Chapitre 22 - Ariana

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         Samuel a ramené sa mère de Bourges sous prétexte de l'inviter au restaurant pour la fête des mères et en a profité pour récupérer les objets nécessaires au rituel de mariage, au cas où nous réussirions à l'amadouer. Elle a l'air positivement ravie de me voir chez lui mais je pressens que son enthousiasme sera de courte durée.

- « Maman, il faut qu'on te parle »

- « Oh Sammy, tu me fais peur ! » Elle me jette un regard suspicieux « Ariana est enceinte ! »

- « Non, non, non, non, maman ! Non, ce n'est pas du tout ça ! » La coupe Samuel affolé.

Il fait une petite pause et cherche mon soutien du regard. Je me mords les joues pour ne pas sourire devant son air très très embarrassé.

- « En fait, je crois que c'est pire... » Ajoute-t-il d'un air sinistre qui achève de décomposer sa mère.

Il est temps que je reprenne la main.

- « Sabrina, j'ai quelque chose à vous avouer. Samuel n'est au courant que depuis quelques jours... Je ne suis pas une Sahir mais une Shaïtan, j'ai plusieurs centaines d'années et j'ai toujours vécu dans l'Outremonde... »

Je vois la mère de Samuel blêmir et sa mâchoire se décrocher de surprise. J'enchaîne avant qu'elle n'ait recouvré ses esprits.

- « Rester parmi vous est la dernière chance de survie pour mon clan. Nous avons perdu la guerre et nous allons tous mourir si vous ne nous aidez pas. »

Je lui explique alors notre histoire, la guerre millénaire qui nous oppose à l'autre clan et elle m'écoute d'un air dubitatif mais sans m'interrompre. Il faut toute la force de conviction de Samuel pour qu'elle ait enfin l'air de me croire.

- « Cette ouverture du Portail est notre dernière chance, c'est pour cela que nous sommes tous passés, Khaghän et Baçkan comprises. Depuis que nous sommes ici nous avons suivi scrupuleusement les conseils de nos prêtres et refusé de tuer des Sahirs. »

- « Pourtant certains sont morts ! » S'exclame-t-elle, indignée, les poings serrés.

- « Je sais, oui, il y a eu quelques... dérapages dans les villes où les Sahirs sont nombreux et agressifs. Ils se sont parfois attaqués à des guerriers extrêmement puissants et anciens qui les ont tués accidentellement en se défendant. Ils ont été punis. Mais beaucoup d'autres sont morts sans combattre et ont accepté leur sort pour ne pas compromettre les chances des autres. Vous avez tué sans sourciller des Shaïtans de légende, âgés de plus de 6000 ans ! »

Je m'arrête car je sens ma voix s'étrangler d'indignation. Je ne suis pas là pour me disputer avec elle mais pour plaider notre cause... Ma diatribe est suivie de quelques minutes de silence gêné. Je vois la mère de Samuel rougir et gratter avec insistance une tache invisible sur sa jupe. Je la sens mal à l'aise et je devine qu'elle n'aime pas plus tuer que son fils.

- « Cela ne peut qu'être bénéfique pour nous maman » plaide Samuel en profitant de ce moment de flottement. « De nouveaux mariages avec des Shaïtans vont redonner une seconde vie aux Sahirs, qui s'affaiblissent de plus en plus. »

- « Temporairement... » Répond-elle, sceptique.

- « Oui, seulement pour les 5 ou 600 prochaines années... » Rétorque-t-il avec une pointe d'ironie. « Et n'oublie pas les progrès de la science, le clonage, que sais-je encore ? De toute façon j'épouserai Ariana même s'il faut qu'elle hypnotise un membre de la famille pour ça. Impossible que je renonce à elle ! »

- « Je suis à lui et il est à moi ! » Je renchéris avec passion. « Nous ne pouvons plus revenir en arrière, de toute façon ! »

Je trace un symbole complexe dans l'air avec ma main gauche et la marque sur la joue de Samuel se met à scintiller, faisant écho à la mienne que l'on aperçoit dans mon décolleté. Le regard prudent de Sabrina va de son fils à moi. Puis elle soupire.

- « Alors c'est pour ça que tu m'as fait venir, finalement, Samuel ? Pour que je convainque ton père de vous unir ? »

Il secoue la tête avec un air désolé et ouvre la sacoche en cuir posée à côté de lui. Il en sort une antique coupe ouvragée en argent, un cordon doré noirci par les ans et un couteau cérémoniel.

- « Non. Tu es là pour nous unir et pour convaincre papa de rencontrer la Khaghän, de discuter avec elle et de proposer l'asile aux Shaïtans... »

Sa mère paraît soufflée.

- « Mais pas maintenant... ça ne peut pas attendre que toute la famille soit d'accord et réunie ? » Tente-t-elle d'un ton suppliant.

Samuel prend ma main dans la sienne et la porte à ses lèvres.

- « Non, maman » Répond-il fermement « C'est aujourd'hui qu'il faut le faire.»

Ils se regardent les yeux dans les yeux un instant et sa mère finit par acquiescer presque malgré elle.

- « Très bien Sammy. » Un sourire nostalgique illumine son visage « j'ai connu ça avec ton père, autrefois... Cette urgence... » Elle hoche la tête, toute à ses souvenirs.

          Elle ouvre la fenêtre et appelle Nero qui entre et se pose sur le haut dossier d'un fauteuil, l'air extrêmement... sérieux. Serait-il notre témoin ? Sabrina nous fait signe de nous lever et demande à Samuel une bouteille de vin rouge qu'il ramène de la cuisine et avec laquelle il remplit la coupe d'argent. Sa mère lui tend le couteau avec la pointe duquel il se perce le pouce. Il fait tomber quelques gouttes dans le vin, me tend le couteau pour que je fasse de même, puis nous buvons chacun notre tour dans la coupe. Sabrina prend alors le cordon et, rapprochant nos mains droites, les lie ensemble avec un entrelacs complexe.

- « Pacem, caritatem et tutela usque ad mortem. » Prononce alors Samuel en me regardant gravement dans les yeux.

Je répète la formule après lui, puis sa mère dénoue le lien, les yeux un peu brillants.

- « Vous êtes désormais unis pour la vie. »

Samuel me sourit et sort une petite boîte noire de sa poche. Elle contient une bague en argent ouvragé sertie d'une pierre rouge sang qu'il glisse à mon annulaire gauche. Approchant sa bouche de mon oreille, il me glisse d'une voix émue :

- « Je t'aime et je ne cesserai jamais de t'aimer. »

Je hoche la tête, émue à mon tour et je l'embrasse. Oui, quoi qu'il arrive désormais, nous sommes unis...


Note1 : Faire les démarches pour un mariage civil. Faut-il forcément attendre que j'aie 18 ans ?

Note2 : Prévenir mes parents !

Note3 : Convaincre Shaïtans et Sahirs de l'intérêt de tenir une réunion de conciliation, trouver un lieu et l'organiser.

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