Chapitre 3

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Lundi 27 Août

"Hayley, réveille-toi marmotte !"

Voici les premiers mots que j'ai entendu ce matin, pas très motivant pour commencer la journée... A peine ai-je eu le temps d'ouvrir les yeux et de me redresser qu'un oreiller volant m'est arrivé en pleine figure et m'a immédiatement remise dans ma position initiale. La journée commençait bien.

"Alors, prête à retourner au lycée ?"

En retirant l'oreiller meurtrier de mon visage, j'ai aperçu le sourire narquois d'une jeune fille que je connais bien, visiblement fière de son coup et de sa question idiote.

"La ferme Aura..."

Aura, c'est ma génialissime cousine et colocataire. Des cheveux roux flamboyants et ondulés qui lui descendent jusqu'à la taille, des yeux bleu-vert encadrés par de longs cils fins, des tâches de rousseurs qui lui parcourent les joues et le nez... Magnifique, tout le contraire de moi. Avec mes cheveux châtains coupés court, mes yeux d'un marron on ne peut plus basique et ma peau aussi blanche qu'un cachet d'aspirine, moi-même j'ai tendance à me demander si on fait bien partie de la même famille.

Ma cousine avait quinze ans quand je suis arrivée ici. Elle m'a immédiatement prise sous son aile et m'a appris beaucoup de choses : le maquillage, le dessin, le sport, même les garçons, tout y est passé. Je l'ai toujours considérée comme la grande sœur que je n'ai pas eu : elle a su être là quand il le fallait, pour me protéger, me défendre, et surtout me consoler quand... non, ça c'est une autre partie de l'histoire, mais je ne vais quand même pas tout vous raconter dès maintenant, n'est-ce-pas ?

Et puis quand je suis rentrée au lycée, ma tante a estimé que nous étions assez grandes pour nous débrouiller toutes seules et a déménagé à New York pour aller "vivre ses rêves", comme elle nous l'a dit. Sur le moment, Aura et moi on n'a pas très bien saisi de quels rêves ils s'agissaient  — il faut dire qu'elle en a toujours eu des milliers —,  mais on l'a laissée partir parce qu'on s'est dit que si c'était nous, on serait heureuses que notre famille nous soutienne dans notre quête du bonheur. Alors Aura s'est trouvé un travail à la bibliothèque, je me suis portée volontaire pour faire le service au Grill quelques samedis soir, et nous avons officiellement commencé ce que nous appelons notre Awesome Cousin's Homesharing. Et bien qu'on ne soit pas forcément sur la même longueur d'onde pour tout, on finit toujours par se réconcilier, et on est heureuses ainsi. En fin de compte, cette ville, c'est un peu notre New York à nous... Mais je m'égare, revenons à ce matin.

Après avoir fermé la porte de la maison, je suis montée sur mon vélo que j'avais préparé la veille pour me faciliter la tâche ce matin. J'ai eu l'impression que ça faisait cent ans que je n'étais pas montée dessus, il faut dire que je l'avais un peu délaissé cet été, parce que ce n'est pas simple de se déplacer à Atlanta à l'aide de ce seul moyen de transport, et ça l'est encore moins de l'emmener dans l'avion jusqu'en France. Je suis montée sur la selle et j'ai donné les premiers coups de pédale afin de m'élancer, l'air frais du matin faisant voleter mes cheveux et brûlant mes poumons à chaque inspiration. Le matin est vraiment mon moment préféré de la journée : regarder la ville s'éveiller, les vestiges de la nuit encore présents sur les visages fatigués des personnes qui franchissent le pas de leur porte, le silence et la paix entourés des douces couleurs roses et mauves du soleil levant.

En arrivant devant mon lycée, j'ai eu l'impression d'émerger d'un rêve. Vous savez, cette sensation quand vous avez imaginé une situation pendant tellement longtemps que quand elle se présente enfin à vous elle semble irréelle ? C'est exactement l'impression que j'ai eue à ce moment. Des élèves partout, et des expressions uniques sur chaque visage. Une masse d'adolescents qui, dans un mélange d'excitation et d'impatience, faisaient un vacarme tellement assourdissant que je regrettais déjà le silence qui m'avait accompagné tout au long de mon chemin. J'ai garé mon vélo et je me suis dirigée vers la foule bruyante, cherchant du regard ceux que j'attendais de revoir avec impatience depuis maintenant près de deux mois.

Le ParapluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant