Concernant son âge, cette professeure faisait débat aussi bien entre élèves qu'entre autres enseignants : bien qu'elle n'ait en réalité la quarantaine, certains lui donnaient cinquante ans passés, alors que d'autres lui estimaient au contraire trente ou trente-cinq ans à peine. La femme s'amusait d'être ainsi vieillie ou rajeunie, et contrairement à d'autres elle n'avait pas subi de crise de la quarantaine particulièrement violente tant elle pouvait compter sur son charme qui lui donnait l'air à la fois jeune, à la fois mûre. Ce quiétait sûr et certain, c'était que peu importe qu'elle ait aux yeux des autres vingt-cinq ans ou soixante-trois ans, cette femme dégageait quelque chose de mystérieux qui faisait peur à ses élèves.
Elle appliquait sur son visage encore pas trop marqué par la quarantaine, bien que déjà un peu, tout juste ce qu'il fallait pour la rendre irrésistible, un maquillage souvent semblable chaque jour : un bon coup de mascara noir ou rouge foncé, quelques fois un trait de crayon, un léger far à paupière rouge, très peu de rose sur les pommettes et enfin un rouge à lèvres à la teinte plutôt violette, qui finissait le travail pour la rendre mortellement appétissante.
Mais le véritable détail qui faisait tomber n'importe-qui à ses pieds n'était pas sa chevelure sauvage et indomptable : il s'agissait, plus encore que de ses yeux noirs sévères et profonds ou ses lèvres violettes et pulpeuses, de ses lunettes. Joliment rectangulaires, aux montures très peu épaisses laissant percer sa pupille de n'importe-quel point de vue, elle en avait plusieurs paires : une noire, une brune, une de couleur bordeaux ou une de nuance écarlate, qu'elle se plaisait à changer et à porter à tour de rôle assez régulièrement. L'un de ses passe-temps favoris était également de jouer avec ses lunettes, ce qui lui permettait également de jouer avec les cœurs. Saisir sa branche gauche à l'extrémité pour la faire glisser le long de son nez tout en faisant la moue et en haussant distinctement un sourcil était devenu presque comme un automatisme pour elle lorsqu'elle discutait avec quelqu'un, que ce soit pour séduire ou pour rester naturelle, car de toute évidence elle restait naturelle pour séduire et séduisait en restant naturelle.
De l'ambiance froide, désagréablement pesante qui laissait un sentiment d'insécurité permanent que l'on ressentait dans les rues grises et pluvieuses du mardi matin, Maël avait été transporté vers une atmosphère chaleureuse, mais qui conservait étrangement un côté sauvage. Quelque chose dans cette pièce imposait une autorité, mais cette autorité n'en restait pas moins très douce à ressentir. Le retardataire aux cheveux bruns aimait laisser évoluer en lui une vague bouillonnante et laisser son corps être parcouru d'un faible séisme dût à la présence seule de la professeure. Et parmi tous ses camarades, il était loin d'être le seul à lui trouver quelque chose de spécial. Élèves, professeurs ou surveillants, tous s'étaient laissés charmés au minimum une fois pendant au minimum une minute par cette créature inaccessible aux allures de dominatrice.
Cela faisait à présent vingt minutes que le cours durait. Le retardataire voyait ses camarades autour de lui écouter l'institutrice d'un air intimidé, en comprenant pour une grande partie d'entre eux à peine plus de la moitié de ses paroles anglophones. Un quatuor de filles au deuxième rang était en train de baver sur elle, plus de désir que de jalousie, et un blondin rêveur au premier rang écrivait un poème s'adressant à quelqu'un d'autre : il ne se laissait séduire que charnellement, n'éprouvant de véritable amour que pour une autre professeure, qui était très loin de ressembler à Mrs Walles, mais qui avait un charme tout aussi puissant, bien que différent.
Fred, assez mauvais en langues, s'ennuyant, essayait depuis quelques minutes d'entamer une conversation avec son ami aux cheveux encore trempés, en vain. Le jeune homme parlant dans le vide appelait désespérément son camarade pour qu'il lui réponde, se faisant de moins en moins discret. Mrs Walles, assise de dos sur son bureau, jusqu'alors en train de raconter l'histoire des États-Unis comme elle le faisait depuis deux cours pour suivre le programme et se replonger dans ses propre origines s'interrompit brusquement et se retourna, jetant par dessus les verres de ses lunettes un regard perçant au jeune homme bavard. Elle se leva, saisit sa règle – que les élèves se plaisaient à surnommer la « baguette », et tendit excessivement les hanches vers la gauche, presque inconsciemment, en pointant Frédéric :
« Fred ! Be quiet right now and stop to annoy your neighbour !
– Yes, euh, what ? sursauta le lycéen bavard. »
La professeure soupira un grand coup, se souvenant que cet élève-là n'était pas bon en anglais, tandis qu'une bonne partie de la classe avait lâché un fou-rire.
« Stop laughing, it's not funny at all ! ordonna-t-elle sévèrement à l'ensemble des adolescents qui se tut presque immédiatement. Fred, reprit-elle en français pour l'élève, tais-toi immédiatement et arrêtes d efaire chier ton voisin. C'est ça que je t'ai dit.
– Ah, yes yes,OK, euh, sorry teacher.
– Sorry Mrs Walles, thank you.
– Ouais ouais, sorry Mrs Walles, finit-il par grogner d'un air lassé et indiscrètement désinvolte. »
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Rant book d'un mec qui vit un peu trop dans son monde...
RandomÇa y est. Ça a été difficile, mais voilà que mon choix est fait. Je vous préviens, j'ai beaucoup hésité avant de me lancer. Mais dès aujourd'hui, je me mettrai à écrire... Mon Rant book, bien sûr ! ^^ /!\ ATTENTION ! Ce rantbook contiendra des pass...