Chapitre 30 : Tout.

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Isylde... Grégoire dévala en trombe les escaliers, attacha au vol sa cravate et remit en place quelques unes de ses mèches. Pas question de la laisser monter seule : il tenait à voir ce prodige de lui-même.

Sa douce Isylde était venue à lui !

Il ouvrit grand la porte de l'immeuble, afficha un large sourire et fondit de bonheur en découvrant le doux visage de son idole. Il devait être en plein rêve.

- Que se passe-t-il ? Pourquoi viens-tu ici ? Mais monte, monte ! Ne reste pas sur le trottoir !

Il lui fit, tel un grand seigneur, les honneurs de sa demeure et des alentours. Charmée et un brin amusée, elle se laissait faire. Qu'il était doux de se voir ainsi courtisée après cette frayeur dans la rue !

Mais une fois dans le salon, le jeune homme s'arrêta et fronça ses sourcils. Il resta longtemps à la regarder, attendant qu'elle parle, mais finit par perdre patience :

- Il faut que tu me dises pourquoi tu viens me voir.

- Tu as vu...

- J'ai vu qu'on te recherchait. Trois meurtres... Que dois-je en penser ?

- Ce que tu veux. Mais je vais jouer cartes sur table. Tu es au courant des mystères qui m'ont entourée, ainsi que mon mari. Tu crois que nous sommes immortels, mais c'est une grave erreur. Enguerrand est plus mortel que n'importe quel autre humain sur Terre. Mais je te raconterai cela plus tard. Ces trois meurtres sont plutôt liés à mon fils. C'est vrai : il peut faire renaître les êtres légendaires. Mais c'est un enfant très gentil et il ne pense jamais à mal. Encore maladroit, il a laissé s'échapper trois korrigans et ce sont eux les meurtriers. Demande confirmation au baron de Liset, si tu doutes encore. Mais je dis vrai. Maintenant, je suis en fuite. Pour des raisons personnelles, je n'ai pas voulu aller voir mon mari. Mais toi, je sais que tu m'aimes assez pour m'aider.

- Tu as bien fait, répliqua Grégoire en prenant une mine qu'il croyait grave et solennelle.

- Je veux que tu abandonnes tout pour moi.

- Tout ? Reprit le philosophe tout à coup moins assuré.

- Tout ce que tu possèdes, tous tes amis, tous tes travaux, tous tes biens, tout.

- Ah, tu veux dire : tout. Eh bien... C'est un honneur ! Et tu as décidé cela subitement ?

- Petit Grégoire, tu crois que nous nous connaissons depuis peu ?

Le jeune homme frémit en reconnaissant les intonations que sa dame prenait. La même voix.

- J'étais très amie avec ta mère et je jouais avec toi. Je crois qu'aucun autre enfant sur Terre n'a sû me charmer comme tu l'as fait, petit Grégoire.

- Et Mickaël ?

- Je l'aime, mais il tient beaucoup de son père. Détends-toi, tu es tout stressé ! Ne te souviens-tu pas de la dame qui venait te voir ?

- Ma dame, murmura Grégoire.

- J'avais rencontré ta mère pour affaire. Elle tenait une marque de mode et je m'intéressais de près à ses dessins. Très vite, j'ai été charmée par son caractère rieur, franc et entier. Nous nous sommes liées d'une réelle amitié. Et puis, il y avait toi... Si tendre et si mignon.

- Où était Enguerrand ?

- Avec moi. Mais il travaillait ailleurs. Il était très pris par un certain monsieur Octave Friedrich à qui il avait demandé de rectifier les éventuelles erreurs de certaines de ses équations. Lui aussi l'appréciait beaucoup. Nos chemins prenaient ainsi deux inclinations différentes.

Le Palais des amoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant