9. Ciara - Portrait musical

1.2K 125 9
                                    

Un nouveau chapitre ! En espérant qu'il vous plaise !

9. Ciara | Portrait musical

- Qu'est-ce qui t'a fait te dire : Je veux faire ma carrière dans la musique, je veux écrire pour les autres, les produire ?

Je me suis préparée à toutes ces questions mais ce n'est pas aussi facile que ça n'y paraît. Je me suis parfois occupée des interviews pour certains artistes, mais je ne pensais pas, un jour, être celle qui répondrait aux questions. Et j'aimerais ne pas réciter des réponses toutes faites. Ce ne serait ni bon pour moi, ni pour Lucas, même pas pour les auditeurs. Ce n'est pas le principe de l'émission.

Lucas me fait signe que tout va bien, qu'il n'y a pas de question piège et il a raison. On ne sait pas comment cette émission va être accueillie mais, ici, dans ce studio, je suis à l'abri. L'équipe est adorable, Lucas, professionnel. Je n'ai pas de raison de m'en faire. Respire, prends une grande inspiration, et réponds avec sincérité.

- Mes parents ne sont pas du tout musiciens. Ils sont comptables. Mais, une fois par an, ils nous emmenaient, mon frère et moi, voir un concert au cinéma. Je ne sais pas trop comment cette tradition est née mais c'était une sortie familiale qu'on attendait. Je ne vais pas mentir, ça ne nous plaisait pas toujours, ils avaient tendance à choisir un peu au hasard. On n'y connaissait pas grand-chose mais on a pu découvrir ainsi différents genres. Et moi, j'ai découvert la scène. Ça me fascinait de voir ces gens évoluer sur un tel espace devant autant de personnes. Je suis vie devenue obsédée par tout ce qui avait un lien avec la scène.

- Et ça ne t'a jamais donné envie de toi-même te produire dessus ?

Respire. Marque une pause. Tu n'as pas besoin de tout déclamer d'un seul coup. Sois naturelle. Prends ton temps. Cette question n'est pas une surprise. Elle vient toujours à un moment ou à un autre dans la discussion. C'est lié à mon amour de la scène, et à l'écriture. Pourquoi écrire pour les autres et pas pour soi-même ? C'est une bonne question.

- Pas vraiment. En grandissant, j'ai très vite compris que ce qui me plaisait c'était écrire. Je n'étais pas mauvaise en chant, mais ce n'était pas ma passion. Très vite, j'ai eu envie de composer pour le cinéma. Petite, je recopiais les paroles des chansons Disney dans un petit carnet et j'essayais de les « analyser ». J'avais huit ans alors ce n'était pas du grand art mais j'aimais ce moment rien qu'à moi, immergé dans les mots des autres. Je suis très vite passée à d'autres artistes : Kery James, IAM, Sniper, NTM. Et puis, j'ai appris l'anglais et le champ des possibles s'est ouvert. Très rapidement, ce sont mes paroles qui ont pris la place sur les feuilles blanches.

L'écriture, c'est ce que je préfère dans la vie. C'est l'activité à l'origine de mes plus grandes joies, de mes meilleurs moments de créativité et, à la fois, de mes plus grandes frustrations et dépressions. C'est comme une drogue, elle t'élève haut, très haut, et tu te sens euphorique, mais la chute est toujours brutale.

- Et ça ne te gêne pas d'évoluer dans l'ombre ?

- En réalité, ça m'arrange. Je pense que si j'étais vraiment gênée, j'aurais tenté quelque chose. Je n'utiliserais pas un pseudonyme pour signer mes textes. J'ai les moyens aujourd'hui de produire mon propre album si je le voulais, mais ce n'est pas le cas. Je suis bien plus à l'aise de l'autre côté. Et bien trop fière quand les autres interprètent mes paroles. Jusque-là, l'anonymat était une bonne planque. J'aime le fait d'être discrète, ça me permet de choisir plus facilement les gens avec qui je veux collaborer.

Bientôt je n'ai plus besoin de penser à respirer, tout se déroule tout seul. Je ne fais même plus attention aux micros, je suis à l'aise. Lucas passe les sons de ma playlist, je raconte des anecdotes, on parle des sorties récentes. Comme il me l'a promis, c'est sans prise de tête. S'il n'y avait pas le matériel de radio et les caméras, je pourrais presque penser qu'on se trouve dans son salon à parler musique.

Quand on ferme les micros, on regarde tous les deux nos portables pour voir si on n'a pas reçu de messages urgents pendant l'émission. Je ne suis pas accro à mon téléphone mais il s'agit de mon outil de travail. Le laisser éteint pendant une heure c'est prendre le risque de recevoir une vingtaine de messages et mails d'un coup et de devoir les trier avant de pouvoir l'utiliser de nouveau.

Lucas m'interpelle alors que je lis le mail d'une artiste qui finalise son album que je produis. Elle a apporté des modifications suivant mes indications lors de notre dernier face à face et me demande quand elle pourra avoir le studio. Je lui réponds qu'il y a plusieurs créneaux dans la semaine et qu'elle peut voir ça avec la réceptionniste selon ses horaires. Je relève la tête vers Lucas et lis le texte affiché sur l'écran de son téléphone qu'il tend vers moi.

Je ne comprends pas tout de suite pourquoi il me montre un tweet de Melvin avant de lire les quelques lignes présentes sur la photo.

« On n'insulte plus personne, on se calme et on passe à autre chose maintenant ?

Parce que si ce n'est pas le cas, on va devoir mettre en place des actions et, sincèrement, je n'ai pas envie.

Idris. »

Je n'arrive pas à savoir quoi en penser. Ce n'était pas vraiment à lui de le faire, même si je ne peux m'empêcher de me sentir soulagée. Après tout, c'est lui qui avait amorcé la bombe, je suis contente qu'il ait prit le temps de la désamorcer. Paradoxalement, j'aurais voulu croire que j'étais capable de régler cette affaire toute seule, sans qu'il n'ait besoin d'agir et sans que je ne lui doive quelque chose en retour. C'est idiot, mais maintenant j'ai l'impression d'avoir une dette envers lui et je déteste ça.

Je ne m'attendais pas non plus à ce qu'il explique toute l'affaire en détails, notamment le fait que Sasha ait trompé Olivia. Même s'il ne donne pas de noms et que ça explique notre geste, pas sûre qu'Olivia apprécie l'intention. Est-ce que Sasha a donné son accord ? Ça ressemble plutôt à un message non réfléchi, comme s'il avait été impulsif. C'est peut-être le cas.

- Ça devrait calmer la majorité, c'est plutôt une bonne nouvelle, non ?

- Hum.

C'était censé être un oui qui devait sortir de ma bouche mais ça ressemble plus à un son non identifié. Lucas m'observe un instant, comme s'il tentait de me percer à jour avant de partir sur un autre sujet de conversation. C'est comme s'il avait capté quelque chose dans mon ton dont je n'aurais pas conscience moi-même. Je ne le questionne pas pour autant, hors de question d'aller sur un tel terrain glissant.

- Merci encore d'avoir accepté ! Tu ne te rends pas compte de ce que ça représente pour moi ! Et je suis certain que nos auditeurs ont apprécié ! On a déjà eu pas mal de retours positifs ! Ils devraient pouvoir commencer à t'apprécier maintenant !

Je pourrais dire que ce n'était pas le but de l'émission mais on sait tous les deux que je mentirais. Je me contente de hocher la tête, de lui promettre un café un de ces quatre pour le remercier et de sortir des locaux de la radio. 

Nos Musiques (sous contrat d'édition) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant