Le Palais des amours

Chapitre 1 - Mondanités du XXIème siècle

Le valet posté à l'entrée du manoir cligna des yeux d'un air surpris avant de reprendre son impassibilité. Il était habitué aux Rolls, aux Land Rover et aux Lamborghini et, en fin connaisseur, il savait reconnaître n'importe quel marque du premier coup d'œil.

Celle-ci était un modèle Ford disparu de la planète une décénie auparavant.

Un jeune homme d'une vingtaine d'année, gracieusement accompagné d'une ravissante jeune fille blonde, en descendit négligemment et rajusta machinalement sa veste. Le valet leur indiqua le lieu où se tenait la réception et revint à son poste, curieux de reconnaître la prochaine voiture luxueuse à franchir le portail.

- Monsieur le comte de Guellec et son épouse la comtesse, émit l'annonceur à l'instant où ils pénétraient dans le salon fastueux où se retrouvait toute la haute élite française.

La scène paraissait appartenir à une autre époque bien que nouveaux riches et vieilles aristocraties se confondissent de la façon la plus naturelle qui fût. Les pièces de réception de ce charmant château tourain s'étaient vues décorées de quelques œuvres d'art contemporain. Les murs ornés de stucs dorés XVIIème accueillaient le mobilier dernier cri inspiré de l'art moderne. Ce curieux mélange amusa brièvement le jeune arrivé qui se laissa surpendre par son hôte :

- Ah ! Cher comte ! Que j'étais impatient de faire votre connaissance !

Celui-ci sourit en retour et se tourna vers sa femme :

- Puis-je vous présenter ma femme : Isylde de Guellec. Isylde voici notre hôte : Nicolas Wirble. C'est un remarquable historien que je t'invite à interroger...

- C'est trop d'honneur, fit celui-ci en réponse en fronçant les sourcils. C'est vous...

- Oh, ne gaspillez pas votre salive. Je sais que mon jeune âge vous étonne et vous vous demandez si je ne suis pas un génie. Oui, c'est bien moi qui ait écrit cet article sur la politique du XIIème siècle et je n'ai que vingt-quatre ans.

- Mais tout de même ! Article si précis, si complet, si fin que je l'aurais attribué à un homme... Disons qui aurait eu plus d'expérience. Et c'est bien parce que cet article était si remarquable que j'ai cherché à inviter son génial auteur chez moi.

- Eh bien, je suis peut-être un génie, lâcha le comte d'un ton froid. Isylde, je t'en prie, va interroger monsieur Wirble...

Il laissa sa phrase en suspens et se tourna vers elle pour la dévorer du regard avant d'ajouter :

- Cela t'amusera.

Elle émit en retour un rire bref de connivence avant de suivre leur hôte un peu plus loin pour discuter avec lui.

- Historien, donc ?

- Oui, madame. Je suis spécialisé dans le Moyen-Âge.

- L'un des meilleurs ?

- Certains le disent.

- Alors instruisez-moi, sourit-elle en croisant ses fines mains sur ses genoux.

- Je peux vous parler des modes de vie des femmes aristocrates de cette époque. J'ai consacré une bonne partie de mes recherches à m'interroger sur leur place dans la société médiévale. Mais j'ai peur que les détails ne vous ennuient trop.

- Comment se passaient les mariages ?

- Les jeunes filles nobles se mariaient très jeunes et leur mariage marquait souvent une alliance entre deux camps.

- Cela pouvait-il être une alliance entre un noble et un roturier ?

- Grand Dieu nom ! Ce serait mésalliance !