Chapitre 5 : Catherine

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2 novembre 1942, La Pache (France)

Mes pieds écrasent la terre molle du sentier du bois. Ce chemin reliant Ceyssac et le Puy en Velay a été construit un peu avant la Grande Guerre. Je l'emprunte presque tous les jours depuis deux mois. Du mardi au vendredi, c'est pour le travail. Le week-end, c'est pour les courses. Aujourd'hui c'est pour les deux. Dans mon sac en toile se cachent les tickets de rationnement et les cartes d'identité qui vont avec. Celles de ma famille, de ma collègue et de sa nièce. Ma soeur Simone fête ses quinze ans dans deux jours et j'aimerai pouvoir faire un gâteau. Pour cela il me faudrait du sucre et de la farine J'attends depuis trois semaines la venue du sucre. Comme nous sommes en campagne, nous ne sommes pas les premiers servis. J'espère quand même en avoir cent grammes pour le premier trimestre qui vient de commencer.

Je regarde ce qui m'entoure. Des champignons, du Tilleul, des noisettes, des noix. Je ramasse de nombreuses châtaignes, j'en ferai des confitures.

Je sors l'encyclopédie sur les champignons de mon sac. Je feuillette jusqu'à trouver le dessin de celui qui se trouve devant moi. Je soupire de joie. L'Hypholome en touffe. Il est comestible. Très amer mais comestible. Je vais les cueillir et nous verrons bien ce que je peux en faire.

Je regarde un peu au loin et trouve dix merveilleux champignons comestibles dont le goût est tout à fait acceptable.

Je sors un mouchoir et l'accroche à la branche de l'arbre le plus proche. Je les cueillerai à mon retour. Je me hâte de reprendre mon chemin. Il ne faut pas que je sois en retard. Le sucre et la farine sont livrés aujourd'hui, ainsi, avec une collègue nous allons interchanger nos places. Je m'occupe de faire la queue jusqu'à onze heures et demi puis c'est elle qui me remplace afin que je travaille l'après-midi. Ça m'arrange. Les Allemands sont généralement plus bavards le matin que le soir. Comme ils seront devant le magasin pour notre « sécurité », je pourrai écouter leurs conversations.

Je remonte mes jupons lorsque j'arrive vers la petite colline marquant la fin du bois. Avec précaution je la descends. Il ne manquerait plus que je glisse les fesses la première et que je me salisse ma tenue préférée ! Quelle horreur !

Je traverse la grande route et arrive dans la rue de Pannessac. Je claque mes chaussures de bois contre le rebord du trottoir. La boue va rejoindre le petit tas que j'ai déjà fait hier. J'accélère le pas. Il est six heures et demi du matin et je suis en retard.

Plus je m'approche de la place de la mairie, plus je remarque le nombre impressionnant de personnes qui attendent devant le magasin. Je longe cette file et vais me placer derrière tout le monde. Le magasin n'est pourtant pas encore ouvert. Je sais que les premiers attendent depuis hier soir. Peut être que la prochaine fois je resterai la nuit. Seulement, qui s'occuperait du dîner ? Simone ? Ma soeur cadette est certes la plus vieille mais surement pas la plus responsable. Elle serait capable de laisser le gant de cuisine près du feu de la cuisinière. Il vaut mieux éviter d'incendier la maison. Nicole, elle, ne voudra jamais être en charge d'autres corvées que les siennes. Aliette et Monique sont trop petites pour manier des poêles. Peut-être que maman pourrait bien me remplacer le temps d'un repas ? Je demanderai. Il n'y a que très peu de chances de recevoir une réponse positive mais qui ne tente rien n'a rien.

Je quitte mes pensées lorsque j'entends la femme de devant me dire :

— Pauvres de nous Catherine ! Nous en avons encore pour des heures ! La farine est arrivée hier mais le sucre n'a pas encore été livré !

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 17, 2021 ⏰

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