Comme dans un rêve

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Comme tous les mardis, dès que j'ai fini mes cours matinaux, je me dirige à mon cours de chant qui se déroule dans la salle de répétition du théâtre qui se trouve sur le campus. Je ne raterai pour rien au monde ce cours. C'est comme mon échappatoire à cette angoisse qui me suit depuis bientôt trois ans. Trois ans que la peur est ma meilleure amie. Trois ans que je redoute cet appel qui va faire basculer ma vie dans les ténèbres les plus profondes. Chaque jour qui passe me donne l'impression qu'il s'éloigne, qu'il ne reviendra pas. Mais quelques mots suffisent, quelques tâches d'encre sur une feuille me redonnent espoir. Alors, à chaque fois que je le peux, je chante cet espoir, cette peur, cette angoisse et ce manque. Je chante pour me souvenir. Je chante pour espérer. Je chante pour patienter. Je chante pour respirer. Sans cela, je serais déjà devenu folle. Folle à cause de ce vide qui me hante. Folle car je ne désire que lui.

J'entre dans la salle et me place dans mon petit coin loin des ragots et des critiques des autres. Au départ, je croyais que tout le monde était sympa mais on m'a ouvert les yeux. Chacun à son clan, sa meute. Et une guerre froide se déroule dans le plus grand des silences. Dans ma zone neutre, on ne peut m'atteindre. Je suis en sécurité et accompagnée.

Quand on parle du loup, une petite asiatique s'approche de moi avec un grand sourire. D'origine du Vietnam, Kim avec ses cheveux de jais coupés au carrée, a réussi à me convaincre de m'inscrire à ce cours. Je lui en dois une.

- Holà, me salue-t-elle.
- Hey !
- Prête pour deux heures de pur plaisir ?
- Toujours, répondis-je.

Comme à chaque fois, je me suis sentie libérée pendant deux heures. J'ai pu oublier la noirceur des trois dernières années de ma vie pour laisser place à une lumière de bien-être, d'espoir et d'amour. Je me sens flotter vers un avenir plus tranquille, sans soucis. Un avenir avec lui à mes côtés. Je me remémore des moments qu'on a passés ensemble, des promesses qu'on a juré de tenir et des rêves qu'on a décidé de réaliser. Toute ses mémoires, ses sentiments font porter ma voix au-delà de ce qui est possible. Il est la raison qui me permet de chanter tel que je le fais. Et j'aimerais tellement le remercier.

- Le cours est fini. On se revoit la semaine prochaine, déclare la prof.

Comme à mon habitude, je n'ai pas vu ces deux heures passer. En sortant de la salle pour nous diriger vers la cafétéria, je discute avec Kim du nouveau défi que nous a lancé le prof pour la semaine prochaine. Écrire un refrain selon un thème qui nous a été attribué. Parmi tous les thèmes qui existent dans cet univers, nous avons reçu celui du meurtre. Je ne vous explique pas ma joie.

- Ce n'est pas possible d'avoir un thème comme ça, me plaignais-je.
- Je te dis que c'est un complot contre nous, rajoute Kim.
- Je te jure ! Le meurtre... Où je vais trouver l'inspiration ? Criais-je.
- Je peux peut-être t'aider.

Ce n'est pas possible. Ça ne peut pas être lui. Je me retourne vers cette voix que je pourrais reconnaître parmi une foule. Il est là, bien devant moi. Je m'approche de lui et commence à le toucher de peur qu'il ne disparaisse au contact de ma peau. Il est toujours là, en chair et en os.

- Tu peux arrêter de me peloter ? Ça devient gênant.
- Aaron !

Je lui saute littéralement au cou, une larme à l'œil. Mon rayon de soleil est venu éclairer ma vie obscure. Il est enfin revenu, sain et sauf. On me l'a enfin rendu. Ma lumière est enfin revenue des ténèbres.

Il y a trois ans, Aaron Kabish a décidé de laisser sa petite amie qui venait d'entamer sa dernière année de licence pour servir sa patrie. Il y a trois ans, moi, Céleste Arston a cru perdre sa moitié qu'elle avait trouvée cinq ans auparavant. À son départ pour l'armée, Aaron s'est promis de retrouver sa bien-aimée et j'ai commencé à chanter pour ne pas oublier son amour. Trois ans se sont écoulés et leur amour n'a pas changé. Mon amour n'a pas changé.

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