{6} Les ratés s'excusent.

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Dans les friches de Derry, 15 septembre 1958, 17 : 27


Eddie s'était endormi sur le rivage, exténué par sa dangereuse baignade tandis que Richie était retourné chercher ses affaires en haut du ravin avant de le rejoindre au pas de course. En descendant la colline qui surplombait la rive où ils s'étaient échoués, des petits cailloux blancs crissèrent et roulèrent sous ses baskets réveillant ainsi Eddie. Ce dernier releva la tête et lança d'une voix pâteuse.

- Richie, tu fait quoi ?

- J'étais partis chercher mes vêtements que j'avait laissé là haut avant de sauter dans l'eau. répondit-il en désignant le haut de l'immense ravin. Tu devrais voir l'état de mes lunettes j'ai pas nagé avec, mais elle sont quand même bousillées, j'ai plus qu'à leurs creuser une tombe.

- Hum...

Eddie marqua une pose et détourna le regard observant l'eau glacée s'écouler sur ses pieds avant d'ajouter timidement.

- Richie... Richie merci beaucoup, beaucoup, beaucoup d'avoir sauté pour venir me sauver. Sans toi je serais surement déjà mort et t'aurais put m'enterrer à coté de tes lunettes !

Emerveillé, le visage de Richie s'illumina et il se s'élança vers son ami en criant manquant de faire tomber ses lunettes une nouvelle fois.

- Ah enfin ! J'ai cru que que tu m'en voudrais à vie de t'avoir frappé.

- Ma mère t'en aurait probablement voulu plus que moi et plus longtemps, elle t'aurait harcelé jusqu'à ma mort et même après. Je paris qu'elle serait même allée cracher sur ta tombe! lança t-il railleusement avant de fendre avec lui d'un rire aigu.

- Mais... le coupa Richie. Eddie, qu'est ce que tu foutais derrière ce buisson?

Eddie visiblement gêné de voir que Richie se rappelait de se détail, inspira l'air d'un ton théâtral avant de commencer son récit.

- En fait, je t'ai suivit... avoua t-il honteusement. Tout à l'heure, maman dormait dans le salon et moi j'étais dans ma chambre. Je m'ennuyais à mourir, mais je ne pouvais pas sortir sans prendre le risque de la réveiller. Et puis, je t'ai vu marcher au bout de la rue par la fenêtre, alors je t'ai appelé. J'ai crié ton nom au moins quatre fois et tellement fort que je suis sûr que tout le quartier m'a entendu ! Tu ne m'as pas entendu, mais j'ai continué. Tu avais l'air si bizarre, tu te serais vu avec ton énorme sac, ton bout de bois et ta lampe torche, tu faisais tâche au milieu de la rue. Alors, je suis passé au dessus du rebord de la fenêtre et je me suis laissé tombé sur la véranda. J'ai presque risqué ma vie ! Le reste, c'était du gâteau, je me suis laissé glisser contre la vitre pour atterrir dans l'herbe, je t'ai suivit jusqu'au friches et je t'ai observé de derrière le buisson. Je voulais juste savoir ou tu allais et ce que tu faisais là-bas, habituellement quand on y va c'est ensemble ! Qu'est ce que tu faisais ici?

Il se tut et maintenu le regard vers Richie qui semblait redouter cette question.

À son tour, il prit une grande inspiration et lui expliqua tout en détail. Son étrange rêve qui paraissait ne pas en être un, le plan qu'il avait concocté toute la nuit, sa venue jusqu'au friches jusqu'à sa rencontre avec lui. Au fur et à mesure qu'il avançait dans son récit, les traits d'Eddie se crispèrent, et son teint sembla devenir blanchâtre. Quand Richie prononça le mot qui les faisaient tant frémir et qui pourtant ne contenait que deux petites lettres, un frisson les parcoururent et la chair de poule parsema leurs bras.

À la fin de ses explications les deux garçons eurent soudainement l'impression qu'ils grelotèrent et enfilèrent précipitamment leurs t-shirt à présent secs. Tandis qu'ils se rhabillèrent Richie se tourna vers son ami et murmura d'un ton réconfortant;

- Tu sais Eddie, mon rêve ce n'est qu'un rêve. Il n'est peut-être pas... pas prémonitoire.

-Peut-être... répondit-il . Mais il a quand même réussi à prédire que je tomberais dans l'eau.

- Oui, mais ce n'est peut-être qu'une coïncidence. lança t-il sans conviction.

Alors, tandis que le soleil déclinait derrière les arbres vertigineux qui entouraient toutes les friches, les deux garçons se rapprochèrent timidement l'un de l'autre cherchant du réconfort. Eddie posa délicatement sa tête sur l'épaule de Richie. Leurs mains se touchèrent et vinrent s'entrelacer comme pour se dire sans un mot qu'ils serait toujours là l'un pour l'autre. Surpris, Richie posa son regard sur Eddie qui rougit de pudeur puis lui chuchota à l'oreille.

- Si un jour Ça reviens, on sera prêt à l'accueillir. Il aura affaire au club des ratés et on le tuera une deuxième fois. Ensemble.

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