Chapitre 2

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Dimanche 26 Août

Demain, c'est la rentrée. Après trois mois de vacances, je vous avoue que remettre l'uniforme du lycée et passer cinq heures sur une chaise à écouter le discours monotone de mon prof de maths ne m'enchante pas vraiment.

Pourtant, trois mois de vacances c'est vraiment long : le premier mois, on sort, on va à tellement de fêtes qu'on ne sait plus les compter, bref on célèbre la fin des cours comme il se doit. Je passe la plus grande partie de mon mois de Juillet en France chez mes grands-parents. Ma grand-mère est une grande passionnée d'Histoire, et chaque fois que je viens la voir elle m'emmène visiter un endroit différent et me raconte toutes les anecdotes possibles et inimaginables dans les moindres détails. J'adore l'écouter, rien que de voir les étoiles s'allumer dans ses yeux quand elle me parle me rend immédiatement heureuse.

Mais quand je rentre aux États-Unis, c'est là que le calvaire commence : le mois d'Août. Pour moi, c'est comme un long dimanche : il est là pour te permettre de te reposer, mais tu n'en profites pas parce que tu sais pertinemment ce qui t'attend après ; alors tu passes tout ton temps à préparer ta rentrée, à stresser sur ton emploi du temps et à calculer désespérément et inutilement la probabilité de te retrouver avec tes amis... Une vraie torture. Finalement, ce n'est pas si mal la rentrée... Surtout que cette année est particulière pour moi : c'est ma dernière année de lycée, la fameuse Senior Year, celle avec la remise des diplômes, le bal de promo à la fin et les études après...

Je me souviens de mon arrivée au lycée à seulement quatorze ans, les étudiants de dernière année m'impressionnaient. Ils étaient grands, pleins d'assurance, et semblaient pouvoir contrôler n'importe quoi et n'importe qui. Demain c'est moi qui serai à leur place. C'est une drôle de sensation, comme si j'atteignais enfin un but pour lequel je travaillais depuis des années. J'ai beaucoup d'espérances pour cette année : je veux m'inscrire dans un atelier, aller aux bals et aux évènements sportifs, rire de tout et de rien avec mes amis... Je veux qu'elle soit parfaite. C'est ma dernière année au lycée après tout, alors autant en profiter.

J'ai décidé d'aller prendre l'air cet après-midi pour penser à autre chose. J'ai pris mon appareil photo et je suis sortie me promener dans les lotissements de ma petite ville. Dès que quelque chose me plaît, je me pose et je fais travailler mon âme artistique : je capture les détails improbables de cette vieille maison dans ma pellicule, les enfants qui jouent au ballon au coin de la rue... Je voue une véritable passion à la photographie. Quand je suis arrivée en ville il y a six ans, j'étais complètement perdue. Ma tante m'a tendu un appareil photo et elle m'a dit : "Le meilleur moyen d'apprendre à connaître un endroit, c'est de le découvrir par soi-même". Depuis ce jour, je découvre ma ville dans ses moindres recoins à chaque occasion qui se présente.

Tout à coup un détail a attiré mon oeil : une fille. Cela peut paraître un peu étrange dit ainsi, mais c'est comme ça que je l'ai ressenti, comme un détail imprévu. Cette fille je ne l'avais jamais vue avant, ni sur mes photos, ni dans la rue, ni nulle part. Elle était simplement assise sur le perron de sa maison, sa tête posée sur ses genoux et son regard perdu dans le vide. Ses longs cheveux noirs étaient coiffés en fines tresses et rassemblés dans une queue de cheval sur le haut de sa tête, et des petites lunettes ornaient son visage laiteux. Je l'ai prise en photo, histoire de l'ajouter à mes "découvertes". Sur l'écran de mon appareil, j'ai zoomé sur son visage : elle semblait... mélancolique. J'ai secoué la tête comme pour chasser mes pensées, j'ai éteint mon appareil et j'ai repris le chemin de chez moi en repensant à demain. J'ai souri.

Demain tout commence : demain sera le jour de tous les possibles.

Le ParapluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant