Une cavalcade dans le couloir réveille Illiana. Aux bruits de pas s'ajoutent des murmures secs, puis Graham déboule dans sa chambre, une bougie à la flamme vacillante à la main.
- Debout, dépêche-toi ! grogne-t-il en la voyant éveillée. On vous donnera les consignes en bas.
L'elfe s'exécute et descend les marches avec une dizaine d'autres esclaves à la mine ensommeillée. Au rez-de-chaussée, elle comprend rapidement la raison de toute cette agitation. Un groupe de soldats vient d'arriver à la forteresse, et ils ne sont visiblement pas en bon état. Pour débarquer ainsi au milieu de la nuit, ils ont probablement dû se replier après une défaite. Tandis qu'elle transporte des seaux d'eau entre les blessés dans la grande salle convertie en infirmerie, son cœur hésite entre la souffrance des hommes et sa propre euphorie face à la victoire des siens.
Sa joie s'efface brusquement quand elle aperçoit la Dame du Fort user de ses dons pour soigner les plus gravement atteints. Ses yeux sont remplis de tristesse tandis qu'elle recoud peau et muscle. Illiana perçoit presque son déchirement quand elle passe d'un lit de fortune à un autre. Elle ne pourra pas tous les sauver, c'est une évidence.
La Lune poursuit sa course, cède la place au Soleil, et peu à peu l'agitation qui règne dans la forteresse s'apaise. La plupart des blessés se sont endormis et Illiana prend le temps de souffler en ramenant un nouveau chargement d'eau. Du coin de l'œil, elle voit la magicienne vaciller en se relevant du chevet d'un énième soldat. L'elfe ne réfléchit pas et agit d'instinct. En trois pas, elle est près d'elle et la soutient, lui évitant de chuter sur son patient.
La jeune fille est blanche, elle a d'énormes cernes sous les yeux qu'elle ferme en s'appuyant sur l'elfe.
- Illiana... gémit-elle doucement.
- Je pense que vous feriez mieux de vous reposer, Ma Dame, l'interrompt une voix.L'elfe relève les yeux et croise le regard d'Oriane qui s'est également approchée.
- Non... Je dois les aider... proteste la noble.
- Avec tout mon respect, Ma Dame, vous tenez à peine debout, prononce la femme en armure à mi-voix. Il faut que vous vous reposiez, les hommes restant ont besoin de vous en pleine forme.Sans attendre de réponses, elle dégage sa maîtresse des bras de l'elfe et la jeune femme s'appuie sur elle. D'un mouvement du menton, Oriane renvoie Illiana qui s'exécute en serrant les dents, retournant auprès de la cheminée pour surveiller l'eau qui doit bouillir pour laver les bandages. Elle voit les deux femmes quitter lentement la pièce, la Dame du Fort s'appuyant lourdement sur sa garde du corps.
La journée passe et Illiana reprend ses tâches quotidiennes. L'arrivée des soldats a bouleversé la routine des esclaves, qui ont été répartis de manière à compenser l'afflux de monde. Plus en cuisine et à la lingerie, moins à l'entretien. C'est donc seule qu'Illiana remplit les réserves de bois du corps principal. Elle atteint les appartements seigneuriaux et trouve Oriane en train de sortir. La voyant approcher, la femme soldat attend qu'elle arrive pour lui demander :
- Tu as bientôt fini ta tournée ?
- Il ne me reste que les appartements de la Dame à faire, maîtresse, répond prudemment l'elfe.
- Bien, tu m'apporteras donc de quoi dîner une fois que tu auras terminé, ordonne la femme. Et ne fais pas de bruit en entrant dans la chambre, Dame Gwendolyne se repose.
- Oui, maîtresse, acquiesce Illiana.
Elle exécute sa tâche en silence, sous l'œil attentif d'Oriane, installée dans le salon. C'est la première fois que l'elfe la voit porter autre chose que sa lourde armure de plaques. L'ensemble de cuir et de maillons métalliques qu'elle porte la rend moins imposante, mais plus agile et elle se déplace plus silencieusement, même si l'ouïe sensible de la prisonnière lui permet d'entendre le cliquetis provoqué par sa respiration.
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Destinées
FantasyElle est seule dans le noir, avec le bruit de ses sanglots et l'odeur de son propre sang. Elle est seule dans la lumière, avec le goût amer de son impuissance et le sol froid sous ses pieds. À l'heure où les épées et la magie écrivent une page de l'...