Numéro 12 & 13

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"Chère lectrice, cher lecteur, laissez moi vous compter une histoire. Elle n'est guère longue, alors bonne lecture. D'ailleurs ne me demandez pas comment je peux connaître tout ce qui va suivre."

Les vacances de la Toussaint viennent de se terminer, et évidemment, tous veulent fêter la fin des examens blancs. L'idée d'une soirée me fait jubiler. En effet, passer du temps avec mes amis à boire, fumer, déranger les voisins, ou même juste rien faire, c'est cela dont j'ai besoin. Mais voilà, il faut que l'anniversaire de mon frère tombe le même jour.

Je me réveille le corps endolori. En cherchant des habits pour ne pas rester nu éternellement, je trouve une bouteille de vodka. Merde. Cela signifie que j'ai dû passer une excellente soirée hier. J'étouffe en me levant, et ma respiration devient haletante. Qu'est-ce que j'ai encore foutu ? Toujours dans ma chambre, je ne sais quoi faire. Je n'ai pas le choix, obligé de me dépêcher pour aller jouer, les automatismes se réveillent en retard : se lever, s'habiller, se diriger vers la salle de bain, s'asperger d'eau pour se réveiller définitivement, et ensuite, descendre manger.

Depuis mes douze ans on me répète que je ne suis qu'un adolescent, un petit rebel, avec trois poils se battant en duel sur le menton. Mais, honnêtement, même si j'ai un caractère un peu pourri, il n'y a que moi pour avoir une famille aussi... originale ! Le vieux totalement dérangé dans sa tête, à me rappeler ses préceptes de l'époque des dinosaures. Ma mère qui ne mange presque pas, sauf quand on lui parle de la famine dans les pays pauvres d'Afrique. Et puis, je crois qu'elle est également une nudiste endurcie. Le frère qui est simplement un petit frère, très petit même. Ce qui implique qu'il tient à merveille son rôle : têtu, collant, et tout le reste. Un petit frère plein d'amour pour moi. Je rigole. Il y en a encore plein d'autres mais je n'ai aucune envie de les évoquer.

Je suis dans le salon. Il fait beau. Devant la Playstation, il est impossible que je sois attentif à ce qui m'entoure. Et c'est au moment où je commence à me détendre que mes parents prononcent les mots interdits.

- Tu t'occupes de ton frère, et puis range tes babioles aussi. Aller, amusez-vous les enfants. Gaëtan ? Nous reviendrons à temps pour fêter ton anniversaire. Et toi, sois gentil avec ton petit frère !

La porte d'entrée claqua. Dorénavant je suis seul avec l'autre.

Il me semble que je jouais depuis quelques heures déjà, du moins avant de me rendre compte que Gaëtan avait disparu. Je pose la manette, éteins la télévision et range le disque du jeu vidéo dans le placard des DVD. Il fait toujours aussi chaud, et mon corps dû m'entendre car il se réchauffa pour laisser des gouttes de sueur couler. Je suis toujours en pyjama. Quelle poisse! J'ai déchiré mon T-shirt au niveau du coude, sans doute à cause des frottements continuels contre le cuir du fauteuil. Je décide d'aller chercher mon idiot de frère.

Après avoir fouillé partout je me met à grogner. Le salon est vide, tout comme les autres pièces de la maison. Étrange. Je me met à crier son prénom, de plus en plus fort. Aucun réponse. Mais où est-il ? Soudain une pensée me vint. Suite à cet éclair de génie, je décide de barir. C'est stupide, le frangin adore les imitations d'animaux. Ne percevant toujours aucune activité je me met à miauler, puis à aboyer, et ensuite à rugir.

- Bon. Cela devient franchement pénible. Où es-tu Gaëtan? Gaëtan ? Sors de ta cachette !

Je sens la colère monter en moi. Il m'énerve ce merdeux ! Je hurle.

Après trois minutes passées, d'après l'horloge en face de moi, je me calme, et m'assois dans le salon. Je ne l'ai pas trouvé. Sans que je sache pourquoi mon sentiment de colère s'estompe, laissant sa place à de la peur. Où est-il ? Ce qui va suivre se déroule en une dizaine de minutes.

Première minute : Un bruit retenti au dessus de moi. Je marche en direction de l'escalier pour aller voir ce que c'était. Mais je réalise tous mes mouvements avec un calme qui m'est inconnu.

Deuxième minute : Je n'entends absolument rien. Quel abruti ! Ce devait simplement être un courant d'air, ou un objet en équilibre qui a finalement cédé sous la gravité.

- D'accord, j'ai compris. Tu es sorti voir tes potes. Tu aurais dû me prévenir que tu allais dehors avec le boutonneux et le binoclard !

Je parlais fort, comme si le monde entier devait m'entendre. Je savais pourtant qu'il n'était pas dans la maison.

Troisième minute : Une fois le premier étage descendu je commence à avoir envie d'un gros cookie, sublimé de pépites aux trois chocolats. Je salive et me dirige vers la cuisine.

Quatrième minute : La chaleur devient de plus en plus insoutenable. Cependant ce n'est pas la température élevée qui m'empêche de respirer. Devant moi, un cookie. Paralysé, je ne peux qu'observer la friandise.

Cinquième minute : Je m'écroule, essoufflé. Pourtant il ne s'est rien passé de spécial, j'ai juste vu mon cookie. Je m'approche en me cognant l'épaule contre le mur gauche. Arrivé à deux pas de la table, je me stoppe. Il fait chaud, et moi, je ressens un froid s'abattre sur mon corps. Les yeux écarquillés, les mains tremblantes, le visage blême dans le miroir d'en face, je ne peux pas y croire. Ce n'est pas un cookie... c'est un doigt !

Sixième minute : Je n'arrive pas à parler, et surtout à hurler. Je m'écroule sur le carrelage, évanoui.

- Debout !

Septième minute : J'ouvre les yeux et redresse la tête. Une minute venait de s'écouler. Impossible de me relever. Ramper vers le salon me semble être une bonne idée ; mon téléphone y est. Je pense à appeler les vieux.

Huitième minute : Je termine pour la énième fois dans la pièce que je préfère. Devant, moi mes parents. Derrière eux mon petit frère. Pourquoi je ne vois pas correctement ? Je dépose les doigts sur mes paupières et, me semblant gonflées, je comprend qu'elles sont énormes, toutes grosses même.

Neuvième minute : Je ne sais quoi faire, alors s'approcher doit être un réflexe normal. Pourtant je regrette immédiatement ce mouvement. Toujours devant moi, mes parents, chacun ayant un cookie dans une main, et dans l'autre quelque chose de long et brun, une sorte de bâton en bois. Une hache !

- Salut toi.

Ils me regardent. Je ne peux plus bouger. Encore ! En s'approchant avec une lenteur inquiétante, ils me dévoilent un paysage horrible. Accroché au canapé, mon frère est tout souriant. Je dois rêver, parce que malgré mes yeux en mauvais état je vois tout. Il a le ventre ouvert en deux, les boyaux se baladent, tenant la main aux autres organes. Les murs sont rouges, tout comme mon petit frère. J'ai envie de vomir. C'est horrible !

- Mais... pourquoi ? Pourquoi ? C'est une blague, n'est-ce pas ? Papa ? Maman ? Gaëtan !

Dixième minute : Tout se passa très vite : un pas devant moi, puis un mot déplacé de ma part et un regard doux de ma mère. Deux haches se lèvent et embrassent la chair du nouveau cadavre.

- Pourquoi ? Mais c'est très simple. Ton frère et toi, nous vous aimions. Mais c'était il y a encore quelques années. Vous avez finis par nous ennuyer. Alors adieu.

"Chère lectrice, cher lecteur, je plains ces pauvres enfants. Je ne sais toujours pas si c'est moi qui ai tout inventé ou si je savais exactement ce qu'il pensait. Ô mon bon seigneur. Pourquoi diable leur avoir donné un père comme moi ?"

Plume NoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant