Prince charming

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Quand j'étais petite, je passais la matinée à l'école à rêver de l'après midi. Cette période hors du temps qui me propulsait dans un monde charmant.  Celle où j'allais rejoindre mamie. Où je prenais la moitié du canapé. La moitié de la journée. Enveloppée dans un plaid comme dans un cocon de douceur, je fixais sans relâche cette boite plus grande que moi. J'attendais avec impatience le célèbre "Il était une fois" qui donnait naissance à des étoiles dans mon regard. Je me mettais à leur place, tournoyait avec ma robe. Les animaux parlaient, les oiseaux chantaient. Je m'évadais. L'enfance, l'innocence. Le début de l'existence. Un filtre qui rend tout plus beau. Comme si nos petits yeux sélectionnaient inconsciemment et ne gardaient que le plus important. Tout était bercé par une douce lueur. La lueur de l'amour, la lueur du bonheur.

Les princesses aux joues colorées, aux silhouettes affinées et aux cheveux épais dansaient. Elles étaient toutes plus belles les unes que les autres. Quand je ne savais ni dessiner ni colorier. La couleur étaient dans leurs yeux pétillants. Quand je ne savais ni lire ni écrire elles racontaient des histoires en boucle et lisaient des lettres parfumées. Elles étaient amies avec la Terre entière quand je peinais à aller vers le groupe de filles de ma classe. Elles étaient tout ce que je n'étais pas. Fausses, irréelles, parfaites...

Elles attendaient un prince. Le moment où leur vie commencerait. Car elles ne comptent que lorsqu'elles sont dépendantes de quelqu'un. Lorsque cette même personne les trouvent belles, veut bien d'elles. Elles se dirigent vers le premier venu. On les voit cuisiner, se marier, faire des enfants mais surtout chanter, danser. Alors tout cela nous paraît normal car elles sont heureuses. Semblent heureuses.

Moi j'attendais cet homme. Le genre grand, cheveux bruns, au regard ténébreux. Un peu inaccessible, qui ne se laisse pas faire. Le bad boy un peu. Vous me direz que c'est un cliché, que c'est trop stéréotypé. La vérité c'est que presque toutes les femmes sont comme moi. Elles rêvent de ça. Elles espèrent. En trouver un, le rendre meilleur, qu'il leur promettent des tas de choses, qu'elles se sentent indispensables puis qu'à la fin de toute cette histoire il se pose avec elle et vivent heureux.

L'être humain n'aime pas la simplicité. Je commence à me dire même qu'il aime souffrir. Parce que ça n'est pas le bonheur. Être un jour aimée, le lendemain rejetée. Être rassurée par des belles paroles qui n'ont aucune suite. Se sentir belle à travers ses yeux alors qu'il regardent toutes les autres de la même manière. Chercher les mots pour apaiser ses craintes même lorsque ça ne suffit plus. Se remettre en question. Se voiler la face.
C'est l'ascenseur émotionnel. Un coup trop fort, trop haut, trop beau. Passion. Se sentir vivante. Un coup le vide. Morte. Avoir ce sentiment d'aimer comme personne ne l'a jamais fait. Entendre qu'on est la seule, que c'est pour la vie. Se prendre pour une sauveuse mais se détruire peu à peu. À croire que pour rendre les autres heureux on peut se sentir mal de temps en temps.

Ça a duré si peu longtemps. Assez pour me faire douter. De moi. De la vie. Pour me réveiller pendant la nuit. Pour m'avoir emporté, m'avoir fait espérer.
Et puis ça c'est arrêté. Le temps a passé. Je me suis détachée, comme libérée. J''ai retrouvé goût au bonheur, à la vie. J'ai souri. J'ai appris surtout. Que le bonheur c'est pas un jour sur deux. Que les belles paroles ne valent rien. Que il y a dans ce monde la possibilité d'être heureux mais que pour ça il faut s'entourer des bonnes personnes. Ne pas refaire les mêmes erreur et ne pas croire que le gars parfait existe mais croire qu'il en existe un qui nous rendra heureuse.

"It's very beautiful over there."Où les histoires vivent. Découvrez maintenant