La gentillesse, tu connais ?

La jeune fille le regarda et s'exclama.

-Ma gentillesse dépend du point de vue où l'on se place. Elle est relative. Mais surtout très sélective et n'existe que pour les gens la méritant. Ma gentillesse est une souveraine.

Simon leva les yeux au ciel et Luke songea aux pensées probables de son ami "wow le melon quoi".

Ils reprirent leur marche sous la chaleur pénible de l'astre. Ils marchaient lentement certes, mais à un rythme régulier. Comme la basse d'une musique.

La lumière baissa tout à coup, surprenant les ados. Ils furent pourtant bien soulagés d'avoir moins chaud.
Pourtant, aucun d'entre eux n'avait daigné lever le nez vers le ciel. Ils étaient tous restés les yeux comme liés à leurs chaussures.

C'est Billy qui observa la voûte céleste le premier, attristé de n'avoir rien bu de la journée. Il ouvrit la bouche et bascula la tête en arrière, yeux fermés et bras le long du corps.

-Allez Billy, avance, l'encouragea Jules.

Le petit rouvrit les yeux et fixa les nuages. Ils étaient noirs.
Il regarda devant lui.
Une nuée de poussière noire se dirigeait également vers eux.

Il frotta ses yeux avant de les rouvrir. Il n'avait pas mal vu : les mêmes nuages effrayants qu'il y a quelques jours se rapprochaient dangereusement d'eux, engloutissant le paysage sur son passage comme un monstre affamé.

Il ferma les yeux. Secoua la tête.
Rien n'y fit.
Ce n'était pas son imagination débordante qui avait amené les volutes de poussière dans son esprit. Elles étaient bien là. Devant lui.

Billy s'était retrouvé à l'arrière, doublé lors de son arrêt. Les autres continuaient leurs routes droit devant comme des morts-vivants, des corps sans esprit.
Pris d'un élan héroïque, il se mit à courir en criant "attention !" de toute sa petite voix. Seulement, le bruit de la tempête surnaturelle couvrait sa voix.

Il redoubla de vitesse et doubla ses amis. Prune marchait en tête. Il continua sa course et s'arrêta devant sa sœur.

-Pru-Pruuuune !

Elle leva la tête et regarda le bout du doigt de Billy. Elle aperçut alors à quelques mètres d'elle le mur sombre qui avançait avec vitesse.
Réagissant au quart de tour, elle attira Billy vers elle et se mit à courir. Il lâcha sa main tout en courant, attirant leur amis dans cette course effrénée contre une mort probable.

Billy chuta.

Prune s'arrêta et regarda son frère, horrifiée.

-Cours, Prune ! Cria Simon en retournant vers Billy.

Celle ci se réfugia derrière une pierre afin de se protéger et leva la tête. Elle vit Simon relever Billy et courir à tout allure.
Elle ferma les yeux en se mettant derrière la roche.

Billy arriva. Saint et sauf.

Mais Simon n'était pas là. Elle releva la tête et le vit. Il s'était arrêté et regardait la poussière arriver tel un tsunami. Il se retourna vers le mur et pris une position solide. Posé sur ses appuis d'une manière habile, tout dans son attitude semblait refléter un défi.

"Ne joue pas les héros"

Prune hurla d'une voix pleine de désespoir quand son ami se fit engloutir par les nuages.

Simon ferma les yeux et attendit l'impact. Rien. Seulement un vent fort qui semblait le contourner. Il releva les paupières et vit un cercle noir autour de lui. Le cercle montait comme des murs.

La poussière l'avait entouré. Simon hurlait le nom de ses amis, oubliant de respirer tant il était occupé à crier attendant désespérément une réponse de la part de ses amis. Mais elle ne vient pas. Peut-être qu'ils avaient eux aussi était "engloutis" ?

Simon ferma les yeux essayant en vain de trouver comment s'en sortir. Son cerveau tournait à mille à l'heure, pris de panique. Ce n'était pas tant son sort qui l'inquiétait, mais plutôt celui de ses amis. Simon réfléchissait tandis que tout autour de lui devenait flou, que se passait-il ? Allait-il finalement mourir. 

Simon finit par arrêter de lutter. Une métaphore lui vient à l'esprit : celle d'un accident de voiture. Lors d'un accident, lorsque notre voiture fonce irrémédiablement dans le fossé, on tente de la ramener d'un coup de volant dans le droit chemin, mais pourtant, on finit par tomber dans le monstrueux fossé : peu importe si on lutte ou non. Rien ne peut arrêter notre chute. 

Il allait finalement mourir à dix-huit  ans. C'était à la fois tragique et ridicule. Simon ne serait même pas un super héro dans ce monde de raté. Il n'aurait rien fait, il n'aura même pas dit à Prune qu'il l'adorait. Il s'imaginait déjà la scène : Prune lèverait les yeux au ciel avant de repousser une mèche de devant ses grands yeux si sérieux. Puis elle lui demanderait d'arrêter de raconter des conneries.

Oui, il voyait la scène comme s'il la vivait. 

Tout doucement, Simon ferma les yeux décidés à en finir. Il entendait quasiment la voix de Billy chantait à ses oreilles. C'était si beau, si pur... 

How life goes on the way it does ? Why does my heart go on beating ? Why do these eyes of mine cry ? Don't they know it's the end of the world ? 




Me: Prune, The Big-bang and the death's search Où les histoires vivent. Découvrez maintenant