Chapitre 4: Ayden

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21 février 1943, Londres (Angleterre)

L'atterrissage est plus que bienvenu. Je ne crois pas que j'aurai pu supporter une autre plainte du rouquin. En plus de parler pour ne rien dire, Asa est malade en avion. Je vous laisse deviner l'odeur que nous avons tous dû supporter pendant les treize heures de voyage. Lorsque la porte s'ouvre sur l'aérodrome, je me précipite sur la terre ferme. J'ai bien aimé admirer les villes du ciel mais l'étendue d'eau qui suivit fut terriblement ennuyante ! Une fois que j'ai assez respiré l'air frais d'Angleterre, je me redresse et replace mon sac sur le dos.

Nous sommes accueillis par le général Eisenhower.

Les dix membres de notre unité me rejoignent et d'un geste maîtrisé, nous levons chacun notre bras pour venir toucher notre front avec la main à l'horizontal. Simon, étant notre supérieur hiérarchique par son statut de Major, est le premier à s'approcher d'Eisenhower et ils s'échangent quelques paroles. Le général lui sourit et s'approche du groupe que nous formons. J'ai l'impression qu'il nous regarde tels des morceaux de poisson au marché du dimanche sur le port de Charleston. C'est donc ce que ressentent les crabes vivants lorsque les femmes vont vont chez le poissonnier ? Est-ce que je vais connaître le même destin: mourir ébouillanté ?

Non non... Je suis un soldat américain, je suis protégé par mon pays. De plus, je suis en Angleterre, pays qui protège correctement ses citoyens et ses visiteurs. Je ne risque pas de mettre ma vie en danger ici.

— Bien. Je vous souhaite la bienvenue à Londres. Vous n'y resterez qu'une seule nuit. Demain, à vingt trois heures, vous décollerez à nouveau. Cette fois-ci, votre destination sera la France.

Nous échangeons tous un regard. Seul Simon ne semble pas atteint par la nouvelle. Son regard fixe le ciel aussi sombre que les abîmes de l'enfer.

La France... un pays qui me paraît si loin, si inaccessible, si féerique...

Si occupé par les allemands...

Comme si des tas de photos se superposaient dans ma tête, je revois les nombreux journaux annonçant le déroulement de la guerre en Europe parmi ces Unes, je m'en rappelle d'une en particulier : la France capitule face au Reich. Comment avais-je pu oublier ? Finalement, je vais peut être finir comme un crabe: mort loin de chez moi. Mon dieu. Je vais mourir. J'ai beau avoir reçu un entraînement adapté, je ne suis pas soldat. Je n'ai pas l'étoffe  d'un héros.

Quelle mouche m'a piqué pour que je prenne la place de mon père ? Dire que je pourrais être tranquillement en cours d'architecture...

Je suis beaucoup trop jeune pour mourir. Je pensais être sauf lorsque j'avais été assigné à l'Angleterre...

"Plus tu y penseras, plus tu démotiveras les troupes, plus les erreurs seront nombreuses, alors oui tu finiras entre quatre planches."

Je reprends contenance en regardant droit devant moi, en souriant et en répétant plusieurs fois un mouvement relaxant. Ce geste, je le fais depuis que j'ai compris que jamais mon père ne m'accepterait comme j'étais et que je devrais supporter ses remarques désagréables encore longtemps.

Ce geste me vient de mon frère aîné qui le répétait dès que l'angoisse le prenait. À l'époque, je trouvais ça étrange qu'à chaque fois qu'il avait peur il tapotait de son pouce les premières phalanges des quatre autre doigts. J'ai testé sa technique lors d'une énième colère de mon paternel à mon encontre et miracle ! J'avais arrêté de trembler et mon père s'était tu.

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