Chapitre 21 - Troisième étage du ciel de Paris

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Paris était à ses pieds, scintillant dans la nuit, comme la surface encore paisible d'un lac aux reflets des étoiles. Le calme de la hauteur rappelait presque l'atmosphère pure et paisible de ses montagnes. Mais non, le palais était loin.

Enguerrand avait demandé qu'on le laisse seul un instant, face à cette immensité dans laquelle il aimait se perdre. L'infini... Comme un rêve insaisissable qui le fascinait, comme un trésor précieux qui le poussait à surmonter ses limites, comme le seul compagnon, excepté sa famille, qu'il désirait vraiment à ses côtés. L'infini, face à lui. Il avait transformé Paris en cette merveille dorée. L'infini, c'était Paris.

La salle derrière lui était encore vide, encore calme, encore propre et immense. Avant le tourbillon.

Le jeune homme se demandait parfois ce qui le poussait à goûter si fiévreusement ce calme avant chaque tempête. Le silence prenait alors une réelle importance et chaque seconde était attrapée et savourée délicieusement.

Enguerrand était seul au sommet de la Tour Eiffel.

- Enguerrand ? Il est 20h. Ils arrivent.

- Bien, referme la porte et fais-les monter.

Encore seul. Les invités montaient maintenant, par les ascenseurs, envahissant le petit nid d'aigle qu'il s'était un moment imaginé. Le silence se muait en murmure et le murmure devenait brouhaha. La foule était là, fébrile, excitée, aux portes... Une expérience inédite s'offrait à elle dans cette salle du haut de la Tour Eiffel pour fêter le succès de ce fascinant écrivain.

Les portes s'ouvrirent d'un coup. Musique tonitruante, tapis rouge, banderoles de soies dorées et fontaines de champagnes constituaient un formidable accueil. Et Enguerrand, debout sur une petite estrade et micro en main, s'écriait :

- Bienvenue à vous tous ! Je suis le comte de Guellec, auteur de ce livre que vous avez tous lu...

- Transcendance ! Hurlèrent quelques histériques bien ridicules.

- Oui. Et me voici. Vous m'avez réclamé ces deux dernières semaines à cors et à cris. Me voilà.

Il fit une pause pour observer avec un petit sourire la foule des invités qui se tenait face à lui. La haute noblesse française, l'élite intellectuelle et les stars françaises étaient mêlées à quelques obscurs inconnus de plus basse condition qu'il s'était amusé à inviter. L'expérience promettait d'être très intéressante !

- Cette soirée est avant tout organisée pour remercier ceux qui ont permis l'élaboration de mon roman. Je vais demander à mon éditeur de me rejoindre sur l'estrade.

Quelques applaudissements polis répondirent. Certains piochaient déjà dans les petits fours.

- Il est évidemment celui qui m'a ouvert les portes du succès et... Je le laisse faire un petit mot.

Le discours passé, le public s'était déjà éparpillé dans la salle. Non parce que les mots de l'éditeur étaient ennuyeux, mais parce que tous n'étaient venus que pour faire la fête et attendaient ce moment avec excitation. Néanmoins, Enguerrand n'avait pas terminé :

- Je tenais également à remercier les plus grands auteurs de la Littérature, que je vais aussi inviter à monter sur scène.

Enguerrand but un verre de champagne d'une traite et roula des yeux en manquant de glisser de l'estrade, comme s'il avait déjà commencé à s'amuser avant tous les autres.

- Madame de La Fayette... Où êtes-vous ? Madame de La Fayette qui par l'élégance de sa plume a sû m'insufler l'amour de la pureté. Madame de La Fayette, ne soyez pas timide... Ah ! Vous n'êtes peut-être pas encore arrivée. Victor Hugo, évidemment, veuillez me rejoindre à votre tour. Vous avez touché mon cœur d'une manière si particulière que je serais incapable de la retranscrire avec des mots, mais avec des vers peut-être. Victor Hugo, mais... Etes-vous en retard également ? Et Dostoïevski, et Zola, et Giono, et Maupassant, et Gide... L'un d'entre vous a-t-il répondu à mon invitation ?

Le Palais des amoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant