Marie est partie travailler et moi, elle m'a déposé proche de la maison, les clés en main pour ne pas que je me retrouve dehors. À la recherche d'emplois, j'ai flâné toute la journée dans la maison, appréciant le luxe de celle-ci. De temps en temps, je regardais les dernières annonces d'offre d'emploi, mais rien ne m'intéresse, rien n'est dans mes expériences.
Fin d'après-midi, le téléphone sonne. J'hésite d'abord à aller y répondre, puis je me dis que ça peut vraiment être important, au pire, je ferais la secrétaire. Alors je me lève du canapé pour aller répondre. Le combiner proche de l'oreille, j'ai la voix de Marie qui me parle, qui me supplie d'aller récupérer les enfants à l'école, elle aura du retard dû à son travail puis elle aura les courses à faire. Est-ce qu'une nouvelle fois, j'ai le droit de dire non ? J'avoue que je préférerais rester dans cette maison qui sent bon le neuf, plutôt que de me bouger récupérer des bambins.– J'irais, ne t'inquiète pas.
Mais l'histoire de la gentillesse de cette famille reprend toujours le dessus et j'accepte. Elle rajoute qu'elle ira faire seule les courses. Ensuite, elle me dit qu'il faut que je fasse goûter les enfants. Une longue liste de choses qu'ils ont le droit de manger et moi qui attends en voyant le temps qui défile. Le peu de temps que j'avais encore de libre avant de les revoir, elle me le prend. Même derrière le téléphone, où elle est elle ne peut pas me voir, je hoche la tête de haut en bas. Puis à un silence de sa part, je lui lance que je dois y aller vu que je suis à pied. Elle s'excuse, je hausse les épaules de mon côté, à quoi bon s'excuser. C'est vrai qu'avant de raccrocher, j'aurais pu lui demander pourquoi exactement elle aura du retard, mais ce ne sont pas mes affaires.
Les enfants ont été surpris de me voir devant la porte de leur école. J'ai dû expliquer ma présence, j'ai dû attendre l'approbation des enfants, le fait qu'ils me connaissent bien pour qu'ils puissent partir avec moi. On a refait le trajet à pied, Henry a souvent soufflé pendant que Naomi semblait heureuse, me tenant la main. Je n'ai jamais eu le cœur enfantin, mais là, c'est différent avec la petite Naomi, je sens qu'elle a envie qu'on s'entende bien tous les deux, ce qui est peut-être pathétique pour son frère. Il doit sûrement penser que je suis que de passage, que d'ici quelques jours, je disparaîtrais à nouveau. Pour être honnête, j'aimerais bien que ça se passe comme ça, mais je pense que je vais devoir rester longtemps, c'est si dur d'être en galère d'argent, de ne pas avoir de travail, surtout quand on voit un frère qui a si bien réussi. Je leur ai donné la longue liste des choses qu'ils avaient le droit de manger pour le goûter puis ils sont allés faire leur devoir. Enfin de la tranquillité. Quoique. Pour être honnête, j'aimerais bien que ça se passe comme ça, mais je pense que je vais devoir rester longtemps, c'est si dur d'être en galère d'argent, de ne pas avoir de travail, surtout quand on voit un frère qui a si bien réussi. Je me penche légèrement vers l'avant pour voir mon frère arriver vers moi. Il me tape sur l'épaule et va se servir une bière.
– Bonne journée ? Me demande-t-il.
– Ca va. Et toi ? Le boulot ?
– Tranquille. Dis-moi, Marie est là ?
– Non. Elle m'a dit qu'elle est retenue au travail.
– Il faut que j'aille chercher les enfants du coup, lance-t-il en même temps qu'il lance ses bras au ciel.
– Non. Je suis allé les chercher, elle m'a demandé.
– Oh merci Ismaël, c'est vraiment gentil de ta part.
– C'est normal.
Il s'en va. Je l'entends, qui monte les escaliers pour aller à l'étage. L'heure tourne et personnellement, je commence à avoir faim, alors je me lève de ma chaise et je regarde dans les placards. Trop pris par mes pensées, je ne l'ai pas entendu revenir. Je sursaute quand je sens une présence derrière moi. Gêné, je bafouille ce qui peut ressembler à une phrase.
– Je... je pensais que je pouvais faire à manger pour ce soir, j'ai un peu faim.– Non, laisse tomber, je vais le faire.
D'un geste du bras, il me fait partir de devant les placards et il prend ma place. Première différence. Il fait à manger, ce n'est pas Marie qui le fait. Ce n'est pas macho comme réflexion, mais vu comment elle fait la cuisine, on lui laisse le faire tellement, c'est bon. En tout cas, je ne savais pas que mon frère avait des talents de cuisiniers. Quoique, vu qu'il prend un paquet de pâtes, je pense qu'il n'a pas vraiment de gloire dans ce domaine. Mais au moins, on va manger.
Les enfants ont mis la table. Pour la première fois, j'ai réussi à les aider sans qu'on me tape sur les doigts. Marie n'est pas rentrée encore, mais on met tout de même une assiette pour elle. Les enfants pensent qu'elle va bientôt rentrer, mais en regardant le visage d'Amaury, j'ai l'impression que Marie ne rentrera pas tout de suite à la maison. Les enfants ont juste l'espoir d'avoir un baiser de leur mère avant d'aller dormir. Alors qu'on mange, Henry raconte sa journée et c'est au tour de Naomi. Leurs journées ont l'air si joyeuses, si simples. Amaury lui ne parle pas. Il a l'air soucieux. Si la table n'était pas là, j'aurais pu voir sa jambe sautée à cause du stress. Pourquoi Marie n'est pas là ? Est-ce qu'il y a quelque chose derrière son absence ? Le repas se finit dans le silence. Je suis mal à l'aise. Les enfants ont l'air de l'être aussi. De la bouche de Naomi, on s'attend à la fameuse question qui demande où est sa mère, ça lui brûle les lèvres pourtant elle ne dit rien, comme si c'était une habitude. Le repas se termine rapidement, là, nous ne prenons pas le temps d'être en famille. Amaury débarrasse la table avec mon aide alors que Henry et Naomi s'assoient devant la télé. Dans la cuisine, nous sommes seuls, lui et moi.
– Tu vas bien ?
Son corps a l'air raide, ses muscles sont contractés, ça se voit à travers sa chemise. Puis, ses gestes, il y a de la violence, une violence qu'il veut exprimer autrement, mais parce qu'il ne peut pas, il la lance là. Il finit par me regarder pour me lâcher un simple :
– Oui, très bien.
Je le regarde. J'attends. Est-ce qu'il va dire autre chose ou est-ce que c'est à moi de gratter derrière sa carapace pour savoir des choses ? Rien. Il ne dit rien, même lorsqu'il finit de faire la vaisselle.
– C'est souvent comme ça, j'en suis désolé, finit-il par me dire.
– Pourquoi être désolé ? Ce n'est pas de sa faute si elle est retenue au travail. Puis, ça n'est pas bien
compliqué d'aller récupérer les enfants.
– C'est déjà super qu'ils te les aient donnés, parfois ils sont chiants à l'école.
– La maîtresse m'a regardé comme si j'étais un pédophile, c'était bizarre.
– Oh mon pauvre. Je ne vois pas pourquoi elle ne m'a pas appelé.
– Je ne sais pas.
Ensemble, on va s'asseoir dans le salon pour regarder les dessins animés avec les enfants. La lumière de la pièce n'est pas allumée alors je remarque quand il allume l'écran de son ordinateur pour checker les messages qu'il a reçu. Il se lève d'un coup et murmure un :
– Merde, pourquoi elle ne rentre pas.
De l'inquiétude ? Mais dans quel sens ? Peut-être que c'est moi qui vois le mal partout. Pourquoi voir le mal dans cette famille alors qu'ils sont heureux ensemble ?
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Rien n'est acquis
Short StoryAlors que l'un n'a rien et que l'autre a tout, ils vont se retrouver après des années sans se voir. Le choc de deux destins pour deux frères. Ismaël n'a pas de travail, vient de se faire larguer par sa petite amie avec qui il était depuis trois ans...