Chapitre 21 - Samuel

5 2 0
                                    

             Je prends Ariana par la main et nous remontons tous les deux dans mon appart. Elle a repris son apparence humaine et j'en suis soulagé, même si la beauté étrange des Shaïtans me fascine... Les choses ont l'air carrément plus normales comme ça. Elle retire ses armes et les miennes avec lenteur en me regardant d'un air coquin, avant de les déposer une à une sur la table basse. Elle a vraiment l'art de me rendre tout chose. Cela fait, elle me pousse vers le canapé où elle me fait basculer avec elle, histoire de m'embrasser plus à son aise.

           Lorsque je pose une main sur son dos pour la rapprocher encore un peu de moi, elle sursaute et pousse un léger grognement de douleur. Je soulève avec inquiétude sa chemise noire avant qu'elle n'ait le réflexe de m'arrêter et je vois avec consternation un réseau serré de longues marques rose-violacé, un peu gonflées, lacérer sa peau de haut en bas.

- « C'est quoi ça ? » Je demande, avec un hoquet incrédule.

- « Euh... Une légère divergence d'opinion avec ma mère ? Rien de grave, je ne sens quasiment plus rien sous ma forme humaine... » Elle accompagne cette déclaration qui se veut rassurante d'un geste négligent de la main.

- « Tu as été fouettée ? » Je caresse son dos avec douceur et je grimace en sentant les sillons sous mes doigts. « Mais pourquoi ? » je souffle avec horreur.

- « Je lui ai désobéi en me portant au secours des Shaïtans que vous avez attaqué. Nous devions rester cachés et sacrifier certains d'entre nous pour satisfaire ta famille. Je ne l'ai pas supporté et j'ai couru le risque que tu me reconnaisses. Tu aurais pu nous dénoncer et qui sait ce qui se serait produit alors ? »

Je hoche la tête en silence en imaginant les évènements qui n'auraient pas manqué de s'enchaîner. D'autant que je pense connaître l'identité de la Khaghän. Je frissonne en pensant à l'usage que mon père aurait fait de cette information...

- « C'est vrai, tu as pris un risque idiot... » Je l'embrasse avec douceur « Mais je crois que tu savais déjà que je n'en ferais rien. J'avais beau être fâché à mort contre toi, je n'aurais jamais pu prendre une décision qui te mettrait en danger. »

- « C'était un pari risqué » répond-elle en caressant ma joue avec tendresse, une pointe d'espièglerie dans le regard « mais je suis joueuse... »

- « Et pas très maligne ! » Je réponds en l'envoyant d'une poussée de la main s'allonger contre les coussins du canapé.

             Vers deux heures du matin, je réalise que j'ai une faim de loup et je lui prépare une petite dînette romantique à base de saucisson, de chips, de cidre dans des flûtes et de bougies. Nous en profitons pour discuter de l'avenir et des possibilités qui s'offrent à nous.

Elle m'a marqué pour me protéger contre les siens, c'est à moi maintenant de faire la même chose pour elle. Les Sahirs pratiquent une cérémonie pour s'unir entre eux. Elle implique une formule prononcée par les deux époux et un rituel exécuté par un membre de la famille. Je réussis à convaincre Ariana que ma mère, qui est tellement romantique, finira par accepter de la célébrer en sachant qui elle est.

- « Ce ne sera pas simple mais je suis certain qu'elle finira par céder et garder notre secret. »

- « Admettons, mais il ne s'agit pas que de nous deux. Il faut aussi protéger les autres Shaïtans d'un retour possible vers Gerle Ad. Le temps passe et certains n'ont pas encore trouvé de compagnon. »

- « Tu rêves ! » Je secoue la tête, offusqué. « Jamais ils ne voudront, ce serait une telle trahison ! Complètement contre nos convictions, tout ce en quoi nous croyons ! »

- « Samuel... » Elle prend mes mains entre les siennes, l'air grave. « Tu as bien été capable d'accepter que vous vous étiez trompé sur notre compte, toutes ces années... Les autres le pourront aussi. D'ailleurs nous n'avons pas le choix, je ne laisserai pas les autres repartir sans moi ! Ils auront besoin de moi pour survivre. »

Elle a l'air tellement convaincue ! Je devine qu'elle serait capable de repartir dans l'Outremonde pour ne pas laisser tomber les siens. Je ne le supporterais pas. Reste à convaincre les Sahirs que si certains d'entre nous sont morts c'est parce qu'ils ont attaqué les premiers, en infériorité numérique, qui plus est. Je l'ai constaté moi-même à plusieurs reprises : les Shaïtans, qui sont des combattants redoutables et aguerris, se sont toujours défendus très mollement. Et, bien sûr, que nos ennemis communs sont encore dans l'Outremonde... Misère !

Je finis par admettre l'idée de provoquer un Conseil Sahirs pour rencontrer Ariana et la Khaghän et négocier avec elles... Je sais pourtant que persuader mon père de renoncer à tout ce qu'il croit, tout ce qu'il est, ne sera pas une promenade de santé.

- « Sans compter que pour négocier il faut avoir quelque chose à offrir en échange. »

- « Oui, je sais... » Concède-t-elle d'un air absent « Et cela ne règle pas le problème de ceux qui restent célibataires... »

Note à moi-même : Trouver discrètement la taille de l'annulaire d'Ariana pour la bague de fiançailles.

Note à moi-même : Faire livrer une magnifique composition florale pour la fête des mères et l'appeler dans la foulée.

Le Portail d'OutremondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant