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Les jours passèrent, les semaines... Jusqu'aux premiers coups de marteau.

Il était penché sur son ordinateur lorsqu'il les entendit.

Il releva la tête, et aperçut les ouvriers dans la maison voisine, qui s'attaquaient au mur porteur, celui qui soutenait la charpente de l'étage.

Ce mur, c'était son dernier espoir. S'ils n'y avaient pas touché, s'ils l'avaient laissé intact peut-être que...

Mais maintenant, plus rien n'arrêterait le cours des choses. Il vit cet ultime rempart partir en fumée. Ou plutôt, il l'entendit.

Ce fut un hurlement. Un atroce hurlement, et un bruit sourd : sa voisine venait de s'évanouir, et personne autour d'elle ne semblait y avoir prêté attention. Tous avaient le regard rivé sur ce mur, ou plutôt ce qu'il recelait.

La journée se poursuivit, ponctuée par les sirènes des voitures de police, le brouhaha des conversations des badauds, amassés devant la clôture.

Il n'eut pas le temps d'y réfléchir plus avant. Trois coups de sonnette interrompirent ses pensées.

Il descendit lentement, et ouvrit sa maison aux agents en uniforme qui patientaient sur le perron.

— Pouvons-nous entrer, monsieur ?

Il s'effaça, sans répondre.

— Nom et prénom ? interrogea celui qui tenait le carnet, pendant que les autres parcouraient son intérieur, l'air de rien.

— Steve Robins.

— Âge ?

— 55 ans.

— Profession ?

— Écrivain.

Le flic releva le nez de son bloc-notes, ne s'attendant probablement pas à une telle réponse. Puis il reprit :

— Quand avez-vous emménagé dans le quartier ?

— Ça fait une vingtaine d'années.

— Pourriez-vous être plus précis ? insista l'agent.

Steve fit mine de réfléchir. Il connaissait la date bien sûr. Mais il devait gagner quelques semaines, si c'était possible.

— Je dirais en mai 98.

— Vous vivez seul ?

— Oui.

— Parfait. Je vous remercie, conclut le policier.

Il jeta un regard vers ses collègues qui achevaient le tour du propriétaire, sans y avoir été invités ni avoir présenté le moindre mandat.

Heureusement, Steve s'attendait à leur visite, et il avait procédé à quelques aménagements : il avait déballé les derniers cartons qui restaient, étalé autant que possible les quelques meubles dont il disposait.

Les regards dubitatifs des policiers ne le rassurèrent pas sur la perception que ces hommes avaient eue de son intérieur. Ses efforts n'étaient pas justement récompensés !

Le soir venu, il s'installa pour écrire. Mais les événements de la journée, et cet interrogatoire revenaient sans cesse à son esprit. Il savait qu'il s'était montré coopératif sans être trop empressé, distant sans être indifférent, exact dans ses réponses sans être trop pointu. En somme, un Américain moyen, qui ne voulait pas être dérangé.

Dès le lendemain, les pelleteuses passèrent à l'action. Elles retournèrent méthodiquement tout le jardin. Steve les regarda discrètement toute la journée pour s'assurer qu'elles ne mettraient rien d'autre au jour. Il devait être informé de la situation exacte, des éléments précis dont disposaient les forces de l'ordre pour anticiper ce qui pouvait l'être. Il leur donnait quarante-huit heures avant qu'un lieutenant de police ne vienne frapper à sa porte.

Mais c'est le lendemain que la sonnette retentit, encore.

La maison d'à côté (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant