Chapitre 22

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La veste de Martin est posée sur le dossier du canapé. Il l'avait pliée bien soigneusement, alors que je réservais son gâteau au frigo. Je l'avais invité à s'asseoir sur la table que j'avais dressée quelques minutes avant son arrivée.

-Un apéro ? je lui fais.

-Pas d'alcool pour moi.

Il manquait plus que cela. J'attends d'avoir la tête dans le placard pour rouler des yeux, ne voulant pas paraître trop impolie. Je scrute les bouteilles de vin, de whisky ou de Martini qui traînent dans le placard en espérant y dénicher une autre sorte de bouteille. Je parviens à dénicher une bouteille de coca, déjà entamée, mais Annie ne l'ayant pas jetée dans son inventaire, je présume qu'elle est encore bonne. Par précaution, je regarde quand même la date limite avant de la proposer à Martin.

-Oui, c'est très bien.

Je m'en sers également : finir saoule n'est pas dans mes plans et je n'ai pas envie de passer pour une alcoolique devant Martin - il a déjà une liste de mes défauts longue comme le bras. C'est lui que je voulais saouler, et pas par mes paroles, pour une fois. Cela aurait été plus facile pour lui tirer les vers du nez, mais visiblement, je vais devoir m'accommoder. Je lève mon verre vers Martin. Il trinque avec moi, ses yeux bleus plongeant dans les miens. Je coupe le contact visuel assez rapidement. Je n'aime pas ce moment, c'est assez gênant. C'est Martin qui brise le silence. Sans doute, lui aussi se sentait gêné. De toute façon, on n'allait pas passer le repas en silence, il fallait bien faire la conversation.

-Tu n'es pas censée avoir quelqu'un qui te surveille ?

Bien sûr, Martin est toujours là pour me rappeler que je ne fais pas les choses correctement. Mais cette fois, ce n'est pas de ma faute : ce n'est pas moi qui ai mis Annie dehors, c'est elle qui s'est mise dehors toute seule ! C'est d'ailleurs ce que je dis. Martin se laisse tomber sur le dossier de sa chaise, il continue de scruter le moindre détail de mon appartement.

-Je vois, murmure-t-il, l'air déjà ailleurs.

Je le laisse à ses pensées, sans doute à chercher le petit grain de poussière qui traîne et qu'il ne trouvera pas et vais vérifier la pizza. Selon les indications d'Annie, elle devrait être cuite dans quelques minutes et en effet, la croûte commence à dorer doucement. J'en profite pour rapporter des petits gâteaux apéritifs, autant vider mes placards ; cela évitera qu'ils pourrissent avant que je n'invite quelqu'un d'autre à manger. Martin semble toujours concentré, les sourcils froncés, il contemple la lumière de l'ampoule qui se reflète dans son verre de coca. Puisqu'il ne semble pas décidé à parler, je vais devoir faire un effort pour paraître sociale.

-Tu as l'air bien soucieux, dis donc, lui fais-je remarquer en versant les gâteaux dans une assiette.

Il relève les yeux vers moi, et attend que je me rassoie pour me répondre :

-Je m'inquiète pour toi.

Comment ? Ai-je bien entendu ? Martin Weiß s'inquiète pour moi. Je reste interdite, ne sachant que répondre. Martin me scrute, attendant une confirmation quelconque de ma part. Ses yeux ne bougent pas d'un centimètre, et j'ai même l'impression qu'il ne les cligne pas. Ce gars n'est définitivement pas humain.

-Euh. Eh, bien. Il faut pas, je bafouille. Je vais très bien.

Il se rassoit bien comme il faut, se penchant à demi vers moi, les bras croisés sur la table et secoue la tête.

-Tu es sûre ? Tu fais la cuisine, le ménage, tu n'es pas maquillée comme un pot de peinture ; y a un truc qui cloche. L'inactivité ne te fait définitivement pas de bien. Ca m'agace de devoir aller te chercher au commissariat, mais au moins, je peux pester contre toi, en me disant que c'est du Chloé tout craché, quand est-ce qu'elle arrêtera d'être une gamine ?

Chloé SmithOù les histoires vivent. Découvrez maintenant