Jeudi 3 septembre 2009; à 15h03 :
L'après-midi était passée relativement vite pour les 2 adolescents, contrairement à la matinée qui avait été comme interminable, pour lui, comme pour elle. June était partie s'installer dans le fond de la salle de classe, près de la fenêtre, là où elle préférait être. Harry, qui l'avait suivi de près pour ne pas se perdre dans l'enceinte du lycée, s'était donc assis à côté de June pour le cours de droit qu'ils avaient en commun : le seul et unique cours qu'il aurait en commun cette année.
Elle riait, oui, elle riait. Ce garçon l'a faisait rire, par son attitude, les pics et les remarques qu'il faisait à propos du prof qui selon lui, avait une tête anormalement disproportionnée. En fait, il voulait la faire rire. Quitte à avoir une mauvaise imagedès le premier jour. Quitte à se faire engueuler ou même à avoir une heure de colle pour bavardage, il voulait la faire rire. Et ça fonctionnait parfaitement, même s'il savait qu'au fond, ça aurait été trop facile.
Après ce cours, la jeune femme s'était directement dirigeé vers son cours de littérature sans adresser un mot au brun, ou sans même l'attendre pour le guider pour son prochain cours.. qui n'était autre que celui de maths.
Lorsque la dernière sonnerie de la journée retentit, sous les soupirs de soulagement de tous les élèves du lycée, June, étrangement contente de sortir de cet endroit qu'elle détestait plus que tout traversa le parking afin d'aller vers son arrêt de bus. Harry, confus et fatigué, encore à moitié endormi la remarqua immédiatement dans la foule et la rattrapa rapidement.
Elle le regarda les sourcils froncés, sans pour autant s'arrêter de marcher, si elle ratait son bus, elle allait devoir marcher pendant plus de 20 minutes, elle savait que ses frêles jambes ne tiendraient pas la route et que la fatigue avait prit possession de toutes les forces qui lui restaient.
— Je vais finir par croire que tu es fan de moi. D'abord tu t'assois à la même table au réfectoire, et maintenant tu me poursuis après les cours.. je crois.. ouais, je crois suis flattée.
— Qui te dis que ce n'est pas le cas, justement ? dit-il, souriant de toutes ses dents.
— Ça serait plutôt à moi de te courir après, tu crois pas ?
— Ce serait assez compréhensible en effet, lorsque tu vois l'étendue de ma beauté, de mon charisme et j'en passe.. mais, comme tu es la seule ici qui n'a l'air de ne pas s'intéresser à moi pour ma "célébrité", ou qui ne me considère pas comme une bête de foire, je vais pas te lâcher.
— Tu cherches quelle salle ou quel bâtiment, alors ? J'ai pas envie de rater mon bus.
— En fait, je voulais te demander ton numéro, tu vois..au cas où.
— Mon numéro, vraiment ..? dit-elle en riant, avant de reprendre calmement. Mérite le.
— "Mérite le"... Non, mais sérieusement ?
— Est-ce que j'ai l'air de plaisanter ? T'as encore failli me renverser ce matin et on se connait même pas. Je suis sérieuse.
La jeune adolescente partit rejoindre son arrêt de bus sans lui laisser le temps de répliquer. Un sourire se dessina sur leslèvres d'Harry en même temps qu'il la regardait partir, lui, restant au milieu du parking.
Bizarrement, il aimait l'attitude de la jeune fille ; il savait que s'il aurait demandé le numéro de n'importe quelle fille de ce lycée, cette dernière aurait même été capable de lui écrire sur le visage avec un marqueur indélébile. Non, elle n'était pas comme les autres, et il aimait ça.
Alors qu'Harry se dirigeait vers la salle de répétition pour y retrouver les membres du groupe, June, elle, se dirigea vers un endroit beaucoup moins jovial. Un cimetière, 'Au moins, les morts ne parlent pas et ne portent ni d'extensions, de vernis rose fluo, des talons de 15 cms et ne te toisent pas dès que tu es dans leur champ de vision.'
Elle y entra, soupirant, avec un bouquet de fleurs rouges et blanches qu'elle avait rapidement acheté sur le chemin, après être descendue du bus qui la ramenait chez elle. La jeune femme connaissait le chemin par cœur même si ça ne faisait que quelques mois qu'elle s'était habituée à visiter régulièrement cet endroit. Elle détestait faire ça. Elle détestait cet endroit et la raison pour laquelle elle venait ici au moins une fois par semaine.
June monta les quelques marches en pierre à l'entrée, continua tout droit, et tourna à la 3ème rangée à droite, longeant doucement des tombeaux plus ou moins fleuris, ses pieds s'enfonçant doucement dans le gravier à chaque pas qu'elle franchissait : et le bruit de ses chaussures frottant le bitume et les graviers bougeant après son passage était le seul bruit audible et dissociable dans cet endroit calme et serein.
Elle s'arrêta enfin devant une seule et même pierre tombale où les noms " Jennyfer Johanson - Luke Johanson " ainsi que les dates " 23 Mars 1993 - 13 Juin 2009 " étaient inscrites.
Finalement, c'est bien la réalité.. pensa-t-elle en enlevant une feuille morte de l'arbre voisin qui s'était déposée sur l'une des plaques. Elle s'assit en tailleur, une brise balayant doucement ses cheveux et refroidissant son visage épris d'une bouffée de chaleur. Ses yeux, d'un vert frôlant le bleu et l'or à certains endroits se perdirent dans le ciel non-nuageux, dégagé de tous cumulus.
Elle était si fatiguée.
— Aujourd'hui, c'était ma première rentrée sans vous... et traverser les couloirs qu'on avait l'habitude de longer ensemble, c'est... réellement bizarre..et j'ai même pas vu Darryl, ni Emily.. lâcha-t-elle en soupirant, avant de continuer. Elle commençait à se sentir plus légère au fur et à mesure que les paroles traversaient le seuil de ses lèvres. Ouais.. c'était ma première rentrée sans vous, et pourtant, j'ai toujours le même casier, je prends toujours la même table au refectoire et je suis encore tombée dans la classe de Sarah la pimbèche. Tu ne l'aimerais toujours pas Jennyfer.., elle ria discrètement en se grattant la joue. Encore une année, sans vous cette fois. Elle va sûrement être longue à... mourir et tellement chiante à vivre.. et je le sens pas vraiment.. de toute façon, c'est pas à moi que quelque chose d'incroyable arrivera non ? elle soupira, son doigt effleurant leurs prénoms gravés. Je vois que votre mère passe souvent, vu le nombre de fleurs présentes.. quelques fois, je rêve que je viens ici, mais que rien ne se trouve à la place où je trouve actuellement.. ouais, je rêve.. je rêve, encore et encore.. c'est chiant, et.. chiant et... chiant... J'espère qu'on me réserve quelque chose de meilleur, je suis déjà fatiguée de faire semblant d'aller bien
Elle haussa les épaules en se rongeant les ongles, le regard toujours perdu dans le vide. C'est lorsqu'elle vit quelques personnes, qui, à leur tour rentraient dans le cimetière qu'elle décida qu'il fallait qu'elle parte. June soupira, ses épaules s'affaissant sous le poids d'un vulgaire et horrible retour à la réalité.. la vie continue. Elle se leva, essuya son jean, repositionna son sac sur son épaule et prit le chemin inverse de celui qu'elle avait emprunté pour venir jusqu'ici.
