Rien n'est acquis

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Ils ont un pouvoir magique, ce n'est pas possible. Tout le monde s'est levé comme si de rien n'était. Ils ont toujours eu l'air aussi complice que la veille. Alors il boit les paroles de Marie. Elle a dû pouvoir sur lui et sa faiblesse lui jouera des tours. Moi, de mon côté, pour une dispute de ce genre, on était capable de se faire la gueule pendant des jours. De longues minutes et heures à ne pas croiser nos regards. C'était horrible à vivre, j'avoue que j'aurais aimé avoir ce pouvoir magique, mais je suis trop rancunier. Les enfants, ils ont vu leurs parents comme des êtres qui s'aiment. Ou oui, voilà. Ils ont fait ça pour ne pas laisser penser les enfants que quelque chose se passe. Puis, si ça se trouve, je me fais totalement des histoires. Amaury, il connaît sa femme, il doit savoir quand elle ment et quand elle ne ment pas. Elle doit avoir dit la réalité, la réunion s'est étendue à un simple verre. La douche ? Je ne sais pas, sûrement parce qu'elle a transpirait dans ses habits de journée et elle voulait être propre pour retrouver son mari. J'imagine des choses qui n'ont pas lieu d'être.

Ce soir, elle ne m'a pas demandé d'aller chercher les enfants à l'école, cependant, je l'ai rejoint devant le bâtiment pour que nous allions faire les courses. Ce qui m'a choqué, si je peux utiliser ce mot, c'est le fait qu'en rentrant dans le magasin, elle a permis à ses enfants de vadrouiller dans le centre commercial pendant qu'elle fait les courses. La seule excuse à ça ? Elle peut leur faire plaisir en achetant des choses qu'ils aiment sans qu'ils le voient. Et la sécurité ? Pense-t-elle à leur sécurité ? Dans le monde d'aujourd'hui, tout va si vite. Peut-être que c'est juste moi qui ait peur de tout ? Que c'est moi qui pense toujours que le pire arrivera. Cependant, un peu de vigilance serait pas mal à mon goût.

Dès le retour à la maison, les enfants sont allés faire leurs devoirs pour l'école et Marie a commencé à faire à manger. Ce soir, c'est Amaury qui est rentré un peu plus tard, même s'il est là pour le repas. Malgré ma présence, ils gardent leurs habitudes, leurs baisers, leurs touchers. Mal à l'aise, je baisse le regard vers le sol. Et l'attention vient sur moi. Qu'est-ce que j'ai fait de ma journée, qu'est-ce que je compte faire demain, ça en est où avec la recherche de travail. J'arrive simplement à leur dire que ça avance. Pas plus de détails étant donné que je suis un très mauvais menteur. Je ne peux cependant pas dire que je suis resté devant la télé le plus gros de ma journée, même s'ils vont bien s'en rendre compte sur la facture. Amaury n'est pas resté très longtemps en notre compagnie, nous fuyant presque. Moi, j'apprécie toujours de passer du temps seul avec Marie. Un peu proche d'elle, j'ai pu sentir l'odeur de son parfum qui demeure même avec une journée de travail, puis cette odeur s'est mélangé à celle de la cuisine. J'ai eu envie de m'approcher d'elle, de lui proposer plus d'aide, mais je n'ai pas osé. Je suis resté à distance.

Une fois le repas prêt, nous nous sommes mis à table. Amaury et les enfants nous ont rejoins. Amaury reste sur son téléphone et il reçoit une remarque de sa femme.

– Désolé, c'est pour l'entreprise.

Et ce soir, les enfants ne content pas leur journée. Est-ce que c'est à cause de l'état de leur père ? Un homme qui n'a pas l'air avec nous. À un moment, il fait tomber sa fourchette qui claque contre son assiette.

– Amaury, fais attention, lance Marie.

– Désolé, je n'ai pas fait exprès, répond-il avec un brin d'énervement dans sa voix.

Proche de moi, j'entends Marie qui marmonne quelque chose comme 't'es toujours désolé'. Je la regarde, elle me fixe. Amaury ne prête pas attention, il n'a pas dû entendre et peut-être que c'est mieux. Elle baisse le regard, sûrement honteuse de ce que j'ai pu entendre. Je reprends ma fourchette, essayant de ne pas l'échapper. Est-ce qu'elle me ferait la même remarque qu'à son mari ? Je ne sais pas et je ne veux pas savoir, pas ce soir. Le repas se passe silencieusement, aucune musique, la télé n'est pas allumée, on dirait presque qu'on honore la pensée d'un mort. Puis une chaise grince contre le sol, je lève la tête vers l'endroit où je pense que le bruit me parvient.
– Et puis merde, qu'ils aillent se faire voir, crie Amaury en se levant de table.