{4} Eddie Kaspbrak pète un plomb.

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Dans les friches de Derry, 15 septembre 1958, 17 : 17


Richie n'avait donc qu'une idée en tête; il voulait vérifier que son rêve n'était pas prémonitoire. Il l'avait trop troublé pour qu'il l'ignore. Son esprit était d'ailleurs si préoccupé qu'il ne prenait même pas attention au beau temps et à l'hospitalité de ce cadre végétal. 

Le paysage était exactement identique à son rêve et s'en était troublant de voir comment son esprit avait réussi a retranscrire cette partie des friches alors qu'il était presque sûr de ne jamais l'avoir exploré. Il en frissonna.

Un craquement se fit entendre dans son dos, Richie sursauta et porta se main à un gros bout de bois qu'il avait trouvé sur le chemin et pris soin d'emporter. Il se retourna machinalement et se rapprocha de l'endroit d'où provenait le bruit redressant ses lunettes  d'un mouvement de tête.
Brandissant le bout de bois mouillé de ses petits bras il inspira l'air à plein poumons et cria;

"Sus à l'ennemi ! "

Sautant en direction du buisson il abattit sa batte qui vint heurter une chose molle poussant un cris aiguë de douleur au moment du choc. Richie lâcha le baston à l'entente de la voix qu'il ne connaissait que trop bien. Celle du seul et unique, Eddie Kasprak.

"Oh merde, Eddie qu'est ce que tu fou ici ?"

Le pauvre garçon était recroquevillé dans la terre, la tête entre les jambes tenant son poignet tordu et ensanglanté. Ses jambes recroquevillées ainsi que ses bras étaient couverts de terre et d'égratignures plus ou moins profondes. Richie eue à peine le temps de proférer quelques mots d'excuses, que Eddie releva la tête d'un air grave et bondit sur ses jambes.

-Mais t'es malade Richie ! Qu'est ce qui te prend de faire ça?

-Je... Je croyais que tu étais Ç..

Richie marqua une pause, et se tut, jugeant bon de ne rien dire à Eddie à propos son étrange rêve et de la raison de son siège sur cette partie des friches.

-Je croyais que c'était...Henry Bower. Je pensais qu'il cherchait se venger de l'avoir insulté la dernière fois lorsqu'on s'est croisé sur Neibolt Street...

- Et bien bravo, c'est pas ce crétin que tu viens de frapper c'est moi ! Tu m'as sûrement cassé le poignet ! 

Exténué, il se laissa tomber au sol et palpa son poignet endolori, grinçant des dents tant la douleur était conséquente.

-Ma mère va me tuer ! D'ailleurs, si elle apprend que c'est toi qui m'a fait ça je ne donne pas chère de ta peau, elle serait prête à se rendre jusqu'à chez toi pour t'achever !

-Oh, mais ne vous inquiétez pas mon p'tit ! commença Richie en prenant une voix grave de celles qui figurait dans son large répertoire des voix à qui il n'avait pas encore donné de personnage. À présent je saurais comment l'accueillir !

Sur ces mots, il brandit de nouveau le bout de bois et fit mine de frapper  dans le vide comme s'il cherchait à se défendre de Mme Kaspbrak.

-Non ne m'attaquez pas Mme Kaspbrak ! Je vous en prie, laissez moi la vie sauve ! C'est pas moi qui est frappé votre petit Eddiechou, c'est la faute du bâton, il est très bagarreur et dissipé.

-Richie...

-Il mériterait une sacré correction moi je vois l'dit !

-Richie ce n'est pas...

-AU BÛCHER LE BÂTON ! AU BÛCHER ! criait-il à présent en faisant tournoyer le bout de bois dans les airs.

-RICHIE STOP ! C'EST PAS DROLE !

Le lunettes se figea immédiatement face au ton menaçant et presque effrayant qu'avait pris Eddie. Son visage était rouge de colère et de douleur, et ses yeux retenaient visiblement leurs larmes. Richie visiblement gêné se balança d'un pied à l'autre avant d'ajouter ce qui fut pour Eddie la remarque de trop.

-Qu'est ce que tu es coincé aujourd'hui... lança Richie dans sa barbe avant de se rendre compte que trop tard qu'il aurait mieux fait de se taire.

-MOI COINCE ! criait à présent Eddie larmoyant. TU OSES ME DIRE CA ALORS QUE TU M'AS LITTERALEMENT BROYE LE POIGNET ET QUE AU LIEU DE T'EXCUSER TU DANSES EN BALANÇANT CE PUTAIN DE BATON ! CE NEST PAS MOI QUI SUIS COINCE RICHIE, C'EST TOI QUI EST INCONSCIENT !

-Je suis désolé... Je...

-TU ES TOUJOURS DESOLE RICHIE ! MAIS TU RECOMMENCES A CHAQUE FOIS ET MOI J'ENCAISSE SANS RIEN DIRE !

Richie ne put répondre à cela tant ces reproches l'avaient touché. Il resta sans voix face à la violence des mots qu'Eddie avait utilisé, tant il se sentit profondément blessé, mais aussi choqué. C'était la première fois depuis longtemps que Richie voyait Eddie aussi dévasté de colère. Mais surtout, c'était la première fois que Richie voyait Eddie comme une personne à part entière et non comme un ami. Il le voyait accablé, blessé et triste. Eddie sembla alors si fragile et petit tel un bébé ayant retenu ses pleurs trop longtemps avant de craquer, laissant son ami et bourreau profondément déstabilisé. 

Pourtant, au fond de lui, Richie ressentait une étrange sensation, une sorte de courage qui le poussait à vouloir prendre Eddie dans ses bras et à le réconforter, l'invitant à poser sa tête sur une de ses épaules et à lui murmurer des paroles réconfortantes. 

Mais au lieu de cela, Richie ne bougea, trop paralysé  pour mettre ses pensées à exécution. Ses yeux vitreux lui renvoyait la silhouette d'Eddie s'éloignant peu à peu, passant sur le rebord du ravin. 

La suite des événements parut floue à Richie et l'incident sembla se dérouler au ralentit pourtant, cela ne durant que quelques infimes secondes.

Il vit Eddie trébucher bêtement sur une large racine sortie de terre, puis tomber, s'écroulant sur le rebord du ravin avant de disparaitre happé par le vide. 

Eddie tomba sous le regard impuissant de Richie.

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