10 Mai 1940, Cambridge (Royaume Uni)
Catherine regardait dehors, la tête posée contre la fenêtre. Tout était plus intéressant derrière cette vitre. En même temps, les cours de Miss Angela n'étaient pas réputés pour l'être.
Cette professeure d'Histoire était reconnue pour sa gentillesse. Prenant toutes les filles du pensionnat pour les siennes, Miss Angela avait toujours un mot gentil pour chacune.
Bien qu'elle soit aimée et respectée, ses leçons étaient un enfer pour une adolescente de quatorze ans, ayant des rêves pleins les yeux.
Pour Catherine, l'Histoire avec un grand H n'avait aucun intérêt. Le nom des rois, des batailles et leurs dates étaient, selon elle, inintéressants et empêchaient les enfants de rêver.
Elle s'amusa à regarder une pie creuser dans le chêne préféré de Madame Valdron, la «peau de vache».
— Marie Stuart est une reine du royaume d'Écosse, récita Erin, la première de la classe. Elle est la fille du roi Jacques V d'Écosse et de Marie de Lorraine. Son destin fut scellé à l'âge de six jours, lors de son couronnement, continua-t-elle.
L'adolescente n'écoutait déjà plus.
Catherine ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel en voyant Erin sourire de toutes ses dents en s'asseyant, la satisfaction plein les yeux, d'avoir prouvé qu'elle était bien allée à la bibliothèque hier après midi.
— Très bien, Mademoiselle Erin, complimenta la professeure. J'espère que vous avez toutes bien pris des notes. Vous pouvez sortir. Je vous rappelle de ne pas courir dans les couloirs.
Les jeunes filles hochèrent la tête toutes en même temps. Catherine rangea, tout comme ses amies, son cahier et son manuel d'Histoire.
Contrairement aux autres écoles et pensionnats, l'établissement pour jeunes filles de Cambridge, était assez moderne pour son époque. En effet, ce n'était pas les enseignantes qui se déplaçaient de salles en salles, mais les élèves. C'est ainsi que Miss Angela demanda à Catherine de la voir.
Le coeur de la jeune fille s'était accéléré : peut être que sa professeure lui annoncerait qu'elle était une descendante de cette Marie Stuart ?
Elle s'imagina alors, une couronne sur la tête, ses petites sœurs à ses côtés et son père l'annonçant reine devant une foule d'Écossais, en kilt et tenant des cornemuses à la main.
Catherine Stuart. N'etait-ce pas un nom qui lui irait bien ?
Enfin, je vais devenir l'une de ces princesses avec leurs princes charmants ! Cette insupportable Erin se mordra bien les doigts de n'avoir pas été gentille avec moi ! Se dit-elle.
— Mademoiselle Catherine, êtes vous avec moi ? interrompit l'enseignante, agacée.
— Oui, Madame.
— Bien, je voulais vous offrir ces livres.
Madame Angela lui donna quatre livres en anglais, ceux de Jane Austen qu'elle adorait: Orgueil et Préjugés, Emma, Mansfiel Park et Persuasion.
Catherine fut déçue.
Ce ne sera pas pour aujourd'hui, les aventures, se consola t-elle.
— Puissent-ils vous réconforter dans les moments les plus durs.
— Merci Madame. Je les garderai précieusement. Je vous en fais le serment.
— J'en suis heureuse.
L'enseignante se leva, contourna le bureau et embrassa le front de la jeune fille blonde aux yeux verts.
— La directrice vous attend dans son bureau.
Le coeur de Catherine s'accéléra à nouveau. Seulement, ce n'était pas d'excitation que son corps tremblait mais de peur.
Elle fouilla au plus profond de sa mémoire. Elle n'avait pourtant rien fait méritant des reproches. Elle parcourut les longs couloirs baroques avec des interrogations plein la tête.
En arrivant devant la porte, l'adolescente refit son chignon pour se donner de la contenance, essuya ses mains moites sur sa jupe et compta jusqu'à dix. La porte, cependant, s'ouvrit sans son initiative. Deux autres pensionnaires en sortirent, les yeux rouges de larmes.
Catherine les reconnut tout de suite: comme elle, les deux filles venaient de France; elles étaient sœurs.
— Justine ! Margaux ! Comment allez-vous ?
— Catherine ! C'est horrible !
Les pensionnaires furent arrêtées dans leur discussion par la voix grave de Madame Valdron:
— Mademoiselle Catherine, entrez et asseyez-vous.
Les deux sœurs serrèrent les mains de leur compatriote et partirent dans le couloir menant aux chambres.
Cela n'annonçait rien de bon.
La française expira tout l'air de ses poumons et passa le seuil du bureau.
8 décembre 1941, Charleston (Etats-Unis)
"U.S. DECLARES STATE OF WAR. One Battleship Lost, 1,500 Killed In Hawaii"
Les journaux ne parlent que de l'entrée en Guerre des Etats Unis. Du nord au sud, de la côte ouest à la côte est du pays. Les rêveurs ont déjà préparé leurs affaires. Ils ne sont pas encore partis, qu'ils s'imaginent déjà rentrer en héros chez eux.
Ayden, lui, ne se sent pas concerné. Sa mère occupe toutes ses pensées.
La veille, alors que Caroline Collin prenait son café, la radio avait annoncé une attaque des Japonais sur la base navale américaine de Pearl Harbor, à Hawaï. "Le cuirassé USS Arizona, un bateau de la base, a explosé. On compte 1100 hommes et 40 officiers morts sur le coup" avait annoncé la voix un peu grésillante du journaliste.
Peter Junior, le fils aîné de la famille Collin, était en exercice sur ce bateau depuis trois ans. La probabilité qu'il ait échappé à cette catastrophe était inexistante.
Caroline, en choc émotionnel sûrement, niait les faits. Son "poisson" ne pouvait mourir de cette façon. Elle répétait à qui voulait l'entendre que son garçon lui enverrait une lettre, affirmant qu'il était dans la meilleure des formes.
Ayden, lui, s'empêchait de ressentir quelque chose. S'il y pensait, la rage l'emporterait. Sa mère avait besoin de lui et c'était tout.
— Regarde, Ayden ! Nous sommes entrés en Guerre ! S'exclama Jonathan, son petit frère de sept ans.
L'étudiant aux cheveux châtains et au regard aussi noirs que la nuit, ne tourna même pas les yeux vers Jonathan, ce n'était pas sa priorité et sûrement pas une nouvelle dont il fallait se réjouir.
Ayden ne réalisait pas encore l'impact de cette déclaration. Contrairement à son frère, il n'avait pas choisi la voie militaire mais étudiait l'architecture: il n'était donc pas sur les listes des mobilisés.
Le jeune garçon ne se doutait pas un seul instant, que lorsque son père demanderait à lui parler, il devrait abandonner ses études et aller défendre son pays.
Peter Collin saurait trouver les bons mots pour que son fils parte défendre l'honneur des États-Unis à sa place.
Le connaissant, Peter Senior savait quels arguments donnés par les journaux le convaincraient. Ayden ne pourrait résister à l'envie de venger les morts de Pearl Harbor et de rendre sa mère fière de lui.
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Grâce à la guerre
Historical Fiction10 mai 1940, les allemands attaquent la France. Catherine se trouve alors dans un pensionnat en Angleterre. Elle ne se doute pas de ce qui va frapper son monde. 8 décembre 1941, les Etats-Unis commencent à se battre dans le Pacifique. Ayden n'est...