Au travail

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Le lendemain matin, presque aucune mention n'est faite dans la presse de mon voyage outre-Rhin. La quasi-totalité des journaux titres sur mon investiture ou sur DSK. Depuis hier, la France sait qu'il dirigera le gouvernement, et je devine que bon nombre de français, accoudés au zinc du café du coin, se demandent si nous n'allons pas nous entre-tuer dès le premier conseil des ministres.

Car c'est bien aujourd'hui que se déroulera cette première réunion gouvernementale. Pour faire leurre de notre mésestime, j'invite le Premier Ministre à un petit-déjeuner dans les jardins. Quelques photos sont prises et publiées sur le site de lÉlysée. Il faut le dire, mon sourire était si crispé que tout le monde comprenait bien que ce n'était pas vraiment pour moi une sinécure de partager un moment d'intimité avec cet homme là. Je suis soulagée en apprenant l'arrivée des autres ministres. Je pénètre dans la salle, tout le monde se lève. J'ouvre bien grand mes nombreux dossiers, et je mène l'entretien tambour battant. Du temps où j'étais ministre, je détestait ce moment de la semaine que je trouvai d'un ennui mortel. C'était beaucoup de blabla et de mise en scène. Je révolutionne le genre en faisant un tour de table pour adresser à chacun mes priorités. Le Conseil se voit ainsi considérablement raccourci car chacun ne prends plus la parole pour ne rien dire. Je n'hésite pas à couper ceux-qui sont trop longs, ma patience ayant des limites toutes relatives, car je coupe plus souvent les strauss-kahnien qui minsupportent au plus haut point. A contrario, j'écoute avec une application écolière les appréciations de Jean-Pierre Chevènement que j'admire beaucoup. Le fait qu'il soit mon Ministre de la Défense me rends fière. Enfin, contrairement à la règle en vigueur, je ne sollicite presque jamais la parole du Premier Ministre. Ce dernier se liquéfie sur place. Lui qui pensait se retrouver avec une Présidente docile, ayant la réserve d'une princesse consort, trouve en face de lui un vrai chef n'hésitant pas à utiliser la totalité de ses prérogatives. Le voilà mis au mot. A la fin, je libère les ministres, sauf Jean-Marie Le Guen que je convoque dans le Salon des Ambassadeurs, jouxtant le Salon Murat où se tient le Conseil.

Le Guen est mon Ministre de la Santé, charge ô combien importante pour moi, mais il est aussi le porte-parole du Gouvernement. A cet égard, il lui revient de résumer la teneur du Conseil devant les journalistes. Le Guen est surtout un fidèle parmi les fidèles de DSK, et il ne me tient pas en haute estime, c'est un euphémisme.

- Bien. Jean-Marie. Si je vous ai demandé de venir un instant, c'est parce que je voulais m'entretenir un instant de votre activité de porte-parole. Je vais être clair, votre rôle est de représenter le Gouvernement, qui est une institution construite par mes soins. Votre rôle est donc de ME représenter. Et quoi de mieux pour se faire que celui de lire ceci.

Je lui donne un communiqué écrit.

- Voilà, merci de lire ceci au journalistes, il s'agit du compte rendu du Conseil. Refusez les questions pour le moment. Si vous faites convenablement votre travail, je vous laisserai l'espace de liberté d'y répondre ensuite.

- Mais, Madame la Présidente C'est à moi d'écrire mon communiqué

- C'est moi qui fixe les règles. Si elles ne vous conviennent pas, vous n'avez qu'à démissionner. Sachez que contrairement à vous, je suis assurée d'être là pour cinq ans.

Et je quitte la pièce, satisfaite de mon petit numéro.

Elle Seule.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant