Chapitre 4 - Sibylline énigme

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3 mois plus tard.

- Allo ? Monsieur Delières ? Oui, je vous appelle parce que nous avions convenu d'un deuxième opus sur vos recherches à propos de la politique française. Nous aimerions savoir où vous en êtes rendu.

- Un deuxième opus ? Oui...

Le philosophe passa une main poisseuse sur ses traits fatigués et tenta vainement de remettre en place quelques mèches rebelles. Il dut faire un violent effort de mémoire pour se rappeler cet aspect du contrat d'édition et frémit. Sa main libre attrapa gauchement une canette de bière qu'il voulut décapsuler, mais la voix à l'autre bout du fil réinsista :

- Monsieur ?

- J'y travaille. J'y travaille. Ce sera prêt... Bientôt.

- Il me faut une date précise, monsieur.

- Bientôt ! Cria-t-il affolé avant de se reprendre. Excusez-moi, une mauvaise nuit... L'essai sera terminé en temps et en heure. Il me faut faire quelques recherches qui peuvent prendre du temps. Mais comptez que d'ici un an, vous aurez votre ouvrage prêt à être publié.

- Dans un an, donc ?

- C'est cela.

Et il raccrocha sèchement avant de se précipiter sur la canette et de l'ouvrir maladroitement. La moitié de celle-ci vint inonder son bureau et les multiples brouillons qui l'encombraient. Grégoire jura rageusement avant d'enfiler la bière d'une seule traite et de s'écrouler par terre.

- Je n'y arrive plus, lâcha-t-il à bout de force.

Les rues de Paris étaient déjà envahies par l'activité quotidienne et le soleil glissait ses rayons tièdes par les fenêtres du bureau. Déjà... Grégoire y avait passé toute la nuit.

Trois mois qu'il attendait une réponse aux mails envoyés à Enguerrand de Guellec. Rien. Jamais rien et c'en était désespérant.

Alors, deux mois plus tôt, il avait demandé à l'un de ses amis s'il ne pouvait pas pirater l'adresse mail pour obtenir enfin les précieuses informations. Celui-ci lui avait répondu hier que l'adresse n'existait plus, supprimée.

Alors, Grégoire s'était jeté dans les livres blancs pour retrouver la trace des Guellec. Il y avait passé toute la nuit, revivifiant ses forces avec quelques dizaines de cannettes de bières. Et il s'était accroché, comme un fou. Il ne voulait pas perdre de nouveau cette dame blanche.

Ce matin, il devait se rendre à l'évidence. Ni les livres blancs, ni internet ne connaissaient le nom mystérieux d'Enguerrand de Guellec. Et avec cette énigme disparaissait l'unique chance pour le philosophe de retrouver la femme de ses rêves.

- Pourquoi le nom me dit-il quelque chose ? Pesta-t-il en se redressant difficilement et prenant appui sur le bureau. Je suis persuadé de l'avoir déjà entendu auparavant. Enfin, qu'importe !

Ses paupières tombaient toutes seules et on pouvait déjà l'entendre ronfler debout. Il se traîna jusqu'à son lit à l'étage et dormit tout d'une traite d'un sommeil lourd peuplé de rêves. Dix huit coups de fil, sept coups de sonnettes insistants et trente deux messages ne parvinrent pas à le réveiller. Les songes qui l'agitaient étaient bien trop puissants pour lui donner envie de redescendre sur Terre.

Elle était là, la dame. Dans ses rêves. Elle lui tenait la main et elle l'entraînait dans une course effrénée à travers un paysage changeant.

Grégoire trébucha sur une souche et se rattrapa à un arbre. Le tapis de feuilles orangées le faisait rebondir et s'éloigner toujours plus loin dans les bois. La canopée étirait ses branches vers le ciel en paraissant vouloir attraper les nuages. Et les arbres passaient rapidement à mesure que la course s'intensifiait. Ce n'était plus les bois, les feuilles volantes, les ronces et les lianes, c'était un tourbillon déchaîné où le vert et le brun finissaient par se teindre d'une jolie couleur dorée.

Le Palais des amoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant