Chapitre 9 : La cascade

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- Douze pompes...

- Douze ?

Enguerrand ferma les yeux avec un peu d'angoisse et sentit alors plus précisément tous ses membres frissonner. Il était peut-être temps d'arrêter de faire comme s'il s'était entièrement remis de sa dernière attaque. Ses forces l'abandonnaient.

- Et si c'était la fin, Isylde ?

- Ne dis pas de bêtises. Tu sais que c'est impossible, le taquina-t-elle en déposant sur son front un baiser.

Enguerrand sentit une forte douceur l'envahir mais il prit dans ses bras sa femme et la rapprocha contre son torse.

- Il me faut plus qu'une carresse. J'ai besoin de sentir ta présence. J'ai besoin de m'assurer... Que tu ne m'abandonneras jamais.

Le ton était accusateur. Et, tandis qu'il l'embrassait doucement, elle comprit ce qui n'allait pas et parut s'énerver :

- On avait dit qu'on n'en parlerait plus.

- Tu fuis, Isylde. Tu fuis la réalité. Un jour, elle nous rattrapera.

- Je t'ai dis qu'il ne fallait pas en parler. Ce jour n'arrivera jamais.

- Tu m'abandonneras.

- Jamais.

- Mais il faut que nous puissions prendre des mesures, si cela arrive. Il faut que...

- Tais-toi ! Tais-toi ! Ah, ce que les hommes sont stupides ! Ils prennent des risques inconsidérables sans songer à ceux qui tiennent à eux. Nous n'avons pas le droit à l'erreur, Enguerrand. Alors, arrête de ramener ce sujet sur le tapis. Tu ne me rends pas la tâche facile.

- Se préparer au danger, ce n'est pas prendre un risque.

- Mais c'est déjà le faire venir. Va plutôt travailler. Une œuvre immense t'attend.

- Une œuvre immense qui peut attendre puisqu'il semble que j'ai la vie devant moi pour la réaliser. Non, je vais plutôt...

Et il s'esquiva avec un petit sourire, laissant sa femme à demi rassurée, à demi amusée. Il n'avait pas oublié la promesse faite il y a quelques semaines et réitérée ce matin-même à une petite personne aux cheveux blonds et aux yeux clairs comme ceux de sa mère, au maintient fier et droit de son père et à la vivacité propre à son âge. Petit bonhomme qui l'attendait justement dans l'entrée du palais. Ecarté des soucis qui inquiétaient le jeune couple, il tournait en rond, tout excité :

- Papa ! S'écria-t-il en se jetant sur lui. J'ai attendu toute la matinée en comptant les secondes. Et je suis déjà prêt, regarde !

Des bottes en caoutchouc, une veste de chasse et un bâton de marche en main, il sautillait sur le sol marbré. Ses pupilles brillaient doucement et le jeune comte sentit son cœur se serrer. Il serra les dents :

- C'est un grand jour, aujourd'hui. Viens.

Ils sortirent dehors en courant et s'engagèrent dans la petite sente lorsqu'une voix grave et forte, à peine amusée, les interrompit :

- Les années n'ont rien changé, Enguerrand. Tu es toujours aussi gamin.

- Je n'ai que vingt-quatre ans, souligna-t-il ironiquement en s'arrêtant net.

- Et tu prends des risques inconsidérés. Où emmènes-tu cet enfant ?

- Monsieur Octave Friedriech serait-il le maître ici ? Ai-je manqué un épisode ?

- Je sais où tu l'emmènes.

- Fort bien. Alors pourquoi me poses-tu la question ?

- Je ne suis pas un enfant, ajouta le garçon d'un ton boudeur. Je suis grand.

Le Palais des amoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant