Ce sont deux vieux anglais qui ont acheté ta maison. Ils sont blancs comme le linge, ils se baladent avec un bob sur la tête dans leur jardin, ils font des barbecues qui font une fumée de malade et qui envahit tout le quartier, je me demande comment est-ce possible que leurs saucisses soient encore mangeables tellement elles doivent être carbonisées. Ton nom sur la boîte aux lettres à été remplacé par le leur, Smith je crois bien. ils ont repeint les volets bordeaux de ta chambre en un vert atrocement moche. Ils ont dégagé ton trampoline, on passait notre temps à sauter dessus...
Bref, c'est plus pareil qu'avant.
On est voisin depuis tout petit et comme ça du jour au lendemain tout a changé.Je rentre tout seul du lycée depuis que tu n'es plus là. Je prends mon vélo car ça va plus vite et que je ne peux pas supporter faire le trajet seul alors qu'on était habitué à le faire ensemble.
Quand on était petit je te considérais comme mon meilleur voisin. On espionnait la voisine d'en face avec les jumelles de mon père, on la voyait cuisiner, repasser son linge, regarder la télévision, c'était comme si l'on connaissait sa vie mieux que personne.
Oh et puis on faisait des heures de trampoline dans ton jardin, je passais au dessous du grillage au fond du jardin pour te rejoindre, j'étais couvert de terre et il m'est arrivé mintes fois trouer mes vêtements car ils s'accrochaient au grillage.
On avait même fait une cabane avec des branches trouver dans la forêt d'à côté, j'avoue que la cabane était minuscule et on ne pouvait même pas loger à deux, les branches nous tombaient dessus, ce n'a pas été une grande réussite.Nous avons grandi et nous bronzions sur les transats sur ma terrasse pendant les vacances d'été où la ville était déserte. On piquait une tête dans la piscine et on buvait de la limonade jusqu'en avoir mal au ventre. Je ne sais pas pourquoi mais on avait cette passion pour la limonade, c'est dingue !
Tous ça n'existe plus, c'était le bon vieux temps.Le jour de ton accident, c'était un samedi, j'ai vu ta voiture sortir du garage, je vous ai vu monter dans la voiture toi et tes parents, je m'ennuyais à mourrir et je regardais les passants dans la rue par ma fenêtre. Je ne me suis pas douté un seul instant que ça serai la dernière fois que je te verrai...
Je ne vous ai pas vu rentrer de toute la journée, je trouvais cela étrange mais je me suis dit que vous dormiez peut-être autrepart, je ne me suis pas inquiété pour autant et je me suis couché sereinement sans me poser de questions.
Le lendemain matin, en me reveillant j'ai trouvé ma sœur Juliette sur le canapé en pleur. J'ai tout d'abord cru que son copain l'avait quitté. Elle avait le téléphone fixe de la maison posé sur la table basse devant elle et après quelques secondes de réflexion, je me suis dit que son copain n'aurait pas rompu en appelant sur le fixe.
Je lui ai donc demandé ce qu'il se passait, j'avais un mauvais présentiment."- C'est les voisins... La famille Joniard... " Elle sanglotait et n'arrivait pas à aligner plus de deux mots dans ses phrases.
Je me suis tout de suite inquiété.
J'ai repensé à ta voiture que je n'avais pas vu rentrer hier soir.
M'attendant à une mauvaise nouvelle je me suis assis dans le fauteil."- Quoi ?" Lui dis-je dans la précipitation.
Elle n'a pas répondu tout de suite, elle essayait de se calmer.
Là, j'ai vraiment paniqué.
" QUOI ? Repond-moi Juliette ! S'il te plait !" J'ai crié.
Elle a prit une grande inspiration et m'a dit en sanglots :
" Ils ont eu un accident de voiture hier... Ils sont morts..."C'est à ce moment précis que ma tête a commencée à tourner. J'ai perdu le contrôle de mon cerveau. J'ai éclaté en sanglots.
J'ai courru hors de la maison, courru pendant des heures et des heures dans la forêt jusqu'à ne plus en pouvoir, j'avais mal partout, je ne pouvais plus faire un pas de plus. Je me faisais mal physiquement pour aléger ma douleur mental.
C'était une façon d'évacuer la haine et la fureur qui était en moi.
J'avais d'insoutenable courbatures mais j'ai continué à courrir tous les jours suivant. J'ai fait et refait le même parcour. J'avais de plus en plus mal de jour en jour. Je me punissais moi-même pour quelque chose qui n'était pas dû à moi.À présent je ne peux plus mettre un pied dans cette forêt sinon je me souviens de tout, des images me reviennent en tête, je pleure sans fin et ça me donne des migraines affreuses.
J'ai envie que tout ça soit un cauchemar Corentin, j'ai envie de me réveiller dans mon lit au milieu de la nuit, de me lever, de regarder par la fenêtre et voir ta voiture garer devant le garage. J'ai envie que toute cette tristesse redescende, parte au dehors de mon corps, me laisse en paix en bonne fois pour toute.
Corentin, je voudrais tellement que tu sois en classe avec nous, que tu comble cette place continuellement vide au fond de la classe, que tu arrives en retard, que tu nous fasse rire, que tu sois là, avec nous...
Tu étais quelqu'un de fantastique, tu nous manques, paix à ton âme.
Isaac
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26 mots pour toi Corentin...
Novela JuvenilAprès la mort de Corentin ses 26 camarades de classes lui écrivent ce qu'ils ont toujours voulu lui dire.