Fourre-tout

Moi, la Mort

J'aime beaucoup regarder les Simpson. Vous savez. Cette famille de bonhommes jaunes qui vit des histoires folles et tirées par les cheveux. Franchement, je les adore. Ils arrivent à se mettre dans des situations complètement bizarres mais c'est cela qui fait le charme de la série. J'aime surtout les épisodes spéciaux Halloween. Il y en a un qui m'a particulièrement marquée. C'est celui où Homer tue la Faucheuse et obtient l'un de ses bras squelettiques qui lui permet de tuer à sa guise en un seul toucher. Sur le moment, je trouvais ça tellement original mais extrêmement absurde comme idée. Je croyais que ce n'était que des conneries jusqu'à ce fameux événement.

Voilà ce que ma grand-mère m'a raconté : sur le chemin du retour d'un week-end en compagnie de mon père, nous avons été victime d'un accident de voiture spectaculaire selon elle. Ce jour-là, mon père qui était au volant, est mort sur le coup. Moi, j'étais à l'arrière, le bras coincé dans le métal plié de la voiture. D'après les secours sur place, il était impossible que mon bras gauche s'en sorte indemne de sa prison. Ils avaient déjà appelé l'hôpital pour préparer le bloc pour une imputation. Et pourtant... Il est sorti intact, sans la moindre égratignure, sans une goutte de sang. Ni les secours ni les médecin ne comprenaient comment c'était possible. Mais ce qui était plus étrange est que je ressentais une vive douleur dans mon bras. D'après grand-mère, j'en pleurais tellement je souffrais le martyre. Pour être sincère, je ne me souviens absolument de rien. Je ne souviens qu'à partir du début du calvaire. Quand tout ce que je touchais de la main gauche périssait sous mes yeux. Absolument tout. Végétaux comme êtres vivants.

Aujourd'hui, je peux éviter la catastrophe grâce à un gant qui recouvre tout mon bras. Je l'ai trouvé dans les affaires de mon père. Je me demande bien ce qu'il faisait avec ça. Je me souviens juste qu'il travaillait le soir. Maintenant je dois prétendre une maladie de la peau pour justifier mon port du gant. En quelque sorte, ce n'est pas un mensonge.

Avec mon « handicap », j'ai eu du mal à trouver un travail. Il n'y a qu'un endroit qui a bien voulu me prendre : le loueur de DVD. Ils cherchaient une personne pour travailler de nuit. Et moi, un boulot où je croise le moins de personnes possible. Tout le monde était gagnant dans cette histoire.

Ce soir, comme les autres soirs, la boutique est déserte. Rien. Pas un chat. Et c'est tant mieux pour moi.

Concentrée sur mon manga, la sonnette de la porte me fait sursauter. Je crois que mon cœur s'est arrêté de battre. Un client ! Par réflexe, je regarde mon bras. Je n'ai pas mon gant... Je panique ! Pourquoi je suis venue bosser sans mon gant ? Pourquoi a-t-il fallu que je le mette au lavage aujourd'hui ? Bon respire ! Tu ne vas pas le tuer. Tout va bien se passer. Concentre-toi juste pour ne pas le toucher.

Je porte mon attention sur le jeune homme qui vient d'entrer. Par politesse professionnelle, je le salue et reporte mon attention sur mon manga. Du moins j'essaie, en priant pour que mon cœur se calme. Impossible de me concentrer. Je décide alors d'examiner mon client discrètement. À vue d'œil, il doit avoir le même âge que moi ; soit dans la vingtaine. Il a le visage d'un mec sérieux, un peu dur, carré. Mais ce qui me frappe, c'est son aura de petit garçon innocent. Il y a le regard animé, amusé, enjoué. Je dois avouer que ce contraste me consterne un peu. J'ai l'impression que c'est un gamin coincé dans le corps d'un homme.

- Excusez-moi, m'interpelle-t-il. Vous avez Chucky ?

- Il est tout en bas du rayon.

- Je ne le vois pas.

- Vous en êtes sûr, demandé-je avant de le rejoindre.

Plus vite, je lui donne son DVD, plus vite il partira. Je me rapproche de lui tout en gardant mes distances. Je m'accroupis et commence à fouiller. Mais où est-il ? Je suis sûre que c'est là. Après quelques minutes de fouille, je le retrouve un peu plus loin. C'est-à-dire sur l'étagère d'à côté sur le rayon tout en bas. Je suis sûr que c'est Peter, mon collègue qui me précède qui n'a pas pris la peine des ranger les rayons. Il m'exaspère.