Un papillon de rêves, d'un vol saccadé, s'approche et se prélasse dans les lumières de l'oubli, qui l'aveuglent le temps de quelques secondes, instants de peine oubliée: celle de sa propre condition. Il est éclairé et se sent au chaud, la noirceur des tréfonds de son cœur absorbant sans relâche la chaleur superficielle. La lumière aveuglante disparaît alors et laisse place au coussin frais de peine, omniprésent et peut-être trop froid, quelque soit la situation. Il ne sait pas: sa propre conscience lui joue-t-elle des tours ou est-il frappé de plein fouet, de coups soudains et douloureux, par sa situation d'homme?
Son cerveau d'insecte ne peut emmagasiner un tel flot d'informations: une telle vérité équivaudrait à faire fondre son âme tels les mortels qui boivent du nectar et mangent de l'ambroisie. Il reste alors là. Il ne sait rien. Tout en ayant l'impression d'être proche de la vérité: il n'est qu'à des années lumières, au fin fond de l'univers, extrémité ultime. Ses ailes microscopiques feront l'affaire.
Ce papillon est nostalgique, du temps où il était larve. Parfois il rampe, sur l'anneau d'une planète clandestine, en mémoire aux temps insouciants, il sait qu'il ne sera jamais pareil. Il ne sait pas, encore une fois si le monde lui a volé son enfance ou s'il l'a jetée, ignorant la solennité de ses actes irréversibles. Il est sorti du cocon beaucoup trop tôt. Lors de certaines nuits, entre deux galaxies, éclairé par la lumière bleutée lointaine d'une étoile, il confond nuage de peine, comète, et cocon: il croit le revoir, le retrouver. Un doux mirage galactique, au goût amer. Au fond il sait qu'il a trop grandi pour pouvoir y rentrer.