Chapitre 5

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Devant moi s'étalaient plusieurs clichés. Mais pas n'importe lesquels.Non. Sur le premier, on y voyait une femme, fermant sa porte d'entrée. La photo n'était pas de très bonne qualité, mais je reconnus son visage. Les cheveux blonds, un peu fous, le teint pâle et les yeux verts surmontés de petites lunettes rondes. Oui, son visage me disait quelque chose. En effet, il était passé un mois plus tôt sur toutes les chaînes télés . Anna Oxford, portée disparue.
La police en avait conclu à un meurtre, lorsqu'on l'avait retrouvée.Dans un sale état, si j'ose dire.
J'avais besoin de m'asseoir. Vite. Tremblante, assise sur la chaise de bureau,j'étudiais les photos, les notes. Il y en avait un paquet. Numéro de téléphone, adresse. Et des photos. Anna à la boulangerie, Anna lisant un livre dans son salon. C'en était affolant.

-Chloé, tout va bien ?

Je sursautais. Me retournais. Joe étais encore endormi. Je mis un moment à me rendre compte que c'était Martin, que j'avais planté à l'autre bout du fils. Je repris le téléphone, et, m'efforçant de maîtriser ma voix, je le rassurai avant de raccrocher :
-Tout va bien, je te rappelle si j'ai du nouveau.

Pourquoi ne pas avoir prévenu Martin ? Peut-être pour me laisser le temps, à moi, de digérer la nouvelle. Parce que la découverte de l'éventuel -je dis éventuel, ne tirons pas de conclusions trop hâtives- assassin d'Anna Oxford n'était rien. Trois fois rien en comparaison des autres clichés.

Des clichés de moi.

Moi, Chloé Smith.

C'est pas vrai. Comment c'est possible. J'approche le cliché de mon visage. C'est bien moi, assise sur mon lit, à fixer le plafond. Je fouille encore dans le dossier, trouve la fiche me concernant. Voyons.

Chloé Smith

Bon, ça c'est bon. Mon âge aussi. L'adresse est celle de l'appartement que l'agence loue. Rien à craindre de ce côté-là, donc. Mon numéro de téléphone. C'est normal, je le lui ai donné. Ce qui m'inquiète le plus est ce qui vient ensuite.
Pratique le karaté.
Bon sang, comment est-il au courant ? Je n'ai pas remis les pieds sur un tatami depuis un an, déjà, date de recrutement dans l'agence. La case métier est vide, c'est déjà ça.

Je prends ma tête entre mes mains, résistant à l'envie de partir en courant. Mon portable vibre. Je le regarde d'un œil vide. C'est marqué Martin. Je crois. Je n'ai plus la force de rien. Je regarde une seconde fois les photos. Anna et moi.

Je ne veux pas finir comme ça.

Je me lève, enfile mon blazer et sort de l'appartement. Je descends les escaliers et soudain, l'air frais de la nuit m'enveloppe. Je me rends compte que je pleure. Ça trace un sillon de glace sur mes joues. Je les essuie d'un geste rageur. Comment j'ai pu être aussi conne ? Me faire avoir de la sorte ? Je n'avais rien remarqué. Et pourtant...

Pour la première fois de ma vie, j'ai peur. Ça me serre le ventre, me fait trembler. C'est une sensation plutôt étrange. Je lève les yeux. La lumière, à la fenêtre semble flotter sur le ciel, par miles étoiles.

***

Quand j'ouvris mes yeux, rougis d'avoir trop pleurés, la pièce m'était totalement inconnue. Le tissu du drap sous mes doigts, était doux, agréable. De la porte entrouverte s'échappait une délicieuse odeur de pancakes et de sirop d'érable. J'étudiais la pièce. En face du lit, un grand miroir renvoyait mon image, les traits tirés, les cheveux en bataille. Mon maquillage barbouillait ma figure. Horrible. Je détournais les yeux de cette image peu valorisante, me concentrant sur le reste de la chambre. Un bureau, dans le coin de la pièce, où s'entassait des piles de document, et la table de chevet. Un bouquet de roses, jaunes et roses trônait sur le bord, le réveil indiquait onze heures. A quelle heure avais-je quitté l'appartement de Joe ? Aucune idée. Je ne me rappelais rien. Mon cerveau avait effacé les dernières heures. J'étais incapable d'aligner deux pensées cohérentes, aussi je ne me posais même pas la question de savoir où j'étais. Peut-être étais-je morte ? Si c'était ça, le paradis me semble bien agréable. Je m'assois sur le bord du lit, mes pieds nus effleurent la moquette bleue pâle. Les rideaux, pourtant tirés, laissaient filtrer un petit rayon de soleil, qui faisait des taches plus claires sur les murs blancs.
Je sursaute quand j'entends miauler. Un chat roux tigré passe sa tête entre le battant de la porte.
-Bonjour, toi.

Il s'avance timidement vers moi, reniflant l'air puis vient se frotter contre mes jambes en miaulant de plus belle. Puis, je sentis une présence autre que celle du chat, sursautant, sur le qui-vive.

Martin me faisait face, une assiette remplie de pancakes dans la main gauche. Ses cheveux blonds étaient plus décoiffés qu'à l'ordinaire, un début de barbe mangeait ses joues et des cernes violets soulignaient ses yeux bleus.

-Tu as faim ? me demande t-il.

Je ne réponds pas. Ma mâchoire s'était décrochée. Qu'est ce que Martin faisait là ? Il me tend l'assiette. Je ne la prends pas. Il la pose donc maladroitement sur la table de chevet, puis prenant le chat dans ses bras, il le caresse pensivement.

-Micetto est venu te voir, à ce que je vois.

Un petit rire gêné sortit de sa gorge. Il l'était autant que moi. Micetto ? C'est quoi ce nom débile ? J'essayais désespérément de mettre un peu d'ordre dans mes cheveux. Cela ne lui échappa pas.

-Je suis dans le même état que toi, Chloé, j'ai très peu dormi cette nuit. Personne d'autre que moi ne te verra mal coiffée.

Dans le même état que moi ?  Il se fiche de moi, là ? Ok, il n'était pas coiffé comme d'habitude, pas rasé, mais ça lui allait bien. C'était un peu comme s'il était une autre personne. Alors que moi, j'étais tout simplement horrible. Après un silence, qui dura près de dix minutes, il désigna de nouveau l'assiette.

-Mange.

Bon, j'avais super faim. Je ne me fis pas prier.

Les pancakes étaient bons. Délicieux, même. Je les dévorais, sous l'œil attentif de Martin. D'ailleurs, pourquoi restait-il ?

-Chloé.

Je relève la tête.

-Je veux seulement que tu m'expliques ce qui s'est passé hier soir.

Mon sourire se fige. Soudain, je n'ai plus faim. Je repose l'assiette. Ma gorge se noue et je sens mes yeux se mouiller. Je baisse la tête pour qu'il ne me voit pas et je sers les mâchoires. Martin reste un instant interdit. Je crois qu'il panique un peu. Puis il se ressaisit et tend sa main vers moi.

-Chloé...

Je relève la tête vers Martin et repousse brutalement sa main. Il reste là, hébété. Je lui fait vraiment de la peine. Ça se voit dans ses yeux . Pour la première fois, j'éprouve de la sympathie envers lui. Exit le lèche-bottes, avec sa tête de premier de classe. Je sais que je l'ai déjà dit, mais on dirait vraiment une autre personne. C'est Martin. C'est ce que je me dis depuis tout à l'heure. Aussi, lui lancé-je, d'un ton acerbe :
-Laisse-moi. Laisse-moi tranquille.

Mes paroles semblent le désarçonner. Il pince les lèvres, et je retrouve un peu du vrai Martin. Aussi, ce détail me donne-t-il la force d'ajouter :
-J'ai pas besoin de toi. Dégage.

Comme il ne bougeait toujours pas, j'ajoute en criant avec force :
-Fous-moi la paix, Martin!

Il hoche la tête. Doucement. Se lève, le chat sur ses talons.

-Très bien. Si tu as besoin de moi, je suis dans la cuisine.

Il ferme la porte, et je tire la langue. Puis, j'explose en sanglots et me roule en boule sous les draps, mouillant l'oreiller de mes larmes.


______________________NOTES_______________________________


Alors je crois que j'ai tout bonnement oublié de posté la semaine dernière, excusez-moi. Parfois plein de trucs s'accumulent, et j'oublie alors d'appuyer sur "Publier" le jour J, alors que le chapitre est prêt. Quand c'est comme ça, faut pas hésitez à venir me tirer les oreilles. :)

Bref, comme d'habitude vous pouvez voter si vous avez bien aimé la manière dont Chloé à rembarré Martin, ou commenter si vous aussi vous avez trouvé Martin sexy.

Chloé SmithOù les histoires vivent. Découvrez maintenant