Chapitre 15 : Samuel

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             La sonnerie de mon réveil me tire d'un sommeil peuplé de rêves flippants qui s'évanouissent aussitôt. Je me sens nauséeux et je suis trempé de sueur malgré la fenêtre ouverte. Content de me voir réveillé, Nero sautille autour de moi en croassant gentiment. Que diable fait-il dans ma chambre ? Pour une raison mystérieuse, je me sens en colère contre lui. Je bois avidement le verre d'eau tiédie qui se trouve –comment ça se fait ?- sur ma table de nuit et je rassemble mes forces pour tanguer jusqu'à la salle de bain. Je m'asperge le visage d'eau fraîche dans l'espoir de reprendre mes esprits. Je me sens comme au lendemain d'une fête trop arrosée mais je ne me souviens absolument pas d'avoir été invité. Par qui, de tout façon ? Ce n'est pas comme si j'avais une vie sociale, à Nevers...

            En relevant la tête vers le miroir, j'ai le souffle coupé par la stupeur. Je prends du savon et me frotte la joue avec vigueur, sans résultat : une sorte de résille dorée arrondie persiste à briller sur ma joue. C'est horrible, j'ai l'impression d'avoir un mandala projeté sur le visage ! Comment je vais faire pour cacher ça ? Tout à coup je me sens mal et me penche précipitamment sur les toilettes. C'est décidé, je vais me recoucher. D'ailleurs je suis certain d'avoir de la fièvre et je me sens franchement mou du genou. Tant pis pour le lycée, je m'écrirai un mot d'excuse...

          Je sombre à nouveau dans un sommeil agité, peuplé de griffes et de crocs. Lorsque j'ouvre les yeux, quelques heures plus tard, Ariana est penchée sur moi, l'air inquiet, Nero perché sur l'épaule.

- « Depuis quand vous êtes copain, tous les deux ? » Je coasse d'un air hébété.

- « Mais... Depuis toujours. Notre amitié a juste démarré d'une façon atypique ! Toi, tu as de la fièvre, dis-donc ! » Ajoute-t-elle en posant ses lèvres fraîches sur mon front. Ce qui ne contribue pas à la faire baisser.

          Elle m'aide à me relever sur mes oreillers et me tend un bol de tisane fumante. C'est le truc le plus mauvais que j'aie jamais bu, mais je me force à finir pour lui faire plaisir et, bizarrement, quelques minutes plus tard, je me sens déjà mieux.

- « Mais qu'est-ce-que tu as mis là-dedans ? C'est épouvantable ! »

- « De la sève d'Okari, entre autres, et divers lichens bleus. Mais ne t'inquiètes pas, c'est rarement mortel ! » Me dit-elle avec un large sourire et en me tendant un sandwich pain de mie, beurre de cacahouète, jambon. Ma récompense pour avoir bien bu ma potion ?

- « Je crois que tu devrais prendre une douche fraîche pendant que je change tes draps et que je te prépare une tasse de thé. Du vrai, cette fois ! » Ajoute-t-elle avec un clin d'œil.

              Ariana me soutient jusqu'à la salle de bain et commence à m'aider à ma déshabiller mais je la jette dehors et elle s'en va en gloussant joyeusement. Pris d'un souvenir dérangeant, je me regarde dans le miroir. Rien à faire, le gyrophare est toujours là ! Est-ce qu'il serait invisible pour elle ? Elle ne m'a fait aucune remarque... Ce serait une très bonne nouvelle, ça m'évitera de mettre du fond de teint ou de me laisser pousser une mèche.

              Après ma douche, je me sens franchement mieux et faute d'avoir pensé à emporter des vêtements, je me mets une serviette autour de la taille. En sortant, je manque heurter Ariana qui arrive avec la tasse de thé à la main. Elle me repousse délicatement vers le salon, une main posée sur mon torse nu et je la suis docilement pendant qu'elle dépose le mug sur la table basse. Elle se rapproche de moi avec douceur et pose une main légère sur mon épaule, ses yeux dorés plongés dans les miens. Un sentiment de déjà vu, d'angoisse et d'urgence mêlés me submerge. Je sens mon cœur s'emballer, mon ventre faire des loopings. Je retiens mon souffle en fixant ses lèvres qui s'avancent avec une lenteur déchirante vers les miennes. Lorsque Skype se met à sonner, je me penche légèrement vers la droite et coupe la parole à ma mère en refermant sèchement le clapet de l'ordinateur. Perdu dans une sorte de transe, je reprends où nous en étions.

                  Ses douces lèvres chaudes se posent sur les miennes, je ferme les yeux et oublie tout le reste...

Note à moi-même : Rappeler ma mère et trouver une sacrément bonne excuse pour lui avoir raccroché au nez.

Note à moi-même : Comment un rêve aussi tordu peut-il expliquer la marque visible/invisible sur ma joue ? Pourquoi Ariana a-t-elle trouvé ma porte ouverte ? Comment suis-je rentré hier soir ???

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